L’immobilier de bureaux repart en Ile-de-France
L’immobilier de bureaux repart en Ile-de-France
LE MONDE ECONOMIE
Même si la prudence reste de mise, l’optimisme est de retour dans la région, notamment à la Défense.
Le taux de vacance à la Défense (Hauts-de-Seine) est tombé à 8,8 % à fin juin, au plus bas depuis 2012. | BRUNO LEVESQUE / /IP3
Les signes d’amélioration se multiplient sur le marché de l’immobilier de bureaux en Ile-de-France, le premier d’Europe devant Londres et le troisième dans le monde derrière New York et Tokyo. Même la Défense, dans les Hauts-de-Seine, l’un des secteurs les plus difficiles, semble enfin sortir de l’ornière. Le taux de vacance y est tombé à 8,8 % à fin juin, au plus bas depuis 2012, selon les statistiques compilées par ImmoStat.
Au cours des six premiers mois de l’année, 175 000 m2 de bureaux y ont été loués, un volume équivalent à la totalité des prises à bail de l’année 2015.
« Il s’agit du niveau le plus élevé depuis dix ans. La Défense a retrouvé son attractivité, et pas seulement auprès des multinationales. De plus en plus d’entreprises de taille moyenne s’y installent, car les loyers sont bas », se félicite Marie-Laure Leclercq de Sousa, directrice du département agence chez JLL.
Depuis janvier, huit transactions de grandes surfaces ont été conclues dans le quartier d’affaires situé à l’ouest de Paris, dont deux opérations de plus de 20 000 m² : Deloitte cohabitera, avant la fin de 2016, avec AXA au sommet de Majunga (30 500 m²), un gratte-ciel high-tech conçu par Unibail-Rodamco, et Saint-Gobain emménagera dans la future tour M2 (49 000 m²) en 2019.
« Rendement et diversification »
Le pessimisme des années 2013 et 2014, quand le taux de vacance culminait à 14 %, s’éloigne peu à peu. « A l’époque, plusieurs tours qui représentent une surface totale de 300 000 m2, soit 10 % du quartier, avaient été livrées au moment où le marché se retournait. Purger l’excès d’offre a nécessité plusieurs années », confie Hugues Parant, directeur général de l’Epadesa, l’établissement public d’aménagement de la Défense. Amorcé en 2008, le plan de relance qui vise à rajeunir l’image du centre d’affaires imaginé dans les années 1960 commence à porter ses fruits. « Le quartier bénéficie des efforts engagés pour améliorer le cadre de vie de ses utilisateurs, que ce soit en termes de déplacement ou de vie après le bureau », témoigne Laurent Boucher, président de BNP Paribas Real Estate Advisory France.
Du côté de l’investissement, 1 milliard d’euros ont été dépensés à la Défense sur les six premiers mois de 2016, cinq fois plus qu’au premier semestre 2015. Une embellie qui touche l’ensemble de l’Ile-de-France, puisque 6,4 milliards d’euros y ont été déversés sur la même période, en progression de 11 %. Le moteur de cette hausse est clairement identifié.
« L’écart de rémunération entre les actifs sans risques et l’immobilier de bureaux atteint 300 points de base pour les meilleurs bâtiments, un niveau très attractif dans l’environnement actuel de taux plancher, explique Laurent Fléchet, directeur général délégué du groupe Primonial. L’immobilier est devenu une priorité pour les investisseurs institutionnels à la recherche de rendement et de diversification. »
Sur l’ensemble de la région, la demande placée, c’est-à-dire des ventes ou des locations à un occupant et non à un investisseur, a augmenté de 20 % au premier semestre, à 1,1 million de mètres carrés, selon JLL.
Parallèlement, le taux de vacance est tombé à 7,1 %, et même à 4 % dans le quartier central des affaires (QCA), entre Etoile et Opéra. « Dans le “triangle d’or”, il devient difficile pour les entreprises de dénicher de grandes surfaces, observe M. Fléchet. On commence à observer des tensions sur les loyers. »
Pour autant, la reprise n’est pas encore définitivement actée.
« Cela va mieux, mais il est prématuré de parler d’un retournement de tendance, glisse Philippe Le Trung, directeur du corporate développement chez Foncière des régions. A la Défense, le taux de vacance qui correspond à l’équilibre du marché se situe entre 5 % et 7 %. On n’y est pas encore ! »
Même si la reprise se confirme, tout le monde n’en profitera pas.
« En deuxième couronne, on ne voit pas d’amélioration généralisée, note Christian de Kerangal, directeur général de l’Institut de l’épargne immobilière et foncière. La question de l’obsolescence se pose pour un certain nombre d’actifs, car les entreprises privilégient les immeubles neufs ou restructurés. »
Un aspect à prendre en compte, dans une région où 75 % des bureaux ont été construits il y a plus de quinze ans.
Si les feux passent au vert les uns après les autres, ce n’est pas encore le cas des loyers. Leur stagnation montre qu’il ne faut pas s’attendre à une reprise sur les chapeaux de roue. A la Défense, les loyers « faciaux » pour les meilleurs locaux restent « scotchés » depuis plusieurs années à 530 euros par an et par mètre carré.
Dans le QCA, ils ont augmenté de 8,5 % depuis un an, pour atteindre 765 euros. Mais ces niveaux reflètent imparfaitement la réalité, car les mesures d’accompagnement (franchises de loyers, participation aux travaux d’aménagement…) restent importantes en Ile-de-France.
En moyenne, ces « gestes commerciaux », que les propriétaires accordent à leurs locataires, représentent 22 % des loyers faciaux. Ils sont particulièrement élevés à la Défense (28 %), plus modestes dans Paris intra-muros (17 %).
« Les avantages consentis diminuent, mais leur poids montre que nous sommes toujours en bas de cycle », analyse Jean-Philippe Olgiati, directeur de BlackRock Real Estate en France.
« Retournements spectaculaires »
Plus optimistes, certains experts prédisent que les loyers vont bientôt repartir à la hausse.
« Dans le passé, on a déjà vu des retournements de tendance spectaculaires à la Défense, notamment en 2000. On observe actuellement une diminution des mesures d’accompagnement. Les loyers faciaux vont augmenter dans les dix-huit prochains mois », annonce Cyril Robert, directeur des études et recherche chez Knight Frank France.
La prudence des promoteurs, qui ont considérablement réduit la voilure depuis le début de la crise, devrait favoriser cette inflation. Aucune nouvelle tour ne sera livrée dans le quartier avant la fin de 2017. Baptisée Window, la prochaine sera construite au-dessus du centre commercial les Quatre Temps, le plus grand de France.
Au total, seulement 40 000 m2 supplémentaire sont attendus en 2017 et 50 000 en 2018. C’est pourquoi le taux de vacance va continuer de baisser.
« Il devrait tomber à 7 % en 2017, puis à 6 % en 2018, avant de remonter », annonce M. Parant.
Autre facteur-clé, la reprise de l’activité économique. « Cette croissance crée des emplois tertiaires, ceux qui ont besoin de bureaux », confie M. de Kerangal. Un bémol, cependant : certains déménagements de sièges sociaux pourraient être gelés à l’approche de l’élection présidentielle de 2017. Le Brexit, en incitant des poids lourds de la finance à traverser la Manche, pourrait compenser cet effet négatif. Mais il serait surprenant que de telles décisions soient prises dans un délai aussi court.