Briques, plastique et robots : une visite à l’usine de fabrication des Lego
Briques, plastique et robots : une visite à l’usine de fabrication des Lego
Par William Audureau
L’usine de Kornmarken à Billund, au Danemark, produit chaque année 31,5 milliards d’éléments. Pixels a visité la fabrique historique de Lego, aujourd’hui ultramoderne.
C’est un vastiment en briques rouges, en pierre, qui en abrite des milliards d’autres, de toutes les couleurs, en plastique. L’usine de Kornmarken à Billund, au Danemark, près du siège social du géant historique du jouet de construction, sert aujourd’hui de vitrine technologique et sociale à Lego.
La multinationale danoise, fondée en 1932, possède désormais cinq fabriques dans le monde. Quatre se situent à l’étranger (Hongrie, République Tchèque, Mexique, et la plus récente, en Chine). La plus ancienne est localisée à Billund, une petite ville de 26 000 habitants du Danemark-du-Sud, qui abrite également le parc d’attractions Legoland et un aéroport international. À l’invitation de Warner Bros., partenaire de Lego pour les films et les jeux vidéos, Pixels a pu la visiter.
William Audureau (Le Monde)
Ici, on fabrique surtout les briques standard. En tout, ce sont environ 12 000 formes de 65 couleurs différentes qui voient le jour dans ce grand bâtiment en brique qui s’étire sous le ciel scandinave. Plus de 800 employés travaillent ici, à la maintenance, à la logistique, au planning, etc. Mais en raison des horaires tournants, de l’étendue des lieux et de l’automatisation quasi totale de la production, rares sont les humains que l’on croisera durant notre visite.
William Audureau (Le Monde)
Pourtant, les indices de leur présence sont nombreux : gourdes à l’effigie de Lego marquées de leurs prénoms, organigramme, vaste salle de repos, toilettes colorées ou encore drapeaux danois laissent imaginer le quotidien des employés de l’usine de Billund. La plupart se déplacent en tricycle motorisé à travers l’usine, le regard absent, ou plus rarement, en porte-charge, alpaguant en danois leurs collègues à pied.
Les règles de sécurité, de contrôle et de qualité sont drastiques. À en croire le constructeur danois, il y a deux ans, il y aurait eu plus d’accident au service administratif de l’entreprise que sur son site de production. La propreté des lieux, le parfait allignement des machines, la netteté du sol en dépit des composants chimiques utilisés frappent immédiatement. Pas une brique par terre ; s’il arriverait qu’une ne chute au sol, elle serait de toute façon jetée, afin de ne pas introduire la moindre once de poussière dans les lots, se félicite l’entreprise.
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Les jouets de la firme ne naissent pas ex nihilo, mais sont issues de plastique industriel transformé. Longtemps, Lego travaillait avec des fournisseurs allemands, comme Bayer AG puis Lanxess AG. Aujourd’hui, les petites briques sont obtenues à partir de matières premières que l’entreprise danoise achète aux quatre coins du monde, de la Corée du Sud (LG Chem) à l’Arabie Saoudite (Sabic Innovativ Plastic). Les deux géants sud-coréen et saoudiens de la pétrochimie la fournissent notamment en résine d’acrylonitrile-butadiène-styrène (ABS), un type de plastique particulièrement prisé pour sa rigidité et sa solidité.
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Les premières machines à mouler des années 1950, entièrement manuelles, ont été remplacées au fil des ans par des versions automatisées. Les premiers robots sont apparus dans l’usine dès la fin des années 1980, pour les tâches de transport et d’acheminement des pièces. Aujourd’hui, 760 machines, à l’allignement parfait, travaillent de concert dans un vacarme robotique à bruit lent et constant. « On se croirait dans une scène de Terminator », laisse échapper un autre visiteur avec humour, dans un mélange d’admiration et d’effroi. Le parc a été massivement renouvelé il y a deux ans : elles semblent comme neuves. Seules deux personnes sont chargées de veiller sur elles, essentiellement pour des tâches de maintenance.
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Le plastique est chauffé à plus de 230°, parfois jusqu’à 310°, avant d’être injecté à plus de 29 000 livre-force par mètre carré dans des moules (soit 5 à 10 000 fois plus que la pression d’un pneu de voiture). Pour chaque pièce, la société utilise des moulures d’une précision évaluée à 0,004 millimètres. 9 moules différents sont nécessaires pour faire une minifigurine. Selon Lego, le refroidissement et l’éjection d’une pièce fraîchement moulée prend dix secondes.
William Audureau (Le Monde)
L’entreprise danoise met un point d’honneur à minimiser les rebuts. La plupart des pièces défectueuses sont recyclées, et seule une infime part de la production demeure inexploitable. Celle-ci gît dans une simple poubelle commune, sous la forme d’une fascinante et poétique poussière de Lego qui s’écoule entre les doigts, douce, translucide, émaillée de caillots de couleur sans forme ni destin.
William Audureau (Le Monde)
Au milieu de ces larges allées propres et désertes surgissent régulièrement des robots transporteurs.
À la manière de voitures intelligentes, ils conduisent dans les allées, à vitesse très limitée, s’arrêtent près des machines mouleuses lorsque celles-ci ont fini de remplir une caisse de Lego, s’en emparent avec deux petits bras articulés, la range dans leur coffre intégré, puis repartent avec pour les acheminer plus loin, à l’entrepôt.
William Audureau (Le Monde)
Ici, sous un imposant plafond de près de dix mètres de haut, 400 000 boîtes sont entreposées - et l’entrepôt hongrois est trois fois plus grand, assure le fabriquant. Les pièces sont rangées dans quatre types de boîtes de taille et de couleur différente - un code visuel en fonction du poids de la cargaison, limité à 20 kgs. Les jaunes, les plus grands, contiennent généralement des Duplo, car les pièces sont plus volumineuses. Les rouges, plus petits, vont plutôt servir aux petites pièces et aux minifigurines, au rangement plus dense.
Comment s’y retrouver ? Là aussi, le processus est entièrement automatisé. Un robot-manutentionnaire se charge d’aller chercher les boîtes contenant le type de pièce nécessaire aux différents sets. « Le système sait où chaque boîte est rangée », précise notre guide. Chaque boîte est identifiée et fait l’objet d’une vérification manuelle de l’absence d’élément extérieur ou défectueux. Il s’agit de l’une des rares interventions humaines : une employée, assise devant une caisse, regard vide et gestes las, plonge la main dans le tas et brasse à la recherche d’éventuels intrus. Photo interdite.
William Audureau (Le Monde)
La visite s’achève. De retour dans le hall d’entrée en brique rouge, les affiches, les pancartes et les figurines à l’effigie de la marque escortent jusqu’à la sortie, où un vaste camion d’un jaune vif attend sa cargaison. Un grand logo « Lego » peint sur le flanc, il est prêt à partir livrer les célèbres briques multicolores.
William Audureau (Le Monde)