Dix chiffres pour résumer le feuilleton de la loi travail
Dix chiffres pour résumer le feuilleton de la loi travail
Par Anne-Aël Durand
Pétition, blocage, manifestation, 49.3… Retour sur cinq mois de mobilisation contre le texte controversé, qui sera définitivement adopté jeudi.
Manifestation contre la loi travail à la Bastille, à Paris, le 23 juin. | Jean-Claude Coutausse/french-politics pour Le Monde
La loi El Khomri devrait être adoptée définitivement jeudi 21 juillet par le Parlement, au lendemain du recours à l’alinéa 3 de l’article 49 de la Constitution. La réforme du code du travail a rythmé l’actualité politique et sociale des cinq derniers mois.
154 jours de débat et mobilisation
Le 18 février, le projet de loi « visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs » est dévoilé dans la presse, avant même d’être présenté en conseil des ministres. Ce texte, porté par la ministre du travail Myriam El Khomri suscite dès le départ une vive opposition, provoquant débat, manifestations, grèves… Un feuilleton qui dure plus de cinq mois (154 jours exactement) avant l’adoption définitive de la loi au Parlement.
1 358 000 signatures à la pétition « Loi travail, non merci »
Dès le 19 février, une pétition en ligne contre le projet de loi El Khomri, lancée sur le site Change.org par plusieurs militants, dont Caroline De Haas, recueille un large écho. En deux semaines, le texte dépasse le million de signatures. Au 20 juillet, 1 357 870 personnes ont signé la pétition.
7 syndicats en première ligne
La première version du texte est saluée par le patronat, mais suscite le rejet unanime des syndicats de salariés. Face à la fronde, le gouvernement réécrit en partie le texte, notamment sur les indemnités prud’homales, pour satisfaire les syndicats réformistes – Confédération générale du travail (CFDT), Fédération des associations générales étudiantes (FAGE)… Mais sept organisations restent ouvertement hostiles à la loi travail : la Confédération générale du travail (CGT), fer de lance de la mobilisation, Force ouvrière (FO), la Fédération syndicale unitaire (FSU), l’union syndicale Solidaires, l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), l’Union nationale lycéenne (UNL) et la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (FIDL).
12 journées nationales d’action
Une première manifestation nationale contre la loi travail est organisée le 9 mars. Trois semaines après, le 31 mars, le mouvement atteint son apogée : entre 390 000 et 1,2 million de personnes défilent dans toute la France. Douze journées nationales d’action sont organisées régulièrement jusqu’au 5 juillet. Mais le mouvement s’essouffle doucement à l’approche de l’été.
143 mars, selon le calendrier de Nuit debout
Prolongeant l’action du 31 mars, des militants investissent la place de la République à Paris, et s’installent nuit après nuit, formant des assemblées citoyennes protéiformes unies par le rejet de la loi travail. Le mouvement, inspiré notamment par François Ruffin (réalisateur du film Merci patron !), essaime dans d’autres villes, mais l’élan populaire s’émousse doucement au bout d’un mois. Toutefois, le 21 juillet (143 mars, selon le calendrier de Nuit debout), le mouvement est encore actif, au moins en ligne.
4 000 stations-service à sec en mai
A partir de la mi-mai, le mouvement contre la loi travail reprend des formes plus classiques. La CGT organise manifestations, barrages routiers, grèves dans les transports en commun et dans les raffineries… Des dépôts pétroliers sont bloqués, ce qui suscite une ruée à la pompe, et entraîne une pénurie temporaire d’essence et de gazole, dans 4 000 des 12 000 stations-service de France. La situation revient à la normale après le déblocage des dépôts par les forces de l’ordre et le recours aux réserves stratégiques.
896 gardes à vue
L’ambiance se tend progressivement au fil des manifestations. Des casseurs se mêlent aux cortèges. Les forces de l’ordre répliquent. A Rennes, un jeune homme est blessé à l’œil par un tir de Flash-Ball le 28 avril. Le 14 juin, des casseurs brisent des vitres de l’hôpital Necker à Paris. Le gouvernement menace alors d’interdire la manifestation suivante, puis décide de la circonscrire à un périmètre réduit et sous haute surveillance.
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Les manifestations liées à la loi travail ont abouti à 896 gardes à vue, dont 520 pour « violence contre les forces de l’ordre » et à 32 peines de prison ferme, selon le ministre de la justice Jean-Jacques Urvoas.
En parallèle, 48 enquêtes ont été ouvertes pour violences policières.
5 versions du texte
L’avant-projet de loi, présenté en février, a été profondément modifié une première fois le 14 mars, avant même d’être présenté en conseil des ministres, pour apaiser la colère des syndicats réformistes.
Il a ensuite été modifié en commission à l’Assemblée nationale en avril (sur la durée du temps de travail, le compte personnel d’activité, les accords d’entreprise…), avant la séance publique.
Lors du passage au Sénat, majoritairement à droite, le texte a été réécrit en profondeur pour devenir plus libéral, en supprimant par exemple la référence aux trente-cinq heures. Toutefois, cette version votée par les sénateurs a logiquement été rejetée par la commission mixte paritaire (sénateurs et députés).
La version définitive, votée par l’Assemblée nationale, se rapproche de celle discutée en mai, mais intègre encore de nouveaux amendements.
7 000 amendements déposés
Les parlementaires – de gauche comme de droite – ont déposé plus de 7 000 amendements au projet de loi El Khomri. L’Assemblée nationale a recensé 6 400 amendements sur ce texte, dont 4 857 pour la première version, soit presque autant que pour le mariage pour tous, symbole de l’obstruction parlementaire. Le Sénat a compté 1 062 amendements, dont 157 ont été adoptés dans sa version du texte.
3 recours au 49.3
Pour éviter que le débat s’enlise ou que la majorité ne vote pas le projet de loi très controversé, le gouvernement a eu recours à l’alinéa 3 de l’article 49 de la Constitution, qui permet de faire voter l’ensemble d’un texte si aucune motion de censure n’est adoptée dans les vingt-quatre heures. Cette arme législative, déjà utilisée pour la loi Macron en 2015, a été dégainée lors du premier vote à l’Assemblée le 12 mai, puis en deuxième lecture le 5 juillet. Le premier ministre Manuel Valls y a de nouveau recours le 20 juillet pour faire adopter définitivement la loi El Khomri.
Loi travail : quatre mois de bras de fer, et « une défaite pour le gouvernement »
Durée : 04:30