Fermeture des berges : une « évaporation » du trafic automatique
Fermeture des berges : une « évaporation » du trafic automatique
Par Laetitia Van Eeckhout
A Paris, depuis 2001, le trafic automobile a déjà baissé de 28 %, avec, à la clé, un impact significatif sur la qualité de l’air
Une vue de la voie Georges-Pompidou, le 27 septembre 2015. | PATRICK KOVARIK / AFP
Quels impacts environnementaux peut-on attendre de la piétonnisation des berges de la Seine ? La maire de Paris, Anne Hidalgo, n’a de cesse de rappeler sa volonté de faire de la capitale une ville apaisée, sécurisée, respirable, et de mettre en avant l’enjeu de santé publique. Les opposants au projet dénoncent de leur côté une forte détérioration de la circulation dans le secteur et assurent que la qualité de l’air ne peut que se dégrader dans un tel contexte.
La fermeture de la rive gauche des berges de Seine, en 2013, a livré quelques enseignements : les hypothèses de hausse du trafic ont été démenties par les faits. Evalué par les études à sept minutes, l’allongement du temps de parcours entre la gare d’Austerlitz et le pont Bir-Hakeim n’excède pas, dans la réalité, deux à trois minutes.
L’expérience montre que les perturbations liées à la fermeture d’un axe routier n’ont qu’un temps et « sont loin d’être aussi alarmantes que les prédictions », observe Phil Goodwin, professeur honoraire en politique des transports de l’University College de Londres, qui a étudié le cas de quelque 70 villes, dans 11 pays, ayant restreint ou supprimé des voies de circulation.
Les comportements évoluent
Passé les ajustements de départ, la circulation s’ordonne d’elle-même. Et tend même à diminuer. De 11 % en moyenne, selon Phil Goodwin, cette baisse du trafic peut être plus ou moins forte selon les possibilités de report et s’explique par des changements de comportements. Si certains automobilistes changent d’itinéraire, d’autres optent pour un autre mode de déplacement (vélo, bus, métro, marche…), diminuent le nombre et la longueur de leurs trajets, s’essaient au télétravail certains jours, ou au covoiturage… A plus long terme, cela peut même porter des personnes à déménager pour se rapprocher de leur lieu professionnel, voire à changer de travail.
« Le degré et la vitesse d’adaptation dépendent de l’importance de la contrainte et des possibilités de report de circulation et de reports modaux », souligne Frédéric Héran, chercheur en économie des transports au Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé) de l’université de Lille-I.
Plusieurs mesures déjà prises
« Cette évaporation du trafic n’est pas une théorie, c’est un constat, insiste-t-il, tout en rappelant que le trafic automobile à Paris a déjà diminué de 28 % depuis 2001. « Les mesures de restriction de la voiture ont même commencé sous [Jean] Tiberi : les plots anti-stationnement constituaient une première gêne à la circulation, restreignant les places de parking. » Limitation des places de stationnement, création de couloirs de bus, de voies de tram, de pistes cyclables, de voies à sens unique : autant de mesures prises depuis, visant à réduire la place de la voiture dans Paris.
Une étude d’Airparif de juillet 2013 confirme cette diminution du trafic dans la capitale et montre que le recul de la voiture a eu un impact significatif sur la qualité de l’air entre 2002 et 2012, du fait de la réduction des émissions de polluants émis dans l’atmosphère. Sur ces dix ans, la baisse des émissions d’oxydes d’azote (NOx) et celle des émissions de particules fines atteignent respectivement 30 % et 35 %, dont un tiers du fait des aménagements de voirie.
« L’impact sur la qualité de l’air aurait pu être plus conséquent si la diésélisation avait été moindre et si les mesures prises s’étaient étendues à l’ensemble de l’agglomération parisienne, relève Karine Léger, d’Airparif. Ce qui montre la nécessité d’agir à cette échelle, et de jouer à la fois sur le volume du trafic et sur le parc roulant. »