Hillary Clinton, le centrisme raisonné
Hillary Clinton, le centrisme raisonné
Editorial. Investie par le parti démocrate le 28 juillet à Philadelphie, Hillary Clinton a choisi le réformisme réfléchi pour ligne politique.
Hillary Clinton lors de son investiture par le parti démocrate, à Philadelphie, le 28 juillet. | DARCY PADILLA/AGENCE VU POUR "LE MONDE"
Editorial du « Monde ». Elle est au centre gauche, moyennement interventionniste en politique étrangère, moyennement protectionniste en économie, raisonnablement « écolo », radicalement libérale sur les questions de société. Telle se présente Hillary Clinton, 68 ans, première femme à recevoir l’investiture d’un grand parti pour guigner la présidence des Etats-Unis.
Sérieuse, bosseuse, expérimentée, la candidate démocrate, adoubée jeudi 28 juillet à la convention de Philadelphie, fera face, le mardi 8 novembre, au démagogue baroque et totalement inexpérimenté qu’a investi le Parti républicain, en la personne de Donald Trump, 70 ans, pour porter ses couleurs. Rien n’est joué.
Mme Clinton a été jeudi fidèle à elle-même : centriste, sachant toute la valeur du compromis en démocratie, se refusant au slogan et préférant l’argumentation solide. Au sortir d’une élection primaire très disputée, où la gauche du parti, incarnée par le sénateur Bernie Sanders, 74 ans, est montée en force, Mme Clinton ne s’est pas contentée de saluer la performance de celui qui l’a défiée. Elle a voulu refaire l’unité du parti en s’alignant sur nombre des positions de M. Sanders.
Après les avoir défendus, elle a dit qu’elle se refuserait aujourd’hui à signer de nouveaux traités de libéralisation commerciale, tant qu’ils lui paraîtraient relever d’une concurrence « déloyale » à l’encontre des entreprises américaines. Comme M. Sanders, elle veut réformer le financement des campagnes électorales, où l’argent privé vient tronquer la défense de l’intérêt général.
La prudence comme ADN politique
Ancienne « première dame », du temps où Bill Clinton était à la Maison Blanche (1992-2000), ex-sénatrice de New York, première secrétaire d’Etat de Barack Obama, Hillary Clinton sait qu’elle incarne la quintessence de cette élite politique aujourd’hui décriée par les Américains. Là encore, se situant dans les pas de M. Sanders, elle s’est livrée à une critique en règle du capitalisme de ces vingt dernières années : croissance plus inégalitaire que jamais, absence de mobilité sociale et salaires stagnants. Elle comprend, « entend », partage la « colère », la « rage » des Américains, trop nombreux à être laissés sur le bord de la route de l’économie mondialisée. Il s’agit de ne pas céder ce terrain à Donald Trump.
Quelle politique étrangère ? Cette patriote, convaincue de l’exemplarité démocratique américaine, passe pour être plus interventionniste que Barack Obama. Elle serait plus confiante que le président dans les mérites de l’emploi de la force – en Libye ou en Syrie – et dans la nécessité de tenir tête à la Chine dans le Pacifique, à la Russie ailleurs. Peut-être. C’est oublier un des éléments-clés de son ADN politique : la prudence.
Au-delà du dénigrement des immigrés et du libre-échange, M. Trump n’a rien proposé qui ressemble en quoi que ce soit au réformisme réfléchi de son adversaire. Mais Mme Clinton est marquée par les « affaires » – de ses prestations royalement rémunérées pour Wall Street à son serveur privé de courrier électronique quand elle était à la tête de la diplomatie américaine. Sa cote de confiance est des plus faibles : Mme Clinton est presque aussi impopulaire que M. Trump. C’est injuste. Ce dernier, porte-voix d’une Amérique peu sûre d’elle, cultive un revanchisme nostalgique d’une prépondérance américaine sans égale. Hillary Clinton est la porte-parole d’une Amérique optimiste, mais qui prend la mesure de la complexité de l’époque.