Les supporteurs nord Irlandais au Parc des Princes. | John Sibley / REUTERS

Ils avaient parfois été présentés, un peu trop vite, comme de futures victimes expiatoires de la phase de poules. Une touche exotique, pas vraiment crédible, de cette compétition élargie à 24 sélections. Et pourtant.

Après deux semaines de matchs, les novices de cet Euro - Albanie, pays de Galles, Islande, Irlande du Nord et Slovaquie - ont déjà marqué de leur empreinte le tournoi. Non pas en accumulant les fessées mais au contraire, en prouvant sur le terrain qu’ils avaient leur place. Et en déployant une ferveur exceptionnelle en tribunes. Seule l’Albanie ne s’est pas qualifiée pour les huitièmes, mais elle n’en fut pas loin. Reçus 4 sur 5, donc.

Derrière ces préjugés transparaissait un mélange de condescendance amusée et d’ignorance pas toujours assumée vis-à-vis de « petites » nations footballistiques souvent méconnues. Gianni de Biasi, le sélectionneur italien de l’Albanie, avait beau avoir annoncé, avant le coup de l’envoi de l’Euro : « Nous ne sommes pas là en touristes », voilà justement le type de déclaration dont le coach de l’Allemagne ou de l’Espagne n’avaient pas besoin de se fendre. Et pourtant.

Le sélectionneur du pays de Galles, Chris Coleman, a résumé la situation d’une phrase bien sentie : « Sur le plan géographique, on est un petit pays mais, avec les encouragements des supporteurs, on est un continent. » En ce mois de juin se vérifie ainsi l’un des poncifs du football : il n’y a plus de petites équipes. Même si la suite s’annonce forcément plus compliquée, tour d’horizon des cinq débutants, après deux premières semaines enchantées.

  • Pays de Galles

Le Gallois Gareth Bale fête son troisième but de la compétition, inscrit face aux Russes, le 20 juin à Toulouse. | SERGIO PEREZ / REUTERS

Le co-meilleur buteur du tournoi (Gareth Bale, trois réalisations). Le co-meilleur passeur (Aaron Ramsey). La meilleure attaque (6 buts) de tous les groupes. Et, surtout, une première place du groupe B devant le voisin ennemi, l’Angleterre. Les « Dragons » ont fait fort, très fort, pour leurs débuts lors d’un Euro, eux qui n’avaient plus participé à la phase finale d’une grande compétition internationale depuis la Coupe du monde 1958.

En France, les hommes de Chris Coleman ont montré qu’ils bénéficiaient d’un joueur hors norme avec Gareth Bale, buteur lors de chaque rencontre. Ce n’est pas un scoop. Mais le pays de Bale est aussi celui d’Aaron Ramsey et Joe Allen, deux milieux de terrain particulièrement performants depuis le début de la compétition. La défaite in extremis face à l’Angleterre (1-2), au stade Bollaert-Delelis, le 16 juin, lors de ce qui fut peut-être le match le moins abouti des Gallois, n’a pas gâché la fête. Peut-être pas aussi solides défensivement que l’on pouvait s’y attendre, les Gallois ont montré un peu plus de qualités offensives qu’on leur prêtait.

De quoi ravir les supporteurs gallois, dont les larmes de joie ont fait le bonheur des réseaux sociaux. Incroyables chanteurs, ils ont fait retentir leur hymne en choeur, pour un résultat inégalé jusqu’à présent. « C’est le meilleur moment de ma carrière, a résumé le sélectionneur. J’ai la chance de vivre comme entraîneur quelque chose que je n’ai jamais vécu comme joueur. » Et puisque les huitièmes de finale leur ont réservé l’Irlande du Nord, samedi 25 juin au Parc des Princes, ils peuvent espérer aller encore plus loin.

  • Slovaquie

Le Slovaque Marek Hamsik, gros appétit lors de cet Euro. | Christian Hartmann / REUTERS

Reconnaissons-le d’emblée : la Narodni Tym n’a pas toujours offert un spectacle éblouissant lors de ce premier tour. Notamment lors du dernier match face à l’Angleterre, où le nul (0-0) semblait parfaitement lui convenir. Face à des Anglais qui monopolisaient le ballon, les Slovaques ont encaissé les coups sans jamais céder, grâce notamment à la belle performance de leur gardien, Matus Kozacik. Pas vraiment excitant.

Déjà face aux Russes, lors de leur seule victoire (2-1), le 15 juin, les joueurs du sélectionneur Jan Kozak avaient subi de manière incroyable lors des dix dernières minutes de la rencontre. Mais là aussi, ils étaient arrivés à préserver l’essentiel. Surtout, lors de ce match, le génie de Marek Hamsik avait éclaté aux yeux du public du stade Pierre-Mauroy. Peu importe la piètre qualité du gazon, le Tchèque à la crête avait régalé les spectateurs d’un délice de ballon en profondeur pour Vladimir Weiss, auteur du premier but. Hamsik s’était ensuite chargé de la deuxième réalisation, d’une puissante frappe enveloppée qui rentra à l’aide du poteau.

