• Steve Reich
    WTC 9/11. Different Trains
    Quatuor Tana

Pochette de l’album « WTC 9/11. Different Trains », compositions de Steve Reich par le quatuor Tana. | MEGADISC CLASSICS

Paru à l’occasion du quinzième anniversaire des attentats du 11 septembre, auxquels il se réfère par la première œuvre du programme, WTC 9/11, ce disque peaufiné dans les moindres détails permet aussi de célébrer le quatre-vingtième anniversaire de Steve Reich par un raccourci saisissant sur la « dernière manière » du compositeur. Inaugurée par Different Trains (1988), pour quatuor à cordes et bande préenregistrée, celle-ci sélectionne quelques propos de personnes interviewées pour en tirer la matière première de la musique. Les instruments y trouvent l’essence mélodique et rythmique de leur partition tout en aiguillages hypnotiques. D’autres opus ont suivi selon le même principe. Entre autres City life (1995) qui, dans son final, évoque le premier attentat perpétré au World Trade Center en 1993. Steve Reich utilise alors des mots-clés, tel « heavy smoke » (« fumée épaisse »), retrouvés sur les enregistrements des pompiers. Il va plus loin dans WTC 9/11 (2010), tant sur le plan technique que d’un point de vue spirituel. Irrésistible dans l’interprétation très stylisée du quatuor Tana, cet émouvant triptyque quitte progressivement le champ de l’Histoire pour s’inscrire dans celui de l’art. Lyrique et sacré. Pierre Gervasoni

1 CD Megadisc Classics.

  • Anna Netrebko
    Verismo
    Airs d’opéras de Cilea, Giordano, Puccini, Leoncavallo, Catalani, Boito, Ponchielli. Anna Netrebko (soprano), Yusif Eyvazov (ténor), chœur et orchestre de l’Académie nationale de Sainte-Cécile, Antonio Pappano (direction)

Pochette de l’album « Verismo », d’Anna Netrebko. | DEUTSCHE GRAMMOPHON

Anna Netrebko est depuis dix ans la diva qui fait courir la planète lyrique et remplit les plus grandes salles sur son seul nom. A 45 ans, la soprano russe (naturalisée autrichienne) possède une voix de miel et de bronze, des graves dont l’assise s’est élargie sans pour autant mettre en péril des aigus restés puissants et clairs. Son vibrato serré, son sens de la couleur, sa maîtrise technique acquise à la dure école du Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg, sans oublier une prudence féline dans le choix du répertoire – de Mozart au bel canto romantique – lui ont valu tous les suffrages. Ce disque, qui bénéficie d’une vaste campagne médiatique et d’un visuel kitchissime assumé par la chanteuse, est une plongée dans l’Italie post-verdienne, une époque appelée vérisme par commodité. Des héroïnes de chair et de sang que la belle aux origines gipsys, qui de ces œuvres n’interprète sur scène que le rôle de Manon Lescaut de Puccini (une révélation), sert avec une rare intelligence musicale. Bien sûr, çà et là quelques réserves surgissent, comme ces airs de Liù (Turandot) qui ne vont plus à sa voix capiteuse. Mais c’est très peu. Ce d’autant que la Netrebko bénéficie ici du magnifique orchestre de la Santa Cecilia de Rome sous la direction complice d’Antonio Pappano, le chef que tous les chanteurs s’arrachent. Marie-Aude Roux

1 CD et 1 DVD Deutsche Grammophon.

  • St. Paul and The Broken Bones
    Sea of Noise

Pochette de l’album « Sea of Noise », de St. Paul and The Broken Bones. | RECORDS LABEL-COLUMBIA/SONY MUSIC

Formé en 2012 par le chanteur Paul Janeway et le bassiste Jesse Phillips, le groupe St. Paul and The Broken Bones est devenu, en peu de temps et une poignée d’enregistrements, dont un premier album Half The City (Single Lock Records, février 2014), une référence de la scène soul classique. Si la présence vocale et scénique du chanteur y est probablement pour beaucoup, l’allant musicien du groupe n’est pas à minorer – sa venue au Festival Rock en Seine, en 2014, est encore dans bien des mémoires. Janeway a en lui l’expressivité habitée des grandes voix afro-américaines, celles de Sam Cooke (1931-1964), Otis Redding (1941-1967) et Wilson Pickett (1941-2006), marquées par l’imprégnation du gospel. Tout en conservant ses racines rétro-soul, plutôt présentes vers la fin du disque, le deuxième album du groupe, Sea of Noise, est nettement plus travaillé sur le plan des arrangements et des compositions (Midnight On The Earth, I’ll Be Your Woman avec des cordes, Brain Matter flirtant avec la pop…). Une avancée vers un univers plus méditatif, une sensation d’espace musical, qui constitue une indéniable montée en gamme. Sylvain Siclier

1 CD Records Label-Columbia/Sony Music.

  • Céline Dion
    Encore un soir

Pochette de l’album « Encore un soir », de Céline Dion. | COLUMBIA/SONY MUSIC

Ceux qui sont allergiques au mélange eau de rose-sirop d’érable passeront leur chemin, les autres ont déjà réservé un triomphe au nouvel album de Céline Dion, le premier dans la langue de Luc Plamondon depuis Sans attendre (2012), et déjà numéro 1 des ventes. Le premier surtout depuis la mort, en janvier, de son mari et imprésario René Angélil, dont le souvenir est omniprésent jusqu’à l’adieu d’A la plus haute branche (« Il y aura bien sûr un malaise/ Comme une brève hésitation/ Au moment de placer les chaises/ Pour le repas du réveillon »), la berceuse au piano qui clôt ce recueil préférant la sérénité au pathos. Tube sur mesure, la chanson-titre signée Jean-Jacques Goldman (maître d’œuvre de ses deux blockbusters francophones dans les années 1990) éclipse les onze autres, avec mention toutefois à Plus qu’ailleurs, cosigné par Serge Lama et Francis Cabrel – qui joue de la guitare sèche –, Si c’était à refaire, ou la version féminine d’Ordinaire, emprunté au compatriote Robert Charlebois. Les ballades sentimentales siéent mieux à la diva québécoise que ses tentatives R’n’B (avec la contribution de Zaho), ses inflexions artificielles rappelant alors les tics d’Ophélie Winter. Invariablement lisse, la réalisation fera toujours regretter qu’avec de telles facultés vocales, Céline Dion se soit engouffrée dans une limousine tout confort en route pour Las Vegas. Et que la collaboration tentée en 1995 avec le producteur fêlé Phil Spector – actuellement en prison pour meurtre – n’ait pu aboutir. Cela aurait pu changer le cours de la carrière de celle qui a repris lors de sa dernière tournée l’extatique River Deep Mountain High. Bruno Lesprit

1 CD Columbia/Sony Music.