Robert Lewandowski lors du match contre l’Irlande du Nord, dimanche 12 juin, à Nice. | Eddie Keogh/Reuters

Le 11 octobre 2014 est devenu le symbole de la renaissance du football polonais. Pour la première fois dans l’histoire de leurs combats, depuis l’an funeste 1933, l’aigle blanc vola dans les plumes du noir et en sortit victorieux. A Varsovie, les Polonais, emmenés par leur capitaine Robert Lewandowski, s’imposèrent 2-0 face aux Allemands en éliminatoires de l’Euro 2016. La revanche, un an plus tard à Francfort, tourna à l’avantage des champions du monde en titre (3-1), mais l’avant-centre du Bayern Munich, en réduisant le score, en profita pour battre son coéquipier Manuel Neuer et inscrire son premier but contre son pays d’accueil.

Tous les regards sont tournés vers le meilleur buteur de la Bundesliga (30 réalisations cette saison) pour la belle en terrain neutre, jeudi 16 juin au Stade de France. A la pointe de l’attaque polonaise, Lewandowski, 27 ans, sera en famille, puisque outre celle de Neuer, il devra tromper la vigilance d’un autre Munichois, son garde du corps, Jérôme Boateng.

Un duel prometteur. Lors d’un entraînement du Bayern au printemps 2015, un tacle trop appuyé du défenseur avait provoqué une altercation entre les deux hommes, qu’il avait fallu séparer. Si Boateng salue en Lewandowski « un attaquant magnifique », il rappelle toutefois que « le foot est un sport de contact ». Plus que la qualification, l’enjeu du clash est l’hégémonie dans le groupe C. La Pologne a remporté son premier succès dans un Euro en dominant largement l’Irlande du Nord en dépit de l’étroitesse du score (1-0), le 12 juin, à Nice, avant que l’Allemagne ne dispose de l’Ukraine (2-0).

33 buts en sélection

Tel Jean Paul II, le catholique Lewandowski a enjoint à ses partenaires d’aborder ce match « sans peur », même s’il estime que l’adversaire est le favori non seulement de la poule, mais aussi du tournoi. De fait, la présence de cet aimant à ballon est rassurante pour les supporteurs des « bialo czerwoni » (« rouges-blancs »). Le serial striker a fait parler la poudre en éliminatoires en marquant 13 des 33 buts polonais, ce qui a permis à son pays de flamber avec la meilleure attaque.

Côté sécurité, l’affiche est à risque, comme lors de la courte et tardive victoire (1-0) du pays hôte à Dortmund, lors du Mondial de 2006, et à Klagenfurt (Autriche), en juin 2008. Pour sa première participation à l’Euro, la Pologne s’inclina 2-0, piégée par le doublé d’un garçon né à Gliwice (Silésie), Lukas Podolski. Un remplaçant du nom de Lewandowski fit son entrée mais ce n’était pas le bon, Mariusz et non Robert « le grand » (1,84 m). Ce dernier endossa pour la première fois le maillot national trois mois plus tard, en entrant à la 58e minute contre Saint-Marin. Huit minutes plus tard, il marquait le premier de ses 33 buts, à ce jour, pour la sélection.

Ce fils d’une joueuse de volley-ball et d’un judoka venait d’avoir 20 ans et de signer pour Lech Poznan, en provenance d’un modeste club de deuxième division de la banlieue de Varsovie, le Znicz Pruszkow. Il avait déjà pris ses bonnes habitudes puisqu’il avait fini meilleur buteur de l’échelon inférieur. Moqué dans son enfance pour sa stature de gringalet – sa facétieuse épouse, une ancienne championne de karaté, a posté une photo d’archives qui l’atteste –, le gamin préparait sa vengeance en peaufinant ses dribbles dans un minuscule périmètre avec comme sparring-partner son chien, un boxer teigneux. Son modèle avoué était un Francuz, Thierry Henry.

Un successeur à Lubanski et Lato

Ses exploits à Poznan – champion et meilleur buteur de Pologne en 2010 – rencontrent un écho de l’autre côté de la frontière occidentale. Son transfert à l’été 2010 au Borussia Dortmund pour 4,5 millions d’euros est le plus cher enregistré pour un joueur en provenance de l’Ekstraklasa. Il y retrouve deux compatriotes, animateurs du flanc droit de l’actuelle sélection, le défenseur Lukasz Piszczek et le demi Jakub Blaszczykowski. Le trio polonais remporte deux championnats successifs (2011 et 2012), mais échoue en finale de la Ligue des champions, en mai 2013, face au Bayern Munich. Lors de la demi-finale aller, Lewandowski avait humilié l’arrière-garde du Real Madrid avec un quadruplé.

Sous le maillot du Bayern Munich, il réalise un quintuplé en neuf minutes face à Wolfsburg, en septembre 2015

C’est en finisseur numéro un de la Bundesliga qu’il quitte la Rhénanie à l’été 2014 pour entretenir en Bavière sa réputation de terreur des défenses allemandes. Il affole les réseaux sociaux en septembre 2015 après son entrée en jeu pour la seconde mi-temps contre Wolfsburg : en un temps record (9 minutes), il réalise un quintuplé – avec un hat trick en 3 minutes 22 secondes !

La Pologne se désespérait de trouver un successeur à ses chasseurs de surface que furent Wlodzimierz Lubanski, Grzegorz Lato ou Andrzej Szarmach. Elle n’avait plus présenté d’équipe avec si belle allure depuis la génération qui termina troisième aux Coupes du monde 1974 et 1982. Les joueurs le savent bien, qui adoptent un discours offensif. Interrogé pour savoir si un match nul était l’objectif face à l’Allemagne, le demi-défensif de Séville Grzegorz Krychowiak a répondu : « En aucun cas. Une telle attitude serait un manque de respect pour nous-mêmes et nos supporteurs. Nous y allons pour les 3 points. » Pour les obtenir, il sait à qui donner le ballon.