TRIBUNE. Les investisseurs ont bien sûr déjà examiné les principaux axes du programme économique du nouveau président français. Et le retour à une forme de troisième voie à la « Blair-Schroeder » a tout lieu de susciter de forts espoirs de réformes créatrices de valeur.

Mais cette prédisposition favorable des investisseurs tient aussi à autre chose. Il y a dans la méthode d’Emmanuel Macron comme la transcription dans l’univers politique de schémas qui leurs sont familiers. Le parallèle est tentant.

Le parcours d’Emmanuel Macron commence par une analyse qui peut être qualifiée de « value » dans le jargon boursier, c’est-à-dire qu’elle consiste à rechercher des actifs sous-évalués. Cette stratégie a ensuite rapidement fait place à un style « momentum », plus opportuniste, qui consiste à se laisser porter par la vague du succès.

L’analyse « value » avait porté sur le constat de projets économiques et politiques dévalorisés par des partis politiques traditionnels essoufflés. Elle avait mis en évidence la place pour une démarche alternative. Sa pertinence s’est révélée payante et a généré un fort « momentum » alimenté par le ralliement de nouveaux convertis.

C’est sur cette dynamique qu’Emmanuel Macron comptera pour obtenir une majorité présidentielle à l’Assemblée nationale. C’est sur elle également qu’il devra s’appuyer pour rapidement enclencher lesdites réformes, et les faire accepter par l’opinion générale.

Talent tactique et vision stratégique

On distingue également dans la méthode Macron un équilibre cher aux investisseurs entre talent tactique et vision stratégique. Le succès électoral a mobilisé une capacité avérée à l’opportunisme, qui sut tirer parti des circonstances quand elles offrirent des possibilités de gains rapides. Il s’est aussi nourri de l’expression de convictions sur des propositions de réformes structurelles, de long terme.

On peut lire encore dans le projet d’Emmanuel Macron la recherche « d’asymétrie des risques » ou de « convexité », thèmes familiers aux investisseurs : insister sur l’enseignement dès l’école primaire, puis la formation, c’est au fond proposer de solidifier les bases, mais aussi offrir aux individus la possibilité de se doter des moyens de réelles ambitions.

Plus technique, le rapport à la complexité d’Emmanuel Macron est aussi parlant pour les investisseurs. Ces derniers sont sans cesse confrontés à des marchés financiers très efficients, c’est-à-dire où les idées en apparence simples et évidentes sont très suspectes, car elles sont par définition certainement déjà jouées, reflétées dans les prix.

La gestion active ne produit de forte performance à long terme qu’en s’appropriant la complexité de sa mission et en reconnaissant sa difficulté. La posture du candidat Macron s’est aussi explicitement positionnée sur cette ligne, en affirmant se démarquer des solutions magiques (« démagogiques », dit-on en langage politique).

Enfin, les investisseurs reconnaissent dans l’aventure présidentielle d’Emmanuel Macron une vertu qu’ils affectionnent particulièrement : la prise de risques personnels. En matière de gestion d’épargne, l’investissement, qu’il soit direct ou par l’intermédiaire d’un gérant professionnel, est un acte qui engage. Ledit gérant professionnel n’est lui-même crédible que s’il subit concrètement les conséquences de ses erreurs.

L’expérience montre d’ailleurs qu’il est sage d’ignorer les conseils d’investissement distillés généreusement par des tiers qui ne se risquent pas à les mettre en œuvre pour eux-mêmes. Indubitablement, en quittant sa carrière dans la banque, en quittant le gouvernement, en tentant l’inédit dans l’histoire politique française, le comportement d’Emmanuel Macron traduit certainement une grande ambition, mais aussi une claire acceptation de la prise de risques personnels.

On pourrait citer encore le thème de la flexibilité, décisive pour les investisseurs épris de gestion active, et fer de lance de la réforme proposée du droit du travail, ou l’équilibre entre intuition et analyse, facteurs importants de succès du candidat Macron, et règle d’or en gestion d’actifs.

Tous ces parallèles permettent aux investisseurs d’appliquer une grille d’analyse familière sur les premiers éléments visibles de la philosophie d’Emmanuel Macron. Mais l’exercice a ses limites. Ne serait-ce que parce que le pouvoir, fût-il fraîchement acquis, perd rapidement toute capacité d’agir dans une démocratie sans un soutien politique suffisamment large.

Cette notion est totalement étrangère aux investisseurs. Eux, non seulement n’ont pas besoin d’un appui majoritaire pour décider, mais au contraire doivent même être capables de s’affranchir entièrement de la pression du consensus. Gageons qu’ils n’en sous-estiment pas pour autant ce défi très spécifique au politique que devra à l’avenir relever leur nouveau président.