Les dirigeants allemands ont multiplié les mises en garde discrètes aux Britanniques
Les dirigeants allemands ont multiplié les mises en garde discrètes aux Britanniques
Par Frédéric Lemaître (Berlin, correspondant)
L’Allemagne craint par-dessus tout une éventuelle sortie du Royaume-Uni de l’UE et, dans cette hypothèse, tente de limiter par avance l’onde de choc qu’elle susciterait, en particulier en Europe centrale.
En Allemagne, le 12 juin 2016. | Harald Tittel / AP
Vu d’Allemagne, un « Brexit » serait une véritable catastrophe. En témoignent ce cri du cœur lancé à la « une » du Spiegel (le 11 juin) : « S’il vous plaît, ne partez pas », et ce titre étonnant du principal article : « Ne nous laissez pas seuls ». Sous-entendu : avec les Français. Le Royaume-Uni est en effet le pays sur lequel les Allemands comptent pour que l’Europe reste compétitive et libérale et ne cède pas aux sirènes du colbertisme français.
Dans une chorégraphie savamment orchestrée, trois membres – conservateurs – du gouvernement se sont particulièrement exprimés sur le sujet : Angela Merkel, bien sûr, mais aussi le ministre des finances, Wolfgang Schäuble, puis la ministre de la défense, Ursula von der Leyen. Recevant le 2 juin Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’OTAN, la chancelière a notamment insisté sur les avantages du marché intérieur pour la Grande-Bretagne comme pour le reste de l’Union européenne. « Dans ce domaine, la coopération entre nous et la Grande-Bretagne, quel que soit le chancelier, a toujours été très étroite et très bonne », a-t-elle dit. Mais, a-t-elle aussitôt prévenu, « nous n’arriverions pas au même compromis et aux mêmes bons résultats avec quelqu’un qui vient de l’extérieur ».
« Pas une option intelligente »
Wolfgang Schäuble – seul politicien allemand à avoir fait campagne en Grande-Bretagne à la demande de son collègue George Osborne – a été encore plus clair dans le Spiegel : « Dedans, c’est dedans, dehors, c’est dehors », a-t-il averti, faisant remarquer « qu’au temps de la globalisation un splendide isolement n’est pas une option intelligente ».
Enfin, Ursula von der Leyen, la seule des trois à avoir étudié en Grande-Bretagne, estime, elle aussi, que « la Grande-Bretagne dispose avec l’Europe d’un levier pour accroître son influence ». Connue pour s’être prononcée explicitement en faveur d’Etats-Unis d’Europe – une horreur pour nombre de Britanniques –, la ministre veut les rassurer en constatant dans un entretien à Die Zeit (du 15 juin) qu’elle-même ne connaîtra sans doute pas cette transformation. Elle met également de côté la création d’une véritable armée européenne. « Ce dont il s’agit, c’est d’avoir une union de la défense européenne approfondie », dit-elle.
Néanmoins, la ministre ne met pas totalement son drapeau dans sa poche. « Celui qui veut profiter des avantages d’une union politique et d’un marché unique de 500 millions de personnes doit aussi être prêt à en payer le prix et à apporter une part de sa propre souveraineté à la communauté. »
Les rencontres se multiplient
Hasard du calendrier ? Comme s’ils cherchaient à limiter les effets dévastateurs d’un éventuel « Brexit », les dirigeants allemands multiplient actuellement les rencontres avec les dirigeants d’Europe centrale. Après le passage du président polonais dans la capitale allemande, la semaine dernière, Berlin et Varsovie vont mercredi 22 juin organiser une première consultation intergouvernementale. Une bonne partie du gouvernement eurosceptique polonais va donc venir à Berlin.
Par ailleurs, Angela Merkel a reçu vendredi le premier ministre slovaque, Robert Fico, à la chancellerie, et le président de la République allemande, Joachim Gauck, entreprend, lui, un voyage en Bulgarie, en Roumanie et en Slovénie. Alors que la Grande-Bretagne pourrait être tentée par l’appel du grand large, il est manifestement grand temps pour l’Allemagne de profiter d’une accalmie dans la crise des réfugiés pour resserrer les liens avec ses autres alliés traditionnels que sont les pays d’Europe centrale.