Les athlètes olympiques, nouvelles divinités de la mode
Les athlètes olympiques, nouvelles divinités de la mode
M le magazine du Monde
A l’occasion des JO 2016 de Rio, les sportifs s’affichent en couverture des magazines de mode. Des icônes qui suscitent la fascination du public mais aussi l’intérêt des marques. Revue de presse.
Ces derniers mois, les magazines de mode ont consacré des articles et des reportages photos aux athlètes olympiques. A quelques semaines des Jeux de Rio de Janeiro, les éditions chinoise et suédoise de Elle en passant par les Vogue brésilien ou le GQ australien ont ainsi présenté une constellation mondiale d’athlètes de haut niveau, sous des angles très différents.
L’attrait pour l’esprit sport
Qu’ils soient décrits comme des héros surmontant les difficultés, des gladiateurs iconiques moulés dans des marques de sportswear à la mode ou des beaux gosses musclés posant aux côtés de mannequins filiformes, ces articles témoignent des liens de plus en plus étroits entre la mode et le sport. Selon Mark Christensen, rédacteur en chef du GQ Australie, c’est aussi une bonne manière de renforcer l’engagement des lecteurs et la ligne éditoriale du magazine. « Les athlètes olympiques démontrent une forme de dévouement et de talent pur qui inspire nos lecteurs », affirme-t-il.
Si les athlètes olympiques comme Serena Williams, Usain Bolt et Jessica Ennis-Hill sont déjà très connus du grand public, une nouvelle génération de sportifs très actifs sur les réseaux sociaux est en train de devenir un outil marketing important pour les marques de sport et lifestyle, et indique un virage dans la mode qui se tourne désormais vers des porte-parole authentiques qui ont plus à offrir qu’une simple beauté plastique.
Un phénomène qui intervient à une époque où la tendance « athleisure » domine le prêt-à-porter, où l’industrie de la mode fusionne de plus en plus avec le secteur de la santé et du bien-être, et où l’idéal féminin est désormais un corps plus tonique et svelte, à l’image de mannequins sportives comme Karlie Kloss. S’éloignant du simple relooking de sportifs avec des vêtements pas toujours adaptés – plusieurs magazines ont présenté cette année les athlètes olympiques dans leur vie quotidienne et sous un angle très esthétique.
La mannequin Karlie Kloss, sur son compte Instagram
Royaume-Uni : portrait d’une combattante
Dans son numéro d’août, le Vogue britannique présente la boxeuse anglaise Nicola Adams, qui entre dans l’histoire de sa discipline après avoir raflé de nombreuses médailles d’or notamment lors des Jeux du Commonwealth et veut devenir la numéro un de la boxe britannique – homme et femme confondus – en ramenant une double médaille d’or olympique.
La boxeuse Nicola Adams, première médaillée olympique féminine, pose pour le « Vogue » britannique. | Matthew Brookes/The Business of Fashion
Son histoire touchante, qui montre comment elle a surmonté les obstacles en tant que femme bisexuelle dans un sport dominé par les hommes, est évoquée dans l’image de Matthew Brookes qui la photographie assise au bord du ring. Contrairement au portrait qu’avait réalisé Annie Leibovitz pour la campagne « Leading Ladies » de Marks and Spencer en 2014, le portrait d’Adams dans Vogue montre l’icône telle qu’elle est.
Espagne : l’élégance musclée
La rédactrice en chef Eugenia de la Torriente explique avoir répondu aux demandes des lectrices qui réclamaient des femmes courageuses, fortes et résistantes, en montrant trois représentantes de la délégation espagnole à différentes étapes de leur carrière sportive. La judoka Miriam Blasco, médaille d’or à Barcelone en 1992, Gemma Mengual, une nageuse qui participe à ses quatrièmes Jeux à Rio, et la gymnaste Carolina Rodríguez, sont à l’honneur dans le numéro de juillet du Harper’s Bazaar espagnol.
