« Il est temps d’en finir avec le tabou autour de la souffrance de l’entrepreneur »
« Il est temps d’en finir avec le tabou autour de la souffrance de l’entrepreneur »
Par William Nahum (Président national du Centre d’Information sur la Prévention des difficultés des entreprises)
Les dirigeants de TPE/PME sont eux aussi exposés au risque de burn-out, les poussant parfois à l’extrême puisqu’un à deux chefs d’entreprise se suicident chaque jour, rappelle William Nahum, président du Centre d’information sur la prévention des difficultés des entreprises, qui lance à Paris, le 31 mai, son 64e centre.
Par William Nahum, président du Centre d’information sur la prévention des difficultés des entreprises (national)
Concept mal défini et non reconnu comme pathologie médicale, le burn-out, ou épuisement professionnel, est un phénomène dont l’ampleur est difficilement quantifiable : de 30 000 à 3 millions de personnes touchées selon les études, qui ne portent toutefois que sur la population salariale.
Or, les chefs d’entreprise sont loin d’être épargnés : les dirigeants de TPE/PME sont eux aussi exposés au risque de burn-out, les poussant parfois à l’extrême puisqu’un à deux chefs d’entreprise se suicident chaque jour. Face à ce constat pour le moins alarmant, il est nécessaire de parler de cette souffrance afin que les dirigeants en difficulté sachent qu’ils ne sont pas seuls.
Sortir de l’isolement
Les patrons de PME/TPE sont les premiers à sentir les effets du ralentissement économique de ces dernières années qui accentue les pressions auxquelles ils sont soumis avec dans certains secteurs, une baisse significative de la demande.
A cela s’ajoutent de fortes difficultés à trouver des sources de financement, des délais de paiement qui s’allongent, une réglementation toujours compliquée et peu adaptée aux petites structures sans parler de la concurrence et de la nécessité d’être toujours plus compétitifs. Avec comme épée de Damoclès, la défaillance de l’entreprise qui, bien qu’en léger recul, touche encore près de 60 000 TPE/PME en 2016. Un risque qui a toujours existé mais que les perspectives de rebonds peuvent atténuer.
Dans ce climat, l’attachement fort qui lie le dirigeant à son entreprise peut être un facteur propice à l’émergence d’un burn-out en cas de difficultés puisque l’ensemble de sa vie s’organise autour de son entreprise, laissant peu de place à la vie familiale et aux loisirs. A tel point que son identité se confond souvent avec son activité professionnelle. Travail acharné, manque de sommeil, stress et difficulté à concilier vie privée et vie d’entreprise conduisent dans de nombreux cas le dirigeant à l’épuisement physique et psychologique.
Or, il existe des dispositifs pour faire face aux difficultés économiques de son entreprise : Médiation du crédit, échéanciers Urssaf, Comités départementaux d’examen des difficultés de financement des entreprises (Codefi), Comité consultatif du secteur financier (CCSF), mandat ad hoc ou de conciliation… Mais cela suppose de sortir de l’isolement. Il n’est en effet pas simple pour un chef d’entreprise de se confier sur ses difficultés quand il considère cette situation comme un échec personnel et se sent responsable vis-à-vis de ses salariés mais aussi de sa famille, ayant souvent investi le patrimoine familial.
Libérer la parole
Aujourd’hui, il faut libérer la parole : le chef d’entreprise doit pouvoir parler librement de ses problèmes afin d’être épaulé. D’autant que la dimension psychologique est parfois occultée et la santé d’une TPE/PME est souvent liée à celle de son dirigeant. Le burn-out de ce dernier affecte l’ensemble de l’entreprise en raison de sa proximité avec ses salariés : sa démotivation ou son irritabilité symptomatique vont vite se propager créant un environnement anxiogène moins productif. Dans ce cas, le dirigeant rentre vite dans un cercle vicieux d’où il est difficile de sortir s’il n’est pas accompagné.
Ainsi, il est temps d’en finir une fois pour toutes avec le tabou autour de la souffrance de l’entrepreneur. Si la famille possède un rôle crucial dans la détection des signaux précurseurs d’un burn-out, il faut également développer l’accompagnement des chefs d’entreprise avec des dispositifs spécifiques pour répondre à leurs besoins. C’est d’ailleurs l’objectif que se sont fixé les centres d’information sur la prévention des difficultés des entreprises (CIP).
En effet, face à l’ampleur du phénomène, les CIP, d’abord tournés vers l’accompagnement économique des entrepreneurs en difficulté, ont élargi leurs missions à un soutien psychologique du dirigeant en partenariat avec le dispositif Apesa (aide psychologique pour les entrepreneurs en souffrance psychologique aiguë).
Ensemble, nous devons nous unir pour sortir le dirigeant de son isolement face à ses difficultés.