Dans la presse allemande, « incrédulité et déception »
Dans la presse allemande, « incrédulité et déception »
A l’unanimité, les quotidiens allemands regrettent le résultat du vote et s’interrogent sur ce qu’ils analysent comme une nouvelle victoire du populisme et des nationalismes.
Le site de « Bild », le 24 juin. | Bild.de
« Une catastophe historique ». La Süddeutsche Zeitung, le grand quotidien sis en Bavière, résume largement le sentiment unanime de la presse allemande, vendredi 24 juin, après la victoire de l’« out » au référendum sur la sortie de l’Union européenne (UE) de la Grande-Bretagne. Un sentiment partagé par l’opinion publique et la classe politique, résumé en une formule par le journal : « Incrédulité et déception ».
Y compris dans la presse tabloïd, qui outre-Manche faisait campagne pour la sortie, c’est la stupéfaction. Le Bild, qui promettait la veille aux Anglais que l’Allemagne leur reconnaîtrait le but manqué de Wembley en 1966 s’ils restaient dans l’Union, ne mâche pas ses mots, ce vendredi. « Comment est-il est donc possible que des démagogues usant de demi-vérités, de mensonges et mus par la xénophobie puissent convaincre la majorité des électeurs de rejeter une si belle idée ? C’est une question que nous devons tous nous poser, et à laquelle personne n’a répondu, à commencer par les Allemands », écrit le quotidien populaire.
Le populiste britannique Nigel Farrage, chef de file des pro-« Brexit », en prend également pour son grade dans le quotidien de gauche Tageszeitung, dans un long article titré « They’ll leave » (« Ils partiront », en anglais dans le texte). Le quotidien veut cependant voir dans le score de l’« out » « un vote contre le manque de démocratie dans l’UE et pas contre l’Europe ».
Retour en force des nationalismes
A l’autre bout du spectre politique, le constat est en partie partagé par le quotidien économique Handelslblatt, qui constate que les Britanniques « ont décidé de se faire du mal », mais qui refuse d’accuser les électeurs britanniques et s’en prend à « l’arrogance bureaucratique » et à « l’intransigeance » de Bruxelles. Pourtant, « nous sommes tous perdants », estime le journal, égrenant des chiffres qui ont marqué la campagne électorale : « l’UE perd 20 % de sa puissance économique, 13 % de ses travailleurs, 10 % de ses soldats, et 31 % de sa capitalisation boursière ».
Tout près de la Bourse de Francfort, la Frankfurter Allgemeine Zeitung juge que l’Union ne peut pas faire comme si de rien n’était. Le correspondant à Bruxelles du quotidien compare le cri unanime de la classe politique allemande – « restons calmes ! » – avec les paroles de l’équipage du Titanic. Aucune réponse n’a été apportée aux grandes questions de l’UE – crise migratoire, politique monétaire – ; ce qui fait le jeu des forces, « de droite comme de gauche, qui souhaitent la mort de l’Europe », écrit le journal dans son éditorial, qui s’inquiète d’« un retour en force [des nationalismes] encore récemment inimaginable ».
Pour autant, le quotidien veut croire que le risque d’autres sorties de l’UE est faible. « L’Europe ne se dispersera pas sous peu. Mais ce climat ne facilite pas un débat apaisé sur l’avenir de l’Union », écrit le journal, qui estime que quoi qu’il arrive, il n’est plus possible pour les chancelleries européennes de faire comme si c’était « business as usual ».