Mauritanie : à la mine d’or de Tasiast, la grève se poursuit
Mauritanie : à la mine d’or de Tasiast, la grève se poursuit
Le Monde.fr avec AFP
Les employés réclament le maintien de leurs avantages sociaux alors que la société Kinross veut réduire « drastiquement » ses coûts d’exploitation.
La grève à la grande mine d’or de Tasiast en Mauritanie, exploitée par la société canadienne Kinross, se poursuivait, jeudi 26 mai, pour le troisième jour consécutif.
« Les sous-traitants, dont la majorité des employés sont des Mauritaniens, ne participent pas à la grève » déclenchée mardi sur le site de production, à 250 km au nord de Nouakchott, a affirmé le responsable de la communication de Kinross pour l’Afrique, Raphaël Sourt. « Nous demeurons ouverts à la poursuite des négociations avec les délégués », a-t-il ajouté.
« Usine à l’arrêt complet »
Selon Mohamed Abdallahi Nehah, secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs de Mauritanie (CGTM), l’une des centrales syndicales les plus actives dans le mouvement, « la situation est au point mort. Aucune négociation, aucun contact n’a encore commencé » et les perspectives demeuraient toujours « bloquées » jeudi après-midi concernant le travail dans la mine.
« L’usine est en arrêt complet et la production, par conséquent, est inexistante », a affirmé M. Nehah à l’AFP.
« La grève touche la quasi-totalité des 1 041 travailleurs permanents de Tasiast alors que les non-permanents restent en dehors du mouvement. Mais leur travail ne peut en aucun cas influer sur le déroulement des événements », a-t-il assuré.
Tasiast, exploitée depuis 2010 par Kinross par l’entremise de la société Tasiast Mauritanie Limited SA (TML SA), est l’une des principales mines d’or en Afrique de l’Ouest avec des réserves de quelque 260 tonnes.
Revendications sociales
Mardi, les responsables des grévistes ont revendiqué le maintien d’avantages sociaux, dénonçant la volonté de la direction de réduire la prise en charge de l’assurance-maladie des travailleurs, l’impôt sur leurs salaires et leur bonus trimestriel. Des coupes décidées, selon les syndicalistes, sans négociation ni accord, qui ajoute que la société a tenté de casser le mouvement de grève en recourant à des travailleurs « expatriés et journaliers incompétents ».
« La grève est le résultat de négociations infructueuses entre TML SA et les délégués de son personnel » portant sur une « nouvelle convention collective d’établissement, a affirmé M. Sourt, le porte-parole de la compagnie, arguant qu’« en 2015 la mine de Tasiast avait les coûts de production les plus élevés de toutes les opérations de Kinross et n’était pas rentable. Afin de garantir la viabilité à long terme de la mine, la société s’efforce de réduire drastiquement ses coûts, y compris ceux relatifs à son personnel ». « Malheureusement, a-t-il poursuivi, à l’opposé de cet objectif, les délégués ont revendiqué des avantages supplémentaires que la société a décidé de ne pas accorder. » Le porte-parole a tenu à préciser qu’« aucun changement n’a été introduit sur l’assurance-maladie des travailleurs ».
Kinross et la corruption
Le géant minier canadien est également en mauvaise posture à l’international. En cause : des soupçons de corruption qui ont déclenché en 2015 une enquête du gendarme de la Bourse américaine, la Securities and Exchange Commission (SEC), et du département de la justice américain. Kinross, cinquième plus grand producteur d’or au monde, est également dans le viseur des autorités canadiennes.
Selon des documents consultés par Le Monde Afrique, les autorités américaines s’intéressent aux relations étroites du groupe minier, coté aux Bourses de Toronto et de New York, avec le régime du président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz.
A Nouakchott, quantité de hauts fonctionnaires et de proches du président ont profité des largesses de Kinross Gold Corporation. Les agents des douanes et les gendarmes qui protègent le site sont ainsi directement rémunérés par le groupe minier canadien et liés par contrat. Des soupçons de corruption touchent jusqu’au plus haut niveau de l’Etat. Mohamed Ould Abdel Aziz a pris le pouvoir par un putsch en 2008, qu’il a « légitimé » en 2009 par une élection présidentielle, suivie d’une autre en 2014, qu’il a remportée avec 81 % des suffrages. Le chef de l’Etat et ses proches exercent une mainmise politique et économique sur la Mauritanie.