Lundi 18 juillet, Manuel Valls s’est fait siffler lors de l’hommage aux victimes qui s’est tenu sur la promenade des Anglais. | Francois Mori / AP

Après le temps du recueillement et de la polémique politique, Manuel Valls est passé aux annonces. Lundi 18 juillet, à la sortie d’une rencontre avec les responsables parlementaires, le premier ministre a affiché sa volonté de prolonger une quatrième fois l’état d’urgence de trois mois et de le renforcer en autorisant à nouveau les perquisitions administratives. Malgré les récents attentats, M. Valls a justifié l’efficacité de ce dispositif, sans doute pour rassurer l’opinion, mais aussi pour répondre à la droite qui ne cesse d’évoquer un état d’urgence « virtuel ». « Nous avons déjoué un certain nombre d’attentats encore ces derniers mois, dont un juste avant l’Euro qui aurait pu être particulièrement meurtrier », a affirmé le premier ministre.

Cette fois-ci, le gouvernement n’a pas décidé d’écrire une nouvelle loi antiterroriste et n’a pas annoncé de nouveaux recrutements, comme après les attentats de janvier 2015. L’exécutif ne s’est pas non plus lancé dans un débat sur une éventuelle réforme de la Constitution qui avait abouti à un éclatement de sa propre majorité avec la déchéance de nationalité.

Surenchère

Au fur et à mesure que les attentats se succèdent, la marge de manœuvre de l’exécutif apparaît de plus en plus mince. D’abord parce que l’opinion semble se raidir. Lundi, Manuel Valls s’est fait siffler lors de l’hommage aux victimes qui s’est tenu sur la promenade des Anglais. « C’est l’attitude peu spontanée d’une minorité, l’immense majorité de la foule était là pour se recueillir », a relativisé le chef du gouvernement. D’autres indicateurs confirment pourtant le scepticisme d’une grande partie des Français. Selon une enquête IFOP pour Le Figaro, seulement 33 % des sondés feraient confiance au gouvernement pour la lutte contre le terrorisme. Une chute de 17 points par rapport à novembre 2015. La droite n’a plus qu’à surfer sur cette défiance. « Dix heures avant le feu d’artifice, le président annonce la levée de l’état d’urgence pour le rétablir à 3 heures du matin. Comment les Niçois peuvent le comprendre ? », affirme au Monde Christian Estrosi, président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Dans ce contexte, les appels à la « cohésion » et à « l’unité » nationale, deux mots lancés par François Hollande, samedi 16 juillet, et qu’il devait répéter, mardi 19 devant les Français du Portugal à Lisbonne, ne semblent plus entendus. L’unité nationale, propice aux grandes décisions, a été balayée par la succession des attentats et la perspective des échéances électorales. Tout ce week-end, au cœur des trois jours de deuil national, la droite a critiqué les moyens déployés, fustigé les décisions de 2015 – « Tout ce qui aurait pu être fait depuis dix-huit mois ne l’a pas été », selon Nicolas Sarkozy – et joué la surenchère. Le jeu politique a repris le dessus. Lundi soir, le bureau politique du parti Les Républicains a énoncé dix propositions (prolongation de l’état d’urgence d’au minimum six mois, rétention pour les individus constituant une menace, délit de séjour pour les djihadistes français combattant à l’étranger, fermeture des lieux de culte par les préfets, etc.) tout en menaçant : « Les Républicains n’accepteront de voter la reconduction de l’état d’urgence qu’à la condition qu’il protège efficacement nos concitoyens. » « Nous ne leur demandons pas de valider notre liste exhaustive », a relativisé toutefois Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, à la sortie de la rencontre avec Manuel Valls. « Mais s’ils rejettent tout en bloc, il nous sera impossible de voter l’état d’urgence. »

Majorité écartelée

Manuel Valls s’est dit « ouvert » aux propositions qui ne mettent pas « en cause l’Etat de droit, notre démocratie, nos valeurs ». A un peu plus de quatre mois de la primaire de la droite, ce coup de pression est surtout destiné à marquer une opinion de plus en plus prête à voir ses libertés rognées (81 % des sondés, selon la même enquête IFOP) dans le contexte de menaces terroristes. L’opposition joue la surenchère attisée par la concurrence extrême entre ses ténors. A la tête du parti, c’est Nicolas Sarkozy, après des réunions avec Bruno Retailleau, Gérard Larcher, président du Sénat, Christian Estrosi ou encore le député Georges Fenech (Rhône), qui a concocté les dix propositions. Pendant ce temps-là, Alain Juppé a préféré se rendre à Berlin où il a de nouveau critiqué le gouvernement. Une attitude épinglée par Nicolas Sarkozy, pourtant lui-même peu avare en saillies contre l’exécutif. « Ce n’est pas raisonnable de dire que si on avait fait ceci ou cela, l’attentat n’aurait pas eu lieu », a lancé l’ancien chef de l’Etat à destination de son principal rival qui a souvent déploré la baisse des effectifs dans les forces de l’ordre depuis… 2008.

« La réalité pour François Hollande est celle du sablier qui s’écoule. Il n’a plus de temps politique pour agir. François Hollande est condamné à subir son destin », estime Bruno Le Maire, candidat à la primaire de la droite.

François Hollande et Manuel Valls doivent donc composer avec une majorité écartelée sur la meilleure façon de lutter contre le terrorisme (fermeté ? Protection des libertés ? Luttes contre l’exclusion ?) mais aussi une opposition qui ne pense plus qu’à ses propres échéances. « La réalité pour François Hollande est celle du sablier qui s’écoule. Il n’a plus de temps politique pour agir. François Hollande est condamné à subir son destin », estime Bruno Le Maire, candidat à la primaire de la droite. A moins d’un an de la présidentielle, le temps et l’ambiance politique ne se prêtent plus aux grands chantiers.