La Brésilienne Marta Vieira Da Silva, en 2014. | JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Ce qui a le plus impressionné Raquel Malina, c’est la fièvre des supporteurs. Des hommes pour la plupart, hurlant dans les bars, se rongeant les doigts puis explosant de joie à chacun des buts marqués par leur nouvelle idole : Marta. L’attaquante de l’équipe de foot olympique brésilienne, maillot n10, Marta Vieira da Silva Veiga, n’emmènera pas son équipe vers une médaille d’or. Après la défaite (0-0, 4-3 aux tirs au but) face à la Suède, mardi 16 août, seul le bronze peut échoir à « l’autre » Seleçao.

Mais peu importe. « Quelque chose a changé. On ne pourra plus revenir en arrière », pense Raquel Malina. Féministe engagée, la jeune Carioca défilait encore fin 2015 hurlant « Fora Cunha ! » (« dégage Cunha ») contre un projet de loi défendu par le président de la Chambre des députés, Eduardo Cunha, visant à restreindre un peu plus le droit à l’avortement au Brésil. La voici désormais interdite devant les supporteurs de foot plutôt réputés pour leur misogynie. Aucun doute, la cause de la femme brésilienne a avancé pendant ces Jeux olympiques.

Les performances sportives de Marta, décrite comme un Pelé au féminin, ont fait évoluer les regards. Les fans de football, écœurés par les débuts poussifs de l’équipe masculine se sont réconfortés en admirant les prouesses des footballeuses allant jusqu’à rayer le nom de Neymar sur leur tee-shirt jaune et vert pour y coller celui de Marta. Même la défaite de mardi n’a pas entamé leur ferveur. « L’or n’est plus possible. Mais le combat était trop beau à regarder. Nous vous remercions de nous apprendre à encourager de nouveau la Seleçao les filles », a tweeté, après le match, Doentes por futebol (« malades de football »), un site pour fans du ballon rond.

Femmes encensées

Marta n’est pas la seule athlète que les Brésiliens auront adorée pendant ces Jeux. Avant elle, Rafaela Silva, judoka, enfant des favelas, a fait la « une » de toute la presse en remportant l’or, le 8 août dans la catégorie des moins de 57 kilos. La Carioca de 24 ans avait pourtant abordé les Jeux avec anxiété « car les femmes n’ont pas beaucoup de résultats », avait-elle confié, espérant que son exemple « fasse avancer le féminisme au Brésil ».

Les équipes féminines de beach-volley ont également déchaîné les passions, et pour d’autres raisons que le minimalisme de leur short. Hormis la haine déversée sur les réseaux sociaux contre la nageuse Joanna Maranhao, les femmes ont été globalement encensées dans des disciplines plutôt masculines. Pendant ces JO, elles ont su redonner de la fierté à un pays meurtri par la crise et dévasté par les méfaits du Zika sur toute une génération.

A écouter Joao Feres, de l’Institut d’études sociales et politiques à Rio, cet engouement n’a rien d’exceptionnel. Les Européens, dit-il, véhiculent sur le Brésil les préjugés d’un pays latino macho pour mieux ignorer leur propre misogynie. M. Feres a sans doute raison. Cela n’empêche pas de constater que l’amour du sport et en particulier du football est à même de transcender la guerre des sexes.