Une étude propose un partenariat « continental » entre l’UE et Londres
Une étude propose un partenariat « continental » entre l’UE et Londres
Par Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)
Le think tank Bruegel s’est penché sur le modèle de partenariat qui pourrait se dessiner entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, après le vote sur le « Brexit ».
Le district financier de Canary Wharf, à Londres. | ODD ANDERSEN / AFP
C’est une des premières études post-référendum britannique à proposer pour l’après « Brexit » une nouvelle « collaboration » entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE) politiquement et économiquement réaliste, pragmatique mais néanmoins ambitieuse, et possiblement applicable à d’autres voisins de l’Union.
Le think tank bruxellois Bruegel, un des plus respectés de la capitale européenne, a dévoilé lundi 29 août son idée d’un « partenariat continental » entre Londres et l’Union destiné à n’affaiblir ni le Royaume-Uni ni le reste des Vingt-Sept, pour les « dix, quinze à vingt prochaines années » ont précisé les économistes Jean Pisani-Ferry, Guntram Wolff et André Sapir, coauteurs de l’étude.
Leur réflexion part du constat que les Britanniques, par leur vote, ont exprimé leur rejet du projet « politique » européen : l’intégration toujours plus poussée et le sacrifice assumé par les Etats d’une partie de leur souveraineté au profit de structures supranationales (la Cour de justice de l’Union européenne, la Commission). Le thème de la migration a aussi été au cœur de la campagne pour le « Leave » : les Britanniques veulent remettre en cause la liberté de circulation des personnes, pourtant une des quatre libertés fondamentales du Marché commun (avec la circulation des biens, des services et des capitaux).
Continuer de proposer un accès au marché
L’idée serait, en tenant compte de ces « contraintes », de continuer à proposer à Londres un accès au marché intérieur et à ses plus de 450 millions de consommateurs, d’autoriser le pays à limiter l’accès des citoyens européens à son territoire (en instituant des quotas annuels, par exemple, d’arrivées d’Européens au Royaume-Uni, et inversement, de Britanniques dans l’Union).
Le pays devrait continuer à verser son écot au budget de l’Union, et à se soumettre à ses règles de fonctionnement (politique de concurrence, normes environnementales, protection des consommateurs, etc.). Mais il aurait voix au chapitre concernant l’élaboration des lois liées au marché unique. Au sein d’une nouvelle structure de gouvernance, un « conseil du partenariat continental », où Londres continuerait d’être tenu au courant des projets de directive et de règlement, elle pourrait les discuter et proposer des amendements. « Mais le dernier mot continuerait de revenir à l’Union » précise M. Pisani-Ferry.
Ce « partenariat » pourrait très bien, selon Bruegel, être étendu à d’autres pays – Ukraine, Turquie –, ce qui aurait aussi pour avantage, estiment les auteurs de l’étude, de négocier de manière plus « honnête » avec Ankara. Il est vrai que le processus d’adhésion du pays à l’Union est depuis ses débuts gangrenés par les non-dits : « Une des raisons pour lesquelles certains pays européens ne voudront jamais que la Turquie rejoigne l’UE, c’est la liberté de circulation et plus généralement la nature politique de l’Union », précisent les économistes de Bruegel.
Modèle suisse ou modèle norvégien ?
A Bruxelles, ces dernières semaines, les spécialistes ont beaucoup glosé sur les modèles norvégien ou suisse de coopération avec l’UE, se posant la question de savoir lesquels seraient les plus adaptés au cas britannique. La Norvège est membre de l’espace économique européen, elle peut accéder au marché unique, mais doit respecter pleinement la liberté de circulation des personnes et appliquer sans discuter les législations de l’Union. La Suisse dispose de davantage de latitude concernant sa réglementation, mais fait aussi partie de l’espace sans passeport Schengen.
Le sort que Bruegel propose de réserver à Londres serait à l’évidence plus avantageux. La raison ? Dans un monde de plus en plus volatil, ni le Royaume-Uni ni l’Union à vingt-sept n’ont intérêt à un divorce qui les affaiblisse s’ils veulent continuer à siéger à la table des grandes puissances. Les autres Européens n’ont aucun intérêt à faire « payer » son vote au Royaume-Uni, soulignent les économistes du think tank.
La mise en œuvre de cette nouvelle relation aboutirait à la création de deux « cercles », une Union toujours plus intégrée, avec moins de membres peut-être, certains pouvant avoir la tentation d’embrasser eux aussi le modèle du « partenariat continental ». Mais ce serait le moyen, peut-être, de « recentrer » l’Europe, en réalisant cette vieille idée du « noyau dur » des pays les plus convaincus qu’il faut continuer d’avancer dans l’intégration et le partage de souveraineté.
Les idées de Bruegel sont séduisantes, mais il y a un « hic » : les dirigeants européens et britanniques sont-ils prêts à s’engager dans une négociation dépassionnée, avec une vision à aussi long terme de leur intérêt commun ? Il est permis d’en douter. Premier test grandeur nature lors du sommet de Bratislava sur l’avenir de l’Europe, à Vingt-Sept (sans Londres), le 16 septembre.