L’athlète Gemma Mengual, qui pratique la natation synchronisée, et la gymnaste Carolina Rodríguez dans les pages du « Harper’s Bazaar » espagnol. | Caterina Barjau/The Business of Fashion
« Nous voulions célébrer leur élégance et leur beauté, mais aussi la force et la détermination qu’il leur a fallu pour devenir des championnes exceptionnelles dans leur discipline, explique de la Torriente. Et pour nous, c’est tout à fait logique de montrer aujourd’hui des icônes de sport dans notre magazine étant donné la tendance actuelle de l’“athleisure” dans la mode. »
Australie : le culte des célébrités
« Vu comme les Australiens sont fans de sport, c’est dans l’intérêt de notre magazine d’associer le sport et la mode », souligne le rédacteur en chef du GQ Australie, Mark Christensen.
Dans cet esprit, le numéro d’août présente le nageur Cameron McEvoy, le sprinteur Josh Clarke et le tennisman en fauteuil roulant Dylan Alcott, trois athlètes australiens qui visent l’or aux Jeux olympiques et paralympiques de Rio.
L’article est sûr d’être bien accueilli, étant donné que selon Christensen, plus de 50 % des hommes âgés de plus de 18 ans – le lectorat visé par le magazine – regardent ou pratiquent un sport. « Les agences, les marques et les sponsors voient désormais les athlètes de haut niveau comme une catégorie importante, et, si j’ose dire, contrairement à beaucoup d’acteurs ou de célébrités, ils possèdent un talent authentique et inégalé… c’est pourquoi les marques sont vraiment prêtes à les soutenir et à s’associer aux Jeux olympiques », assure-t-il.
Chine : l’image des porte-drapeau
En Chine, le magazine Elle hisse le drapeau national en incluant six jeunes espoirs olympiques dans son numéro d’août. Les athlètes, qui pour la plupart sont détenteurs de records ou leaders mondiaux dans leur discipline, arborent la veste et les accessoires officiels de l’équipe de Chine et montrent une large transversalité de disciplines, de l’haltérophilie à l’équitation.
Six jeunes espoirs chinois photographiés dans le « Elle » Chine. | Jiayi Ye/The Business of Fashion
Ce numéro spécial inclut également des interviews de chaque athlète olympique. Le rédacteur en chef adjoint Roth Lai explique le choix du magazine de représenter le sport dans la nouvelle rubrique du site internet de Elle, ELLEfit. « Cela permet d’améliorer l’image des sportifs et de les faire connaître des jeunes lectrices », affirme Lai à propos de son reportage consacré aux athlètes olympiques, en particulier ceux qui ont déjà des fans comme Alex Hua Tian et Su Bingtian.
Royaume-Uni : gloire et beauté
Dans un éditorial de la version britannique du Harper’s Bazaar, le photographe Harry Cory Wright souligne la beauté des mouvements précis et méticuleux de dix des meilleures sportives britanniques. Cette série dynamique s’accompagne de témoignages des athlètes qui relatent leurs expériences précédentes des Jeux olympiques et d’autres grands tournois.
Les championnes de natation synchronisée Olivia Federici and Katie Clark, et la cavalière Charlotte Dujardin. | Harry Cory Wright/The Business of FAshion
La cavalière Charlotte Dujardin pose stoïquement sur son cheval Valegro, la canoéiste de slalom Fiona Pennie est photographiée naviguant dans une rivière blanche d’écume, tandis que plusieurs clichés de la plongeuse Tonia Couch montrent les différentes étapes de sa descente dans l’eau. « C’est important pour Bazaar de représenter les rôles très variés que les femmes occupent dans la société contemporaine – athlètes inclus, explique la rédactrice en chef Justine Picardie. Nous n’avons jamais voulu nous limiter à une vision étroite de ce que sont la beauté et la réussite féminine. »
Italie : le sex appeal
Parmi tous les sujets que le Elle Italie a consacrés aux JO dans ses numéros d’été, on trouve notamment un article sur les sportifs les plus sexy qui participent aux Jeux cette année. Des collages montrant des tennismen, des footballeurs et des joueurs de rugby — pour la plupart européens — s’étalent sur quatre pages de collage dans le numéro de juillet.
