• NICHOLAS ANGELICH
    Dedication: Listz, Schumann, Chopin

ERATO/WARNER CLASSICS

Dans son dernier disque en date, le pianiste Nicholas Angelich s’est pris au jeu des correspondances : la fameuse Sonate en si mineur de Liszt dédiée à Schumann, dont les Kreisleriana sont dédicacés à Chopin, lequel a offert deux de ses Etudes op.10 à Liszt. Le propos pourrait n’être que circonstanciel si le génial pianiste ne construisait son interprétation en une vaste dramaturgie circulaire. Ainsi Chopin, dont l’énergie dévastatrice s’empourpre au feu des démiurgiques chevauchées lisztiennes. Et Schumann, en appelant à l’urgence sauvage d’une révolution venue de Pologne. Enfin, Liszt, et le grand tout de son chef-d’œuvre, qui embrasse à la fois Schumann (l’inflexion vocale du Lied, les galops fantastiques, la fierté des Davidsbündler,) l’épopée nocturne de Chopin, éperonne Bach et s’ouvre sur le XXe siècle. Puissant, virtuose, multivoque, le piano symphonique d’Angelich est de plein soleil, d’une liberté sans entraves ni trêve (la fuga de la Sonate en si mineur conçue comme une déclaration de guerre). C’est un piano poète, qui sait aussi bien jouir et chanter, rugir et soupirer, retenir et donner. Un piano bénédiction. Marie-Aude Roux

1 CD Erato/Warner Classics.

  • BOB DYLAN
    Fallen Angels

COLUMBIA RECORDS/SONY MUSIC

Publié en février 2015, l’album Shadows in the Night, de Bob Dylan, était constitué de chansons des années 1940 et 1950 qui avaient un jour ou l’autre été interprétées par Frank Sinatra (1915-1998). Voici Fallen Angels, qui peut être considéré comme sa suite. Sans que l’on sache très bien si ces classiques des musicals de Broadway, adoptés par le jazz, passés par Sinatra, ont été enregistrés au même moment – les informations sur le livret étant proches du néant (rien sur les compositeurs). Dans un timbre un peu moins croassant avec ces chansons du patrimoine qu’avec ses propres compositions, Dylan est accompagné par sa formation habituelle, avec toujours une section de vents qui donne une teinte jazz. L’effet de petite surprise est émoussé et, comme dans le disque précédent, cet exercice de reprises va du raté (Polka Dots and Moonbeans, Skylark ou Come Rain or Come Shine, les interprétations les plus péniblement fausses vocalement) à de plaisantes réussites (Young at Heart, All the Way, Melancholy Mood, That Old Black Magic). Sylvain Siclier

1 CD Columbia Records/Sony Music.

  • MARCEL KHALIFÉ/MAHMOUD DARWISH
    Andalusia Of Love

NAGAM RECORDS/DIFFER-ANT

Epris de poésie, le compositeur, chanteur et joueur de luth oriental (oud) Marcel Khalifé a déjà mis en musique à plusieurs reprises celle de Mahmoud Darwish (1942-2008), notamment le poème « Je suis Joseph, oh père », écrit par le poète palestinien en 1992 et qui valut des poursuites à Marcel Khalifé, chez lui, au Liban, accusé d’offenser l’islam pour avoir repris deux lignes d’un verset du Coran. Récemment, son fils Bachar, vivant en France, a lui aussi buté contre des esprits étriqués au Liban. Son album Ya Balad y a été censuré. Celui-ci colorise ici de ses percussions le long poème d’amour (traduit en anglais à l’intérieur de la pochette) de Mahmoud Darwish, chanté et pensé musique par son père, aux côtés de son frère pianiste, le très créatif Rami Khalifé, et du joueur de kanoun Jilbert Yamine. Un bel album, racé et habité. Patrick Labesse

1 CD Nagam Records/Differ-ant.