Etape après étape, le déminage du dossier des intermittents avance lentement. Après l’accord inespéré du 28 avril sur l’assurance-chômage des artistes et des techniciens du spectacle, signé par l’ensemble des négociateurs – la Fesac côté patronal, la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC, la CGT et FO –, on attendait le chiffrage de l’accord. Quelles sont les économies escomptées, et sont-elles suffisantes au regard des revendications du Medef ? Attendu le 18 mai, puis reporté à la dernière minute, le chiffrage vient d’être rendu public, mardi 24 mai, par le comité d’experts présidé par l’économiste Jean-Paul Guillot. Verdict : l’accord du 28 avril génèrerait une économie comprise entre 84 et 93 millions d’euros.

Ce chiffre est à rapporter aux 105 millions d’euros d’économies réclamés par le Medef, dans sa lettre de cadrage rendue publique le 24 mars – l’organisation patronale souhaitait par ailleurs que l’Etat contribue à hauteur de 80 millions d’euros, pour un total de 185 millions d’euros d’économies. Dans son avis, que Le Monde s’est procuré, le comité d’experts ne cache pas « les difficultés rencontrées » pour mener à bien sa mission, entre autres, du fait de sa mise en place tardive, qui l’a obligé à travailler dans des délais très courts. En outre, l’Unedic, qui est représentée au sein de ce comité, a émis un avis divergent – mais minoritaire – sur certains chiffrages.

Le comité d’experts a été mis en place par Manuel Valls, fin 2015, en vue de fournir des simulations et chiffrages avec une plus grande indépendance

Pour mémoire, le comité d’experts a été mis en place par Manuel Valls, fin 2015, en vue d’accompagner les négociateurs tout au long des discussions, et de leur fournir des simulations et chiffrages avec une plus grande indépendance. Le président Jean-Paul Guillot est entouré de trois personnalités qualifiées – Philippe Barbezieux, inspecteur général des affaires sociales, André Gauron, magistrat honoraire à la Cour des comptes, et Mathieu Grégoire, sociologue, auteur d’un ouvrage intitulé Les Intermittents du spectacle : enjeux d’un siècle de luttes (éd. La Dispute, 2013) – auxquelles s’ajoutent des représentants de l’Unedic, des deux ministères de la culture et du travail, et de Pôle Emploi.

Effets de comportement

Le comité d’experts se garde de faire tomber le couperet, en affirmant si oui ou non l’accord du 28 avril est compatible avec les revendications du Medef. La question la plus sensible porte sur l’impact d’une mesure phare de l’accord du 28 avril : le retour des « 507 heures en douze mois », une revendication essentielle des intermittents depuis 2003. Concrètement, l’accord du 28 avril prévoit que les artistes et les techniciens du spectacle pourront effectuer 507 heures de travail sur douze mois, avec un examen de leur dossier à date fixe (dite date-anniversaire). Depuis onze ans, en effet, l’accès au régime d’indemnisation avait été restreint – les 507 heures devaient être réalisées en 10 mois ou 10,5 mois, moyennant un capital de 243 jours d’indemnisation – sans pour autant générer des économies. En contrepartie, l’accord du 28 avril contient des mesures qui visent à réduire les dépenses – différé de congés payés, plafonnement mensuel du cumul salaire et indemnisation, etc.

L’Unedic estime que le retour des « 507 heures en douze mois » va générer des effets de comportement, lit-on dans le document : « Un effet d’appel en faveur des intermittents qui font entre 490 et 506 heures sur 12 mois », lesquels intensifieraient leur travail pour atteindre 507 heures ; et « un effet de décélération » du travail de la part de ceux qui comptabilisent plus de 690 heures (dans les annexes 10) et plus de 720 heures (annexes 8). Quelle serait la part de ces effets de comportement, au-delà des effets mécaniques du retour aux 507 heures en 12 mois – du fait de l’assouplissement du seuil d’accès ? Le comité d’experts indique que le service statistique de l’Unedic « n’a pas livré au comité la décomposition demandée entre des effets mécaniques et des effets de comportements liés au retour à la date anniversaire sur 12 mois ».

Surcoût

L’appréciation de l’Unedic diverge sur un autre point : l’accord du 28 avril prévoit d’étendre le nombre d’heures d’enseignement prises en compte dans le calcul des 507 heures, ainsi que des mesures de rattrapage (accidents de parcours), ou encore un dispositif plus favorable pour les femmes en congé maternité (« matermittentes »). Le comité d’experts estime que le surcoût est compris entre 3 et 5 millions d’euros ; de son côté, l’Unedic fait le pronostic que ces mesures « peuvent faire entrer jusqu’à 1 000 personnes supplémentaires et chiffrent le surcoût entre 5 et 15 millions d’euros ».

Conclusion du comité d’experts : « Ces deux points amènent l’Unedic à considérer que l’économie pour l’assurance-chômage est sensiblement inférieure à celle délibérée par le comité ».

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