RDC : pourquoi la Banque internationale pour l’Afrique du Congo a frôlé la faillite
RDC : pourquoi la Banque internationale pour l’Afrique du Congo a frôlé la faillite
Par Xavier Monnier
La suspension d’une ligne de financement d’un montant de 37,5 millions d’euros a plongé la banque des fonctionnaires congolais en plein tourment.
Un long frisson a parcouru les rues, les universités, les ministères et jusqu’aux casernes militaires et aux policiers. Au cœur d’un printemps politique agité par le débat autour du glissement électoral, la pression de la communauté internationale et la baisse du cours des matières premières, la Banque internationale pour l’Afrique au Congo (Biac) a frôlé la faillite. Et ce ne sont pas les salariés des 150 agences locales réparties dans le pays qui ont tremblé, mais bien les 400 000 clients, dans un pays où l’assurance-dépôt n’existe pas.
Fin février, la banque centrale du Congo a en effet suspendu une ligne de refinancement de 37,5 millions d’euros de l’établissement, le plongeant dans une crise profonde. Le retrait plafonné à 500 000 francs Congolais (environ 500 dollars) et la fermeture des agences pour faire face au manque de liquidités début avril ont conduit à un changement du management de la banque et de ses organes de direction.
« Un clan au pouvoir prêt à jouer avec le feu »
Sous pression, la nouvelle équipe mise en place a obtenu la réouverture d’une ligne de crédit de 50 millions de dollars. « On a frôlé la catastrophe, souffle un banquier de la place. Si la Biac était tombée, non seulement le système bancaire dans son entier vacillait mais on allait au-devant d’émeutes sociales, voire de mutineries. »
Pilier de la bancarisation de l’économie (seuls 6 % des Congolais ont un compte en banque), l’une des « réalisations » mise en avant par le gouvernement du premier ministre Matata Ponyo, la Biac compte en effet parmi ses 400 000 déposants, la majorité des professeurs, fonctionnaires, policiers et militaires de RDC, peu disposés à voir leurs économies disparaître. « C’est dire l’état d’esprit du clan au pouvoir, analyse un diplomate occidental. Ils sont prêts à jouer avec le feu pour imposer leurs vues. »
Sous le vernis économique de la crise de la Biac - « qui a vécu pendant des années au-dessus de ses moyens et n’avait aucun process de contrôle interne » pointe un banquier - s’est joué une partie très politique.
Appelé au secours de la banque, déjà mal en point en 2013, Michel Losembe ne présente pas seulement le CV d’un brillant financier, passé par Londres et Washington au sein de Citigroup. Ce fils d’ambassadeur a la particularité d’être un ami d’enfance de Jean-Pierre Bemba et d’Olivier Kamitatu, ancien rouage essentiel de la majorité présidentielle passé dans l’opposition et désormais pilier du G7.
La Biac doit être vendue dans les six mois
A mesure que s’est structuré le front anti-Kabila, notamment le rapprochement avec l’ancien gouverneur du Katanga Moïse Katumbi, l’étoile de Losembe a commencé à pâlir auprès du sommet de l’Etat. Jusqu’à l’ordre donné, selon les informations du Monde Afrique, par le président lui-même au gouvernement Matata, de faire bloquer les ligner de crédits par la banque centrale.
« La manœuvre a permis d’éjecter Losembe et d’envoyer un message aux actionnaires, les Blattner, qui commençaient à discuter avec l’opposition. Et cela devrait décourager d’autres initiatives identiques », estime un financier kinois.
Pour faire le poids, le gouverneur de la banque centrale a même déposé plainte auprès du procureur général de Kinshasa contre les actionnaires, administrateurs et ancien dirigeants pour « des actes de mégestion ayant suscité la banqueroute de la Biac avec, pour conséquence, la dilapidation de l’épargne du public collectée au sein de cet établissement bancaire », selon la lettre envoyée le 31 mai et largement relayée par la presse congolaise.
Le 6 juin, les avoirs de la famille Blattner ont même été gelés sur demande de la justice congolaise. Une mesure qui n’a duré que neuf jours comme l’a révélé Jeune Afrique. Présent dans l’exploitation minière, l’aviation, le transport, la famille Blattner emploie 15 000 personnes en RDC. Le maintien du séquestre des avoirs de ces sociétés aurait plongé le pays dans une nouvelle crise.
« Personne au gouvernement comme à la présidence n’a trop intérêt à ce qu’une enquête pénale vienne triturer les comptes de la Biac, estime un diplomate occidental. On tomberait dans un enchevêtrement de dossiers de crédits, de financements étranges. »
Désormais sous administration provisoire de la Banque Centrale du Congo, la Biac doit être vendue dans les 6 mois. Une façon de passer l’éponge et solder les comptes ?