La Slovaquie tentera de faire encore mieux que lors de la Coupe du monde 2010, où elle avait été éliminée en huitièmes de finale. Bonne nouvelle : leurs bourreaux de l’époque, les Pays-Bas, ne se sont pas présents en France. Mais la tâche s’annonce ardue dès les huitièmes, avec un match contre l’Allemagne, le 26 juin à Lille.

  • Albanie

Supportrice albanaise se prenant la tête lors de la victoire face à la Roumanie (1-0), le 19 juin. | ARMEND NIMANI / AFP

Arrivés tout joyeux à Lens, le 12 juin, pour leur premier match d’une phase finale d’un Euro, face à la Suisse, et équipés de leur « plisat », ce chapeau traditionnel au style si particulier, les supporteurs albanais ont connu des débuts cruels. D’abord l’ouverture du score par la Suisse, dès la 5e minute mais surtout l’expulsion de leur capitaine, Lorik Cana, après une demi-heure de jeu. Le deuxième match à Marseille, face à la France, fut peut-être encore plus sadique encore, dans son scénario, avec deux buts dans les arrêts de jeu de la seconde mi-temps.

Oui, mais les Albanais ne se sont pas résignés et ont remporté leur dernier match grâce à leur premier but dans la compétition, l’œuvre de Sadiku, face à la Roumanie. Après avoir espéré pendant plusieurs jours figurer parmi les « meilleurs troisièmes », les Albanais ont été éliminés à la différence de but, notamment par l’Irlande du Nord, qui n’a pas obtenu plus de points. En fait, le tournoi des Albanais, peut-être un peu trop limités pour pouvoir aller plus loin, s’est aussi achevé de manière cruelle. Comme il avait commencé, malheureusement.

  • Islande

Le joueur islandais Ari Skulason célèbre la qualification avec un jeune supporteur, mercredi 22 juin. | DARREN STAPLES / REUTERS

La star portugaise Cristiano Ronaldo, du haut de sa morgue - et peut-être aussi de sa frustration de ne pas avoir pu s’imposer face à eux - avait dénoncé la supposée « petite mentalité » des Islandais, après le nul (1-1) de la Selecçao face aux Nordiques, mardi 14 juin à Saint-Etienne. Petits bras, les joueurs de l’Islande, auteurs de deux matchs nuls d’entrée ? Leur victoire face à l’Autriche (2-1) semble indiquer tout le contraire. Alors que
le nul leur semblait acquis, un résultat suffisant pour atteindre les huitièmes, le jeune Arnor Ingvi Traustason est venu, dans les arrêts de jeu, offrir sa première victoire aux deux co-sélectionneurs islandais, Lars Lagerbäck et Heimir Hallgrimsson.

Dans un savoureux clin d’œil à Ronaldo, l’Islande a donc terminé deuxième devant le Portugal, seul pays à s’être qualifié sans avoir gagné un seul de ses matchs. Mais les Islandais, eux, ne feront de leçon à personne. Ou alors, d’humilité. « Les autres équipes ont peut-être des qualités individuelles supérieures aux nôtres mais nos joueurs donnent le maximum », a sobrement expliqué Heimir Hallgrimsson, avant d’ajouter, en plaisantant : « On va peut-être changer le jour de notre fête nationale ! » Sans fixer de date. Et si c’était le 27 juin à Nice, jour d’une éventuelle victoire face aux Anglais en huitièmes ?

  • Irlande du Nord

Les supporteurs nord Irlandais au Parc des Princes. | John Sibley / REUTERS

Avec une auto-dérision maniée à merveille, les supporteurs de la White Army ont entonné ce chant ces deux dernières semaines : « Nous ne sommes pas le Brésil, nous sommes l’Irlande du Nord, mais c’est pareil. » A dire vrai, ce n’est pas tout à fait pareil, puisque le Brésil s’est fait éliminer dès les phases de poule de la Copa America, alors que les Nord-Irlandais se sont extirpés de leur groupe pour accéder aux huitièmes de cet Euro, grâce à une victoire face à l’Ukraine (2-0).

Alors, certes, l’Irlande du Nord ne s’est pas qualifiée de façon bling-bling, battue deux fois en trois matchs. Aucune de ses stars n’a brillé puisqu’elle n’en a pas, même si ses supporteurs, avec leurs chants, ont réussi l’exploit de faire connaître l’attaquant de Wigan Will Grigg. La sélection de Michael O’Neill a juste bénéficié d’un meilleur goal average que la Turquie ou l’Albanie pour faire partie des meilleurs troisièmes. Mais peu importe. « C’est la meilleure défaite que l’on pouvait espérer », commenta le sélectionneur nord-irlandais après la défaite face aux champions du monde allemands. Heureux bizuts qui savent même apprécier le goût de certaines défaites.