Un candidat à l’Académie Fratellini, auditionné par Antoine Hélou, professeur de mât chinois. | JULIE CARRETIER-COHEN

Au sol d’un gymnase au plafond très haut, des candidats font le grand écart, s’élèvent en équilibre sur deux mains ou s’étirent. Des séances de massage s’organisent entre eux. Dans les airs, un postulant est accroché à un long mât chinois avec une apparente aisance, des trapézistes se balancent, une fille virevolte dans un cerceau.

Une cinquantaine de jeunes gens sont venus de France, d’Italie, du Portugal ou d’Amérique latine pour tenter leur chance à l’Académie Fratellini de Saint-Denis, l’une des deux seules écoles de cirque françaises habilitées à délivrer un diplôme d’Etat. Organisée en avril, la sélection se déroule sur six jours, du lundi au samedi. Seuls neuf des aspirants seront admis en première ­année, et six en classe préparatoire.

« Le sport sans la compétition »

Sur fond de musique forte, les épreuves du gymnase s’apparentent à un télé-crochet, mais sans larmes, ni crises, ni haines. Les concurrents s’entraident et se conseillent. « Le cirque, c’est le sport sans la compétition », observe Lorette Sauvet, ­menue trapéziste genevoise qui a gardé son sourire jusque dans les ­efforts les plus intenses.

Le jury cherche à faire la différence « entre gymnastes et artistes ». Deux fois dans la semaine, pendant 45 minutes, les candidats présentent devant un professeur ce qu’ils savent faire dans leur discipline de prédilection. La semaine, pensée comme un stage, se clôture sous un immense chapiteau où tous les candidats présentent un numéro préparé avant les sélections. Tous, sauf une : au deuxième jour, Cannelle Maire a annoncé qu’elle ne voulait plus être acrobate mais clown. « Quand je veux tomber, je me rattrape comme une acrobate », explique-t-elle. Magnanime, le jury lui propose de présenter un numéro de clown quatre jours plus tard. A 18 ans, cette rouquine au sourire et aux épaules larges a pratiqué la gymnastique de 2 à 14 ans et découvert le cirque par hasard, en stage de 3e dans une salle de spectacle. Elle a été admise dans la formation « arts du cirque » au lycée Marcelin-Berthelot de Châtellerault (Vienne), ­option acrobate, ce qui lui a aussi permis de faire un stage de clown.

Trois années en alternance

Il n’y a pas de « profil type » pour entrer à l’Académie. Chez les acrobates, l’un a commencé par la capoeira avant d’entrer dans une école de cirque amateur. Deux autres se sont formés sur YouTube, en transformant des obstacles de la rue en tremplins. La candidature de Cannelle Maire ne sera finalement pas retenue cette année, le jury estimant que sa spécialité n’était pas ­assez claire. Elle sera cependant ­admise en classe préparatoire au Centre national des arts du cirque (CNAC) de Châlons-en-Champagne, l’autre école habilitée.

Les candidats admis à l’Académie Fratellini y passent trois années en alternance, avec un contrat d’apprentissage. Ils consacrent quarante pour cent de leur temps à des projets professionnels : création de numéros, remplacements dans des cirques ou des compagnies, spectacles pour des comités d’entreprise. Les cours se répartissent entre l’université Paris-VIII, qui délivre aux apprentis circassiens une ­licence en arts du spectacle, et l’Académie, en séances individuelles avec un professeur.

« Quand on dit qu’on étudie le cirque, les gens n’imaginent pas qu’on suit une vraie formation, ils nous imaginent dans un cirque, en train de nourrir les animaux en collants à paillettes », ironise un apprenti. L’Académie Fratellini tente, elle, de renouveler la discipline.

Se former

En France, deux écoles délivrent un diplôme national supérieur professionnel d’artiste de cirque (DNSP), équivalent à une licence : l’Académie Fratellini de Saint-Denis, et le Centre national des arts du cirque (CNAC) de Châlons-en-Champagne. Ce centre est associé à l’Enacr (Ecole nationale des arts du cirque) de Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), qui assure la première partie de la formation. Les frais de scolarité s’élèvent à 150 euros par an.

La Fédération française des écoles de cirque reconnaît six centres de formation professionnelle préparant au métier d’artiste de cirque. Le cursus dure deux à trois ans. Arc en cirque, à Chambéry (formation gratuite), Balthazar, à Montpellier (3 000 euros par an pour une mise à niveau de deux ans), et l’association Piste d’Azur, à Roquette-sur-Siagne (gratuite), dans les Alpes-Maritimes, délivrent des diplômes de niveau bac + 2. De nombreux étudiants tentent leur chance au Lido, à Toulouse (formation gratuite pendant deux ou trois ans) ou au centre régional des arts du cirque de Lomme (Nord), dont les frais de scolarité sont de 3 800 euros au minimum. Pour les apprentis clowns, Le Samovar, à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), propose une formation à partir de 4 300 euros.