Les athlètes olympiques les plus sexy selon le « Elle » Italie. | Courtesy Elle Italy pour The Business of Fashion
La journaliste Luisa Simonetto y explique que de beaux athlètes rendent tous les sports plus attirants. Elle ajoute que le magazine entend montrer la relation de plus en plus étroite entre les athlètes et la mode dans les campagnes publicitaires, où les sportifs sont parfois utilisés comme mannequins et ambassadeurs des marques.
Etats-Unis : sportswear chic
Le Elle américain s’intéresse à dix-neuf athlètes de l’équipe américaine dont notamment une championne paralympique d’athlétisme, la première femme musulmane voilée à se qualifier pour les JO. Photographiés en action sur fond clair, les équipes, les couples et les athlètes individuels associent tenues de sport et vêtements de créateur — des looks qui reflètent le style de chaque athlète, comme l’explique le rédacteur en chef Robbie Myers.
L’escrimeuse Ibtihaj Muhammad et la sprinteuse paralympique Tatayana McFadden dans le « Elle » américain. | Max Vadukul/The Business of Fashion
Le duo de natation synchronisée Mariya Koroleva et Anita Alvarez portent toutes les deux des tops en soie à sequins Max Mara, tandis que le gymnaste Danell Leyva arbore une veste Kenzo sur son propre pantalon de compétition. « Nous ne voulions pas les changer, les métamorphoser ou leur demander de s’habiller avec une tenue dans laquelle ils n’étaient pas à l’aise », conclut Myers.
Brésil : des « tops » et des championnes
« Hermès est le sponsor officiel de l’équipe d’équitation brésilienne, et nous avons consacré un portrait à ces athlètes dans le numéro de juillet de Vogue et de GQ, », explique Daniela Falcão, directrice de publication de Edições Globo Condé Nast. Cherchant à refléter l’excitation provoquée dans le pays par son statut d’hôte de ces Jeux olympiques, l’édition brésilienne de Vogue a publié deux couvertures montrant des athlètes et des mannequins posant ensemble. Des photos de groupes posées et élégantes, loin de la représentation traditionnelle de l’association mode et athlétisme.
Des athlètes brésiliennes posent avec la top-modèle Caroline Ribeiro pour la couverture du « Vogue » Brésil. | Henrique Gendre/The Business of Fashion
Selon Daniela Falcão, présenter des athlètes olympiques permet surtout de lutter contre l’idée selon laquelle la mode n’est qu’un monde superficiel qui ne soucie pas de l’actualité nationale. « Cela renforce l’idée que nous sommes connectés à ce qui se passe dans le pays », ajoute-t-elle.
Suède : portrait d’une « modeuse »
Le Elle suédois fait un portrait de la nageuse olympique et ambassadrice de H&M, Sarah Sjöström et s’intéresse à l’aspect commercial du succès sportif de l’athlète. Une photographie de Sjöström avec son petit ami sur un tapis rouge la présente comme une icône de mode. L’article « S’habiller comme un olympien » explore les différentes collaborations avec des marques en vue des Jeux. « Le sport est un terrain de mode excitant qui se développe et est de plus en plus associé à notre style de vie et à nos tenues de tous les jours, selon la responsable de contenu Katarina Matsson. La cérémonie d’ouverture des Jeux est devenue un podium de mode avec des millions de téléspectateurs. » Matsson explique aussi que le magazine a choisi Sjöström car elle représente le plus grand espoir de médaille d’or suédoise à Rio et pour son implication dans le processus de création de la collection olympiques de H&M.
Portrait de la nageuse Sarah Sjöström dans « Elle » Suède. | Courtesy Elle Sweden pour The Business of Fashion
Par Veena McCoole
A lire : la version originale de l’article (en anglais) sur www.businessoffashion.com