En matière d’hébergement touristique, il est difficile de proposer des logements sans murs, hormis peut-être dans le domaine très lucratif du camping. Et pourtant, depuis plus de dix ans, les hôteliers du monde entier s’évertuent à abattre leurs murs. Il ne s’agit pas bien sûr de loger ses clients à la belle étoile, mais d’exercer son métier sans avoir à en posséder les locaux. C’est finalement un peu le rêve que va concrétiser AccorHotels si, comme il l’a annoncé ce mardi 12 juillet, il se désengage partiellement de son activité de propriété immobilière. Une initiative applaudie par les marchés qui attendaient cela depuis longtemps.

Ce n’est, en effet, pas la première fois que le sujet s’invite au conseil d’administration du leader européen de l’hôtellerie. Quand, en 2005, le fonds d’investissement américain Colony Capital s’installe au capital du groupe français, il annonce vite la couleur. Un hôtelier moderne ne s’encombre pas de titres de propriété. Des contrats de gestion, de licence ou de franchise suffisent. Immobiliser un capital de plus en plus cher, surtout dans les grandes villes, est source d’inefficacité. Un bon hôtelier ne fait pas forcément un bon propriétaire. C’est la stratégie adoptée par toutes les grandes chaînes américaines, comme Marriott ou Hilton. Durant dix ans, Colony, secondé trois ans plus tard par l’investisseur français Eurazeo, va mettre la pression sur Accor pour qu’il cède ses murs. Il usera pour cela près de quatre PDG qui se convertiront plus ou moins de bonne grâce aux charmes de l’« asset light », cette gestion sans actif matériel.

Jeu de Monopoly géant

Finalement, le plus malin à ce jeu de Monopoly géant, sera, sans surprise, le dernier patron en date du groupe, Sébastien Bazin, lui-même ancien patron France de Colony. A son arrivée à la tête d’Accor, il a pourtant fait le contraire de ce que l’on attendait de lui. Au lieu de céder en masse les derniers murs d’hôtels du groupe, il les a logés dans une société distincte et s’est mis à racheter des immeubles abritant ses Ibis, Mercure et Novotel. Le PDG Bazin semblait défaire ce que ses prédécesseurs avaient entamé, sous la pression de l’actionnaire Bazin.

Stratégie en deux temps. Après avoir fait grimper la valeur des actifs du groupe de 5 à 7 milliards en trois ans, Il ouvrira, dès l’an prochain, le capital de sa filiale à des investisseurs. Tout en continuant à gérer cette entreprise immobilière, même si, comme il l’espère, AccorHotels ne sera plus majoritaire. Voilà un bon moyen d’empocher quelques milliards sans perdre la main, histoire de financer sa croissance, notamment dans le luxe avec les hôtels Raffles, Fairmont et Swissotel, mais aussi dans le numérique.

Mais les temps changent. L’américain Colony cède progressivement la place au capital d’AccorHotels aux Saoudiens et Qataris et surtout au chinois Jin Jiang, propriété de la ville de Shanghaï. Reste donc à vérifier que le nouvel échafaudage conviendra aux nouveaux propriétaires.