Aylan Kurdi avait été retrouvé le 2 septembre 2015 sur une plage turque au large de Bordum. Une photographie qui avait ému l’opinion publique sur la situation dramatique des migrants. | NILUFER DEMIR / AFP

Le 2 septembre 2015, l’Europe prenait conscience de la gravité de la crise migratoire qu’elle traversait à la suite de la publication dans la presse internationale de la photographie du corps sans vie d’Aylan Kurdi. Ce petit Syrien de 3 ans, dont le corps, charrié par la mer, a été retrouvé sur une plage turque au large de Bordum est mort noyé alors qu’il fuyait avec ses parents son pays en guerre à bord d’une embarcation de fortune.

Ce drame migratoire particulièrement médiatisé a poussé les pays de l’Union européenne (UE) à prendre un certain nombre de décisions sur l’accueil des réfugiés tout au long de l’année.

  • L’Allemagne ouvre ses portes aux réfugiés

Face à des flux migratoires jamais vu depuis la seconde guerre mondiale, Berlin décide, dans la semaine suivant la mort d’Aylan Kurdi, d’assouplir ses règles d’accueil pour les ressortissants syriens, renonçant à les renvoyer vers leur point d’entrée en Europe.

Pour le seul week-end du 5 et 6 septembre, l’Allemagne voit arriver plus de 20 000 migrants. Dans une décision sans précédent, l’Autriche avait accepté la veille, en concertation avec Berlin, de faciliter l’accueil et le transit vers l’Allemagne de milliers de migrants coincés en Hongrie, qui avait vu affluer en août près de 50 000 personnes.

Au total, l’Allemagne a accueilli 1,1 million de demandeurs d’asile en 2015.

En France, plusieurs élus français réagissent publiquement dès le lendemain de la publication de la photo, affichant un engagement plus marqué que les semaines précédentes. Des maires se disent prêts à accueillir des réfugiés et des demandeurs d’asile. Le week-end suivant, plusieurs dizaines de milliers de personnes se rassemblent dans plusieurs villes de l’Hexagone en solidarité avec les migrants.

  • La Commission européenne impose des quotas de répartition des réfugiés

Après s’être longtemps opposé à l’instauration de quotas de réfugiés à se répartir entre les Etats de l’Union européenne – un procédé soutenu par la chancelière allemande Angela Merkel –, le gouvernement français accepte finalement, face à l’urgence de la situation, la proposition de la Commission européenne. Le 7 septembre 2015, François Hollande confirme que la France accueillera 24 000 nouveaux réfugiés sur deux ans, conformément au plan de répartition élaboré par la Commission européenne.

  • Mais les pays européens restent divisés

L’Europe reste cependant divisée sur la réponse à donner à la crise migratoire. En tête de ligne de l’opposition à la règle des quotas, la Hongrie et la Slovaquie ont décidé d’attaquer devant la justice européenne ce mécanisme, obligatoire pour tous depuis son adoption par la majorité des Etats membres.

En juillet 2016, le premier ministre hongrois, Viktor Orban, a annoncé la tenue d’un référendum le 2 octobre sur le plan européen de répartition des réfugiés dans les pays membres de l’Union européenne. Les Hongrois seront appelés à répondre à la question suivante : « Voulez-vous que l’Union européenne décrète une relocalisation obligatoire de citoyens non hongrois en Hongrie sans l’approbation du Parlement hongrois ? »

Budapest estime que ces quotas obligatoires de répartition des migrants, adoptés en septembre dernier par les Vingt-huit, violent sa souveraineté.

  • Les contrôles aux frontières sont remis en place

Le 13 septembre 2015, face à un flux de migrants trop important, l’Allemagne se voit débordée et prend la décision de rétablir provisoirement les contrôles à la frontière. Un geste fort dans l’espace Schengen où la libre circulation à l’intérieur des frontières des vingt-six pays est un des piliers du projet européen.

Berlin est cependant dans son droit puisque l’accord prévoit que des contrôles peuvent être réintroduits à condition qu’ils soient temporaires, pendant une durée variant de dix jours à deux ans, dans des cas de figure exceptionnels.

La décision de Berlin fait des émules, surtout dans les pays de l’Est qui rejetaient l’idée allemande de quotas de répartition des réfugiés. L’Autriche, la République tchèque et la Slovaquie, pays de transit, rétablissent les contrôles frontaliers, alors que la Hongrie et la Slovénie, principaux pays d’entrée dans la zone Schengen, décident d’ériger des clôtures de barbelés.

En Hongrie, Viktor Orban met en place une nouvelle législation permettant un déploiement de l’armée à la frontière et rendant l’immigration illégale passible de peines de prison ferme.

  • L’Union européenne s’accorde avec la Turquie pour renvoyer les réfugiés

Le 18 mars, l’UE et la Turquie parviennent à conclure un accord controversé. A compter du dimanche 20 mars, toutes les personnes arrivées illégalement en Grèce par la Turquie y sont renvoyées, y compris les demandeurs d’asile. Pour chaque Syrien réadmis, l’Europe s’engage en échange à en réinstaller un autre, du sol turc sur son territoire. Le mécanisme est censé décourager les passages illégaux en direction de la Grèce.

En contrepartie Bruxelles accorde une aide financière et des facilités à Ankara et s’engage à accélérer le calendrier des négociations en vue de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne.

Cet accord a permis de réduire très fortement les arrivées de réfugiés et de migrants en Europe – notamment par les Balkans et l’Europe centrale –, après le pic de 2015 qui avait vu plus d’un million d’entre eux débarquer dans les îles grecques.

Mais cet accord est aujourd’hui compromis, la Turquie menaçant de revenir dessus si elle n’obtient pas de Bruxelles l’exemption de visas pour ses citoyens dans l’espace Schengen.

  • Et aujourd’hui ?

La majeure partie du flux passe désormais par l’Italie, en plus de la Grèce. Sur les 272 000 migrants et réfugiés ayant traversé la Méditerranée depuis janvier, plus de 112 000 ont rejoint la péninsule italienne et 106 461 la Grèce, tandis que 3 165 ont péri en mer, selon un bilan de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) publié fin août.

Sur la même période, en 2015, 354 618 migrants avaient traversé la Méditerranée, dont 234 357 avaient rejoint la Grèce et 116 147 l’Italie, 2 754 personnes avaient trouvé la mort.

Par ailleurs, le plan temporaire de « relocalisation » de réfugiés depuis la Grèce et l’Italie vers d’autres pays de l’UE, censé incarner la solidarité européenne, s’est embourbé. Selon la Commission européenne, en un an, il a concerné moins de 4 500 personnes, sur 160 000 prévues d’ici septembre 2017.