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Les députés ont contresigné la fin programmée du chèque. Dans le cadre de l’examen du projet de loi Sapin 2, l’Assemblée nationale a voté, dans la nuit du jeudi 9 au vendredi 10 juin, un article qui réduit de douze à six mois la durée de validité du chèque.

Face à la levée de boucliers de certains députés, le cabinet de Michel Sapin souligne que cette mesure avait déjà été présentée à Bercy le 2 juin 2015, « en présence de tous les acteurs : industriels des moyens de paiement, start-up, banques, systèmes de cartes, commerçants, consommateurs, opérateurs de téléphonie mobile, organisations professionnelles, collectivités territoriales... » Elle fait partie d’une stratégie assumée d’encourager le développement des moyens de paiement électroniques.

  • Quelle est la place du chèque en France ?

La France est l’un des pays européens où l’on utilise le plus de chèques. Selon les statistiques de la Banque centrale européenne, 13 % des paiements (hors espèces) en France ont été effectués par chèque en 2014. Un Français en utilise en moyenne 37 par an, contre 11 pour un Anglais, et moins de un pour un Allemand, selon le ministère des finances.

Mais son utilisation décroît régulièrement depuis dix ans. A la place, les consommateurs préfèrent les moyens de paiement électroniques, perçus comme plus sûrs et plus pratiques : la carte, le virement ou le télérèglement. Ainsi, en 2014, les échanges de chèques ont baissé de 5 % en volume, et de 8 % en montant, selon le dernier panorama annuel de la Banque de France. En 2013, le repli s’est même accéléré, avec la publication d’un décret imposant aux notaires le virement plutôt que le chèque pour tout règlement immobilier supérieur à 3 000 euros.

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  • Qui utilise des chèques ?

« Le chèque est notamment utilisé pour des postes de dépense tels que les frais de scolarité et de cantine, les services à domicile, les cadeaux sous forme d’argent, les dépenses de médecine et les activités sportives et culturelles », d’après un rapport du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) publié en mars 2011. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le pic d’utilisation du chèque se situe « entre 35 et 49 ans et non parmi les personnes âgées ».

Le ministère des finances souligne de son côté que le chèque est encore largement utilisé, notamment par les PME, les professions libérales et les services de proximité (associations, services publics locaux, etc.).

Enfin, vendredi 10 juin, l’élue du Front de gauche Huguette Bello, citée par l’AFP, a rappelé que le chèque était encore un moyen de paiement utilisé de façon non « négligeable », « par des personnes aux revenus modestes qui veulent échelonner leur paiement ». Pour Jean-Luc Laurent (PS), également cité par l’AFP, c’est « l’apanage de personnes qui n’ont pas accès aux moyens de paiement numériques ou nourrissent une suspicion à leur égard ».

  • Pourquoi vouloir limiter l’utilisation du chèque ?

Le gouvernement souhaite réduire l’usage du chèque au profit de moyens de paiements électroniques. D’une part, ces derniers sont plus facilement traçables et permettent de mieux lutter contre le blanchiment, la fraude et l’économie souterraine. A ce titre, le gouvernement veut aussi limiter le recours à l’argent liquide. Depuis le 1er septembre, le plafond pour les paiements en espèces dans les commerces est passé de 3 000 à 1 000 euros.

D’autre part, le chèque présente « de nombreux inconvénients tant pour les entreprises que pour les particuliers », souligne Bercy dans sa stratégie nationale sur les moyens de paiement, publiée en octobre 2015. Côté particuliers, il y a l’incertitude sur la date d’encaissement. Selon une étude CSA de juin 2015, 47 % des utilisateurs de chèque l’emploient parce que le destinataire du paiement n’accepte pas un autre moyen de paiement.

Côté entreprises, le chèque comporte des coûts de traitement. En 2011, le cabinet de conseil Edgar, Dunn & Company (EDC) avait estimé à 5 milliards d’euros la facture globale maximale du chèque pour toutes les parties prenantes.

  • Et maintenant ?

Les députés se prononceront mardi 14 juin sur l’ensemble de la loi Sapin, que le Sénat devrait examiner à son tour au début du mois de juillet. La disposition qui limite la durée de validité du chèque devrait ensuite entrer en vigueur le 1er juillet 2017.

D’ici à la fin de l’année 2016, le gouvernement mettra à disposition des collectivités locales et établissements publics une nouvelle offre de paiement permettant aux usagers de payer sans frais leurs factures par prélèvement.