Energies renouvelables : l’Europe abandonne ses premières places à d’autres régions
Energies renouvelables : l’Europe abandonne ses premières places à d’autres régions
La responsable du réseau REN21, qui vise à accélérer le développement des énergies renouvelables, juge « affadie » l’ambition de l’UE pour se défaire de sa dépendance au charbon.
Par Christine Lins, secrétaire exécutive du réseau international REN21
En 2007, l’Europe était à l’avant-garde de la transition énergétique. Elle se fixait cette année-là un objectif contraignant, celui de porter à 20 % la part des sources d’énergie renouvelables dans la consommation énergétique d’ici à 2020 – ce qui représentait une progression ambitieuse de 11,5 % sur treize ans seulement. Un objectif inscrit dans le cadre du paquet énergie-climat, ensemble de mesures politiques plus étendu qui permettait à l’Europe de se positionner au premier rang mondial.
Toutefois, à la fin de 2015, l’Europe avait perdu son avance, comme le montre un nouveau rapport publié par REN21. Elle s’est laissée distancer par la Chine et les États-Unis dans la course aux énergies renouvelables. Ainsi, en 2015, les investissements européens dans ces énergies ont baissé de 21 %, tandis que ceux des États-Unis et de la Chine augmentaient de 19 % et 17 % respectivement.
Pour être tout à fait juste, ce recul actuel est en partie dû à l’avance prise par l’Europe les années précédentes. Ayant déjà déployé les énergies renouvelables dans des proportions relativement importantes, le Vieux Continent a en effet rencontré depuis un certain temps des difficultés qui commencent à peine à se poser aux leaders actuels. La plus importante d’entre elles est l’intégration des sources variables dans les réseaux électriques dont la production de base repose sur l’électricité fossile et nucléaire.
Ces difficultés sont toutefois surmontables. Le principal problème concerne l’affadissement de l’ambition européenne qui reste prisonnière des pays dépendant du charbon tels que la Pologne. Si l’objectif européen de 20 % d’énergie renouvelable d’ici à 2020 était révolutionnaire, celui plus récent de 27 % d’ici à 2030 est en comparaison médiocre – son augmentation de 7 % sur dix ans est dérisoire. C’est l’absence de volonté politique qui est à l’origine du recul européen.
Cette absence de volonté entraîne notamment la réduction des appuis financiers aux énergies renouvelables, amorcée durant la crise financière. Voyez comment s’exerce le traitement inégal actuel : les subventions aux combustibles fossiles sont jugées nécessaires pour stimuler l’économie tandis que celles aux énergies renouvelables sont considérées comme un luxe que les États ne peuvent se permettre.
Bizarrement, les subventions aux combustibles fossiles augmentent dans les États membres de l’Union européenne malgré tous les engagements pris publiquement pour les réduire. Il n’est plus étonnant que la Commission européenne ait fait marche arrière, en silence, sur l’obligation de supprimer lesdites subventions. Il est néanmoins stupéfiant qu’en 2015, les combustibles fossiles continuent d’être subventionnés quatre fois plus que les énergies renouvelables.
Heureusement, il existe toujours des exemples de leadership européen dans les énergies renouvelables. Le ministre allemand des affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a ainsi comparé la transition énergétique de son pays – appelée « Energiewende » – à l’ambition américaine des années 60 d’envoyer un homme sur la Lune en moins de dix ans.
Si l’Europe veut retrouver son leadership (elle a tout à y gagner), trois choses s’imposent :
- Cesser de donner la priorité aux combustibles fossiles et à l’énergie nucléaire : l’Europe peut se féliciter qu’en 2015, plus de 77 % de ses nouvelles capacités de production d’énergie provenaient de sources renouvelables, ces dernières se taillant, pour la première fois, la part du lion dans la production électrique européenne totale. Toutefois, à moins de créer des conditions équitables – en stoppant les subventions financières à l’énergie polluante et en accordant aux énergies renouvelables un accès prioritaire au réseau électrique – sa progression sera bloquée.
-Prendre les devants sur la chaleur et le froid : au début de 2016, la Commission a présenté une stratégie sur la réduction des émissions produites dans le secteur du chauffage et de la climatisation. Cette stratégie – une première mondiale – est fondée sur l’amélioration de l’efficacité énergétique et l’utilisation des énergies renouvelables. Elle représente une première étape sur la voie de la reconnaissance de ce « géant endormi » qui est pourtant crucial pour la transition énergétique. Les cadres politiques appliqués au chauffage et à la climatisation devront ainsi être ambitieux à l’échelle nationale et cesser d’être marginaux.
-Laisser les énergies fossiles dans le sous-sol : les gouvernements européens continuent d’encourager l’exploration de nouvelles sources de combustibles fossiles, alors que seule une part très limitée des réserves déjà existantes devrait être exploitée si l’on s’en tient à notre ambition en matière de climat. En mars 2016 par exemple, le Royaume-Uni a annoncé une importante série de mesures « destinées à attirer un investissement de 4 milliards de livres dans la mer du Nord, en vue de pérenniser l’industrie [du pétrole et du gaz] essentielle à l’économie ». L’heure est venue de se rendre à l’évidence – les combustibles fossiles ont fait leur temps et il est aujourd’hui révolu.
Le président Kennedy avait annoncé les ambitions spatiales de son pays ainsi : « Nous choisissons d’aller sur la Lune au cours de cette décennie et d’accomplir d’autres choses encore, non pas parce que c’est facile, mais justement parce que c’est difficile. Parce que cet objectif servira à organiser et à offrir le meilleur de notre énergie et de notre savoir-faire, parce que c’est le défi que nous sommes prêts à relever, celui que nous refusons de remettre à plus tard, celui que nous avons la ferme intention de remporter, tout comme les autres. » Si la « course à l’espace » est remplacée par la « course à l’énergie propre », cette déclaration reste brûlante d’actualité en 2016. La question est de savoir si les gouvernements européens seront à la hauteur du défi énergétique.
REN21 est un réseau international d’organisations internationales, de gouvernements, d’ONG, d’institutions académiques et d’associations sectorielles qui vise à accélérer le développement des énergies renouvelables. Parmi ses membres : Commission Européenne, Banque Mondiale, PNUD, PNUE, IRENA, Allemagne, Royaume-Uni, Inde, Brésil, WWF, Greenpeace, World Resources Institute, Energy and Resource Institute.