Laurent Vimont : « Le savoir a changé de camp »
Laurent Vimont : « Le savoir a changé de camp »
Propos recueillis par Cécile Prudhomme
Chaque semaine, une personnalité répond à un questionnaire de Proust revisité par « L’Epoque ». Le président de Century 21, au parcours très atypique, s’est prêté à l’exercice.
Le modèle de Laurent Vimont ? Winston Churchill. | Vincent Isore / IP3 PRESS/MAXPPP
Ce militant de l’immobilier, à la tête d’un réseau de près de 850 agences, a un parcours atypique : il a arrêté l’école deux ans avant le bac, exercé le métier de maître nageur-sauveteur et travaillé avec l’entraîneur Philippe Lucas. Son éclectisme, il le pratique sur les réseaux sociaux, réagissant aussi promptement aux décisions politiques sur le logement qu’au conseil de « Koh Lanta ». Classé parmi les 30 patrons les plus influents sur Twitter en 2015, selon le baromètre Digital Bosses, Laurent Vimont a signé, cette année, un accord avec Facebook pour que Century 21 devienne la première société en France à installer le réseau social d’entreprise Facebook at Work.
Quelle époque auriez-vous aimé connaître ?
Sans doute le XIXe siècle, une époque où les carcans des institutions se desserrent, donnant aux individus un espace de liberté pour penser, inventer leur destin, créer. Ce siècle est celui de la révolution industrielle, porteuse d’une incroyable dynamique, d’une euphorie intellectuelle. Je regrette que l’Etat, depuis, pour assurer la sécurité, ait progressivement rogné nos libertés individuelles.
Une image de notre époque ?
L’aéronaute Bertrand Piccard et son avion solaire, Solar Impulse. Cela représente le début d’une nouvelle ère.
Un son ?
Celui d’un moteur V8, dont les vibrations parcourent l’échine de mon dos. Un rêve de gosse… J’ai eu la chance de le réaliser récemment en conduisant une formule 1 !
Une expression agaçante ?
« Au jour d’aujourd’hui » : insupportable. Ceux qui l’utilisent ont-ils conscience que de toute façon « au jour d’hier » ne veut rien dire ?
Un personnage ?
Winston Churchill, pour son courage, sa pugnacité mais aussi son humour. Son parcours me laisse songeur : malgré ses faits d’armes exceptionnels, le peuple ne l’a jamais entendu en période de paix. « Nul n’est prophète en son pays », dit-on…
Un bienfait de notre époque ?
Le savoir a changé de camp. Il n’est plus détenu par quelques « sachants » mais, grâce à Internet, il est accessible par tous, tout le temps. Des jeunes qui intègrent une entreprise en savent souvent plus sur l’usage des nouvelles technologies que leur directeur. Cela génère de nouveaux schémas. Un nouveau dialogue est possible, fait de plus d’écoute, d’échanges, de partage. Pour reprendre maladroitement les propos du philosophe Michel Serres, l’autorité du dirigeant désormais se fonde sur la compétence et non la connaissance, et toute posture « con/descendante » est définitivement d’un autre âge.
Le mal de l’époque ?
La dictature de l’immédiateté, d’une information chaude qui en chasse une autre, jetée en pâture à des esprits noyés sous le flot des « news », des données sans contexte, sans recul, sans qu’il soit possible de susciter le moindre débat sur le fond. Si nous voulons des citoyens réfléchis, il nous faut des informations abouties.
C’était mieux avant, quand…
Voilà typiquement une phrase de vieux cons utilisée pour parler d’une période qu’ils n’ont généralement pas connue. Avant, c’était différent, pas mieux. Plutôt que d’« invoquer » le passé, autant mobiliser son énergie à construire un futur immédiat qui nous enchante.
Ce sera mieux demain, quand…
Je ne suis pas pressé de le voir. Je viens de le dire : je suis ancré dans le présent. Ou dans le futur immédiat. Dans tous les cas, les vieux cons continueront à dire que c’était mieux avant, non ?