Peurs sur la ville
Peurs sur la ville
Par Martine Delahaye
« Show me a hero » sonne le retour du grand auteur de séries David Simon, le créateur de « The Wire » (vendredi 24 juin , à la demande, sur OCS GO).
« Show me a hero » sonne le retour du grand auteur de séries David Simon, le créateur de « The Wire » (vendredi 24 juin , à la demande, sur OCS GO).
Après avoir créé les formidables séries « The Corner », « The Wire » et « Treme », David Simon s’attaquait, en 2015, à la question raciale, en adaptant Show me a hero, le roman documenté de faits réels de la journaliste Lisa Belkin, dont le titre est extrait d’une citation de F. Scott Fitzgerald : « Show me a hero and I’ll write you a tragedy ».
Une manière, pour David Simon, de mettre en images la façon dont il perçoit l’évolution de son pays, qu’il évoquait ainsi, en 2013 : « L’Amérique est un pays maintenant totalement divisé, que ce soit en termes de société, d’économie ou de politique. (…) Nous nous sommes débrouillés, en quelque sorte, pour nous engager vers deux futurs distincts… »
Show me a hero renvoie à la controverse que suscita, au milieu des années 1980, un avis de la Cour fédérale à l’encontre de la ville de Yonkers (Etat de New York). Reconnue coupable d’avoir détourné des fonds fédéraux en faveur du logement pour renforcer la ségrégation entre Noirs et Blancs, la ville de Yonkers (à 80 % blanche) se voyait contrainte par un juge fédéral de construire des logements sociaux dans ses quartiers blancs. Faute de cela, Yonkers devrait se déclarer en faillite, étant donné l’amende prévue si la municipalité continuait de résister à cette « déségrégation ».
Autrement dit, une partie de la population noire de Yonkers allait pouvoir quitter son sordide ghetto et « envahir » l’autre côté de la ville… celle des pavillons proprets d’une petite bourgeoisie blanche farouchement non consentante.
Détail et neutralité
S’annonçait là une intolérable atteinte à leurs droits et à leur mérite, pour ces pères et mères de famille blancs, puisque leur propriété allait du même coup perdre toute sa valeur, que leurs enfants seraient fatalement soumis à la drogue et tout le quartier à la violence… D’où une intense controverse, qui opposera deux visions politiques quant à la défense des plus pauvres. Inutile de rappeler les exemples qui, aujourd’hui même en France, s’assimilent à cette lutte entre ceux qui souhaiteraient des infrastructures pour les plus démunis et ceux qui n’en veulent pas chez eux (selon la formule « Not in my backyard ! »).
Ecrite par David Simon avec son compère William F. Zorzi, réalisée par Paul Haggis, cette minisérie met en scène l’acteur Oscar Isaac pour redonner vie au jeune maire Nick Wasicsko, qui, à la fin des années 1980, dut effectivement, contre son gré (au départ) et contre l’avis de ses électeurs, construire des logements sociaux au sein de la ville. Au travers de ses personnages, le scénario relate dans le plus grand détail et avec neutralité les arguments sincères, mais aussi les roueries dont usèrent politiques, religieux et citoyens pour lutter contre l’ordre fédéral.
HBO Miniseries: Show Me a Hero – Justice Trailer (HBO)
Durée : 01:51
Précise, mesurée, intelligente, Show me a hero ne manque pas de montrer les peurs compréhensibles qu’inspire la criminalité d’un ghetto de banlieue, tout autant que l’incapacité de Blancs à voir les gens de couleur autrement que comme un danger. De même, de très belles scènes montrent l’inquiétude, voire la paralysie qui peut saisir quelqu’un à l’idée d’emménager dans un quartier où il se sait haï d’avance…
Show me a hero, minisérie créée par David Simon et coécrite avec William F. Zorzi. Avec Oscar Isaac, Catherine Keener (EU, 2015, 3 volets de 90 à 120 min). Vendredi 24 juin, à la demande, sur OCS GO.