Raul Castro, le 9 juillet à La Havane. | STRINGER / AFP

Cuba sera-t-elle entraînée dans sa chute par le Venezuela, son principal partenaire économique ? Dix ans après le passage de relais à la tête de l’Etat entre Fidel Castro (90 ans le 13 août) et son frère Raul (85 ans), le 31 juillet 2006, l’économie cubaine est au bord de la récession. Début juillet, Raul Castro a reconnu pour la première fois l’incidence de la crise vénézuélienne sur l’île, devenue entièrement dépendante de Caracas en matière de pétrole, après l’avoir été de l’Union soviétique.

Cuba a enregistré « une baisse de la fourniture de combustible négociée avec le Venezuela, en dépit de la ferme volonté du président Nicolas Maduro, a déclaré le chef de l’Etat cubain devant l’Assemblée nationale. Cela a créé des tensions supplémentaires sur le fonctionnement de l’économie cubaine. » Tout en rejetant « les spéculations sur un effondrement imminent », Raul Castro a admis que la croissance est tombée à « 1 %, soit la moitié de ce que nous avions prévu » pour 2016.

Absence d’alternative

Dans les années 1990, la fin des subsides soviétiques avait précipité l’effondrement de la production et du niveau de vie des Cubains, qui avaient frôlé la famine. La réduction de 50 % de la consommation de carburant et d’électricité des entreprises non productrices de biens, annoncée en juillet, suscite la crainte d’un retour de la « période spéciale », l’euphémisme officiel pour désigner la débâcle post-soviétique, dont les coupures de courant, les apagones, restent dans les mémoires. Le danger d’une explosion sociale a été évoqué par des proches du pouvoir.

Le Venezuela fournissait à Cuba 105 000 barils de pétrole par jour, remboursables en services de santé. Une partie du brut était revendue sur le marché pour pallier le manque de devises chronique du régime castriste. Ces livraisons ont été réduites à 55 000 barils, un niveau à peine suffisant pour les besoins de l’île. La raffinerie de Cienfuegos (ouest), cadeau de l’ancien président vénézuélien, Hugo Chavez, à son mentor, Fidel Castro, est au point mort. Et les paiements pour les médecins cubains au Venezuela ont également diminué. En 2016, les échanges entre les deux pays devraient baisser de 20 %. Les pronostics sont assombris par les prévisions à Caracas : chute de 8 % du produit intérieur brut (PIB), hyperinflation de 700 %, taux de pénuries de 80 %, surendettement et crise de liquidités.

Le Venezuela avait remplacé Moscou comme principal allié économique du castrisme. Selon les estimations de l’économiste Pavel Vidal Alejandro, la crise vénézuélienne devrait se traduire dès 2016 par une croissance zéro ou négative de l’économie cubaine et par une récession de 2,9 % en 2017, soit la première diminution du PIB depuis vingt-quatre ans (depuis la « période spéciale »).

M. Vidal, chercheur au Centre d’études de l’économie cubaine de l’université de La Havane et professeur invité à l’Université Javeriana, à Cali (Colombie), estime que la vulnérabilité de Cuba découle de l’absence d’alternative face à la dépendance commerciale et financière à l’égard de Caracas. La Havane a bien cherché à s’appuyer sur le Brésil, qui a financé la modernisation du port de Mariel, mais la récession brésilienne et le tournant politique en cours compromettent cette option.

« Immobilisme autodestructif »

Le rétablissement des relations diplomatiques avec les Etats-Unis et la restructuration de la dette cubaine avec le Club de Paris n’ont pas été accompagnés de changements internes, susceptibles d’attirer les investisseurs étrangers.

« Il y a un grand intérêt international pour Cuba, mais la bureaucratie reste immobile et la préférence pour des changements graduels laisse passer d’importantes opportunités », note M. Vidal.

L’initiative diplomatique n’a pas été suivie d’une ouverture économique. La Havane prétend concentrer les investissements sur les secteurs stratégiques contrôlés par les militaires, sans pour autant offrir de sécurité juridique ni de liberté d’embauche. Le secteur privé formé par les autoentrepreneurs et les travailleurs indépendants reste embryonnaire (5 % du PIB), taxé et harcelé, alors qu’il a permis de dégraisser l’Etat.

Depuis quelques années, le débat sur l’économie cubaine portait sur le rythme des changements nécessaires pour la rendre capable de subvenir aux besoins de la population. Raul Castro avait refusé les critiques avec une formule :

« Sans empressement, mais sans pause. »« Ce rythme relève désormais d’un immobilisme autodestructif », déplore M. Vidal.

A la mi-juillet, M. Castro a remplacé son ministre de l’économie, Marino Murillo, 55 ans, par l’ancien ministre du commerce extérieur, Ricardo Cabrisas, 79 ans, qui s’était chargé de la restructuration de la dette. Dans l’univers opaque du castrisme, l’interprétation de ce remplacement reste controversée.