Selon les calculs de Protourisme, le recul de la fréquentation en France pourrait avoisiner 4 % entre janvier et mi-août. | ALAIN JOCARD / AFP

Les touristes ne boudent pas seulement les pyramides d’Egypte ou les temples de Louxor. L’Arc de triomphe et les tours de Notre-Dame ont subi, au premier semestre, une baisse de respectivement 35 % et 23 % de leur fréquentation, selon les chiffres révélés, mardi 23 août, par le comité régional de tourisme de Paris et de l’Ile-de-France.

Inquiets pour leur sécurité, les étrangers évitent la France en général et surtout la région parisienne. Au cours du premier semestre, un million de touristes ont fait faux bond aux hôteliers franciliens, par rapport à la fréquentation du premier semestre 2015.

Au total, 14,9 millions d’arrivées hôtelières ont été recensées sur les six premiers mois en Ile-de-France, ce qui marque une baisse de 6,4 %, tirée par la forte désaffection de la clientèle internationale (– 9,9 %). A Paris même, c’est pire (– 11,4 %). Les touristes japonais, chinois ou même italiens se sont envolés vers l’Espagne ou la Grèce, sans passer par la case Paris.

« Catastrophe industrielle »

« Nos indicateurs montrent que cette tendance s’est poursuivie sur la saison estivale », déplore Frédéric Valletoux, président du comité et maire Les Républicains de Fontainebleau (Seine-et-Marne). Nous estimons que la région a perdu 1 milliard d’euros de retombées économiques entre le 1er janvier et la fin août. Et si cela continue au même rythme, cela fera 1,5 milliard en moins sur l’année, une saignée inédite pour la filière touristique francilienne. »

Conséquence, « certaines des 75 000 très petites entreprises concernées ne passeront pas l’année », prévient M. Valletoux. Pour lui, cette « catastrophe industrielle » risque de se traduire par un « plan social majeur » qui affecterait une partie des 500 000 emplois liés dans la région. Et d’appeler les pouvoirs publics à engager sans attendre « un plan Orsec », afin d’aider les entreprises du tourisme à traverser cette crise.

A l’issue du conseil des ministres du 3 août, le gouvernement avait déjà promis « l’étalement des cotisations fiscales et sociales et des interventions de Bpifrance en matière de trésorerie et de financement ». Il avait annoncé, par ailleurs, un plan de communication pour redorer l’image ternie de la France à l’étranger.

« On ne pouvait pas faire pire. Bien sûr, les dramatiques attentats de Paris, de Bruxelles et de Nice ont fait fuir les touristes étrangers, mais il y a eu aussi la crue de la Seine, les grèves du transport aérien, le blocage des raffineries, des manifestations musclées, des chauffeurs de taxi qui font le coup de poing, des touristes chinois détroussés… », énumère Didier Arino, président du cabinet d’études et de conseil Protourisme.

Et de conclure :

« Pourtant, la casse est limitée par rapport à des pays comme la Turquie ou la Tunisie, qui subissent des plongeons de 30 %, voire 40 %, de leur fréquentation touristique. »

Selon les calculs de Protourisme, le recul en France pourrait avoisiner 4 % entre janvier et mi-août, avec des situations contrastées entre l’Ile-de-France et la Côte d’Azur, en berne, et la façade atlantique, qui s’en tire mieux. De son côté, Jean-Marc Ayrault, le ministre des affaires étrangères, devait révéler, mardi, les premières estimations officielles de la saison 2016, à l’occasion d’un déplacement dans la région Centre-Val de Loire.

Dégringolade

D’ores et déjà, l’Insee évalue à – 4,8 % le recul de la fréquentation, exprimée en nuitées, dans les hébergements collectifs touristiques au deuxième trimestre en France métropolitaine. Une dégringolade, alors que le premier trimestre avait marqué un rebond de 1,1 %. Entre avril et juin, la baisse est accentuée par la clientèle étrangère (– 8,5 %).

« Le recul de la fréquentation étrangère, plus important qu’au premier trimestre (– 2,7 %), est comparable à celui observé au quatrième trimestre de 2015, à la suite des attentats de novembre », précise l’Insee.

Ce sont en particulier les voyageurs « long-courrier » – Chinois, Japonais et autres Américains –, qui manquent à l’appel. Les même qui avaient permis en 2015 à la France, première destination mondiale, de battre un record, en attirant 84,5 millions de visiteurs étrangers.

« On voit très peu de Japonais, surtout depuis janvier. C’est pourtant la clientèle qui fait vivre le Mont à l’année », témoigne un spécialiste du tourisme au Mont-Saint-Michel, dans la Manche. « Au total, la fréquentation est en baisse de 10 % sur les sept premiers mois de l’année. L’abbaye a tiré son épingle du jeu en juillet (– 5,6 %), car c’est un mois où la clientèle des visiteurs individuels domine. Or, ce sont surtout les visites de groupes qui se sont réduites », précise Anne-Flore Marziou, adjointe de l’administrateur pour l’abbaye du Mont-Saint-Michel, gérée par le centre des Monuments historiques.

Sur le mois de juillet, les cent sites du Centre des monuments nationaux ont enregistré une baisse globale de 5 % de leur fréquentation. A noter que si les stars parisiennes font grise mine, le château de Champs-sur-Marne (+ 52 %), en Seine-et-Marne, les remparts d’Aigues-Mortes (+ 30 %), dans le Gard, ou encore les tours de La Rochelle (+ 20 %), autant de lieux éloignés des sentiers battus et donc réputés menacés, ont été plébiscités.

Une perte sèche

En Ile-de-France, la désaffection des Japonais est la plus forte, avec un déficit de touristes nippons de 126 000, au premier semestre 2016, soit 46 % de moins par rapport à la même période de 2015, sur un total de 723 000 étrangers évaporés. Une perte sèche : l’absence de ces visiteurs, plus dépensiers que les Chinois, représente un manque à gagner estimé à 98 millions d’euros pour la région.

Mais les voyageurs lointains n’ont pas été les seuls à se détourner de la capitale. Au premier semestre, 115 000 Italiens ne se sont pas présentés, entraînant un manque à gagner de 105 millions d’euros pour l’Ile-de-France, le plus gros déficit.

Au total, selon le World Travel & Tourism Council, le tourisme devrait quand même améliorer, en 2016, de 1,1 % sa contribution directe au produit intérieur brut de la France, selon une estimation publiée lundi. Mais l’organisation professionnelle internationale tablait précédemment sur une hausse de 2,9 %. Dans le même temps, il voit le tourisme mondial croître de 3,1 % en 2016.