Au fil des mois, la reprise d’activité de l’immobilier, dans le neuf comme dans l’ancien, se confirme, et ce même si toutes les inquiétudes ne sont pas levées. Le nombre de constructions est le meilleur indicateur de ce retour à meilleure fortune. La barre symbolique des 400 000 permis de construire – avec 402 900 permis de construire délivrés entre le 1er juin 2015 et le 31 mai 2016, soit 9,9 % de plus qu’au cours des douze mois précédents – a été franchie, selon les chiffres publiés par le ministère du logement, mardi 28 juin. Plus encourageant encore, le chiffre bien concret des mises en chantier augmente, sur la même période, de 5,2 %, à 355 600.

Cette accélération est la conséquence des bons résultats enregistrés par les constructeurs de maisons individuelles, qui, en 2015, en ont vendu 110 800, soit 12 % de plus qu’en 2014, puis, du 1er mai 2015 au 30 avril 2016, déjà 115 700, soit 14 % de mieux, et qui prévoient d’atteindre les 125 000, en un an, d’ici fin décembre, renouant avec les niveaux de l’année 2012. Les ventes de promoteurs vont aussi bon train, gagnant, à 107 250 logements, 18,1 % en un an, à la date du 1er avril 2016 :

« Leurs stocks sont au plus bas et les promoteurs sont donc poussés à relancer de nouveaux programmes », analyse Emmanuel Ducasse, expert au Crédit foncier.

La dynamique est également bonne du côté de la construction de bâtiments tertiaires, de commerces, d’hôtellerie, avec une hausse de 10 % en un an des surfaces mises en chantier, à fin mai 2016. Et le logement social n’est pas en reste, avec 100 000 unités mises en chantier en 2015, une tendance qui devrait se poursuivre en 2016.

Dans l’euphorie de ces bons indicateurs, la Fédération française du bâtiment (FFB), qui livre son point conjoncture ce même 28 juin, va jusqu’à envisager que Bercy ait sous estimé la croissance pour 2016, l’estimant pour sa part à 1,8 % au lieu de la prévision de 1,6 % retenue par l’exécutif. « L’appareil de production reste fragile », nuance tout de même Jacques Chanut, le président de la FFB, se voulant plus prudent que les économistes de sa fédération. Si les défaillances d’entreprises sont moins nombreuses (– 18 % dans le gros œuvre, – 17,2 % dans le second œuvre), les marges continuent de s’éroder, avec des trésoreries exsangues.

Crédits à l’habitat en hausse

A côté du neuf, le marché de l’ancien poursuit sur sa lancée engagée au printemps 2015. Century21 annonce une hausse de 14,5 % du nombre de ses transactions au premier semestre 2016 : « Tous les types d’acheteurs, investisseurs, primo et secondo-accédants, sont présents, avec localement, comme à Paris, des hausses de prix », se réjouit Laurent Vimont, son PDG. Le Crédit foncier anticipe une belle année 2016, à 830 000 ventes et peut-être plus :

« Trois raisons à cet appétit des acheteurs : les taux, les taux et les taux ! Ils sont largement au-dessous de 2 %, à 1,77 % en moyenne, en mai, une baisse qui a permis un gain de pouvoir d’achat, en deux ans, de près de 40 000 euros, soit 8,4 % d’un achat moyen », explique Emmanuel Ducasse.

« Les acquéreurs en profitent pour acheter plus grand, cinq mètres carrés de plus, ce qui n’est pas rien », constate Fabrice Abraham, PDG du réseau d’agences immobilières Guy Hoquet. Signe fiable de vigueur : les crédits à l’habitat consentis, sur un an, à fin avril 2016, atteignent 159 milliards d’euros, 5 % de plus que l’année précédente, où ils avaient déjà grimpé de 27 %, pas loin du record de 2007 et ses 162 milliards d’euros de crédits distribués.

L’embellie n’est cependant pas uniforme sur le territoire et les écarts se creusent entre grandes villes et zones rurales. « Le marché immobilier français est, en réalité, très concentré sur à peine 3 000 communes, observe Emmanuel Ducasse, et quasiment inexistant dans les villes de moins de 20 000 habitants. » La construction continue de chuter dans quatre régions sur treize, l’Alsace-Champagne-Ardenne (– 6,9 %), la Normandie (– 5,3 %), les Hauts-de-France (– 15,6 %), et, dans une moindre mesure, en Auvergne-Rhône-Alpes (– 0,9 %).

« Les fractures s’élargissent, selon Bernard Coloos, expert économique de la FFB, et les seuls soutiens à l’activité que sont les projets des collectivités locales et la rénovation des bâtiments ne décollent pas. Cela plombe des régions entières où des prix de l’immobilier très faibles, inférieurs au montant des travaux à mener, découragent tout investissement. »

Des prix stabilisés

Ainsi, à Blain, dans la troisième couronne de Nantes, « les maisons vétustes où il faut refaire l’électricité ou l’isolation thermique ne se vendent pas, même à bas prix, se désole Christophe Marcillet, de l’agence locale Century21. Les jeunes couples qui quittent le centre de Nantes pour habiter une maison recherchent des villes avec services, commerces, écoles, transports ». « A Limoges, où les prix ont chuté de 30 % depuis 2009, les familles reviennent souvent en centre-ville où elles exigent des maisons en très bon état », raconte Marie-José Jeannin, de l’agence AAI Immobilier Century21.

« La désindustrialisation de 2008 accélère la métropolisation et on assiste à un deuxième exode rural », conclut Emmanuel Ducasse.

Pour le moment, les prix sont stabilisés, leur baisse n’est plus d’actualité « ce qui est un prélude à leur augmentation », pronostique M. Ducasse. Pour Century21, les hausses sont déjà significatives à Paris : + 2,6 % entre les premiers semestres 2015 et 2016 et la barre des 8 000 euros le mètre carré allègrement franchie, à 8 300 euros, en moyenne. « Cela freine d’ailleurs les achats à Paris, où, de façon inédite, le marché se révèle moins dynamique qu’en province », analyse Laurent Vimont, qui voit le même phénomène à l’œuvre dans les Hauts-de-Seine (+ 2,8 %) et le Val-de-Marne (+ 4,3 %). Pour Century21, neuf des anciennes régions affichent encore des prix en baisse, dont Nord-Picardie (– 8,1 %), Poitou-Charentes (– 7,2 %), Pays de Loire (– 3,2 %), Bourgogne (– 3,1 %), Centre (– 2,6 %) et Limousin (– 2,5 %).