Le maire de Saint-Denis, Didier Paillard, en 2013. | THOMAS OLIVA / AFP

Qui pour succéder à Didier Paillard ? Le maire PCF de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), qui dirige la ville depuis 2004, a annoncé, mardi 27 septembre, qu’il souhaitait tourner la page. « Après une quarantaine d’années en responsabilité, dont douze en tant que maire, il me semble nécessaire que de nouvelles énergies, bien en phase avec l’évolution de la société, puissent s’exprimer, écrit le maire sur Facebook. C’est ainsi que j’ai pris la décision de remettre mon mandat de maire de Saint-Denis. » Il précise que sa décision prendra effet en décembre, « afin de laisser au travail collectif le temps nécessaire » et qu’il restera conseiller municipal.

Cette déclaration a pris tout le monde de court. D’autant que l’ancien ouvrier chimiste de 61 ans, réélu de justesse en 2014 face au PS, avait promis d’aller au bout de son mandat. Un engagement réitéré l’année suivante dans une interview au Journal de Saint-Denis : « J’animerai l’équipe municipale jusqu’au terme de mon mandat en 2020 », indiquait-il. Stéphane Peu, adjoint PCF au maire, chargé de l’urbanisme, assure que M. Paillard ne démissionne pas pour des raisons de santé, mais pour « des raisons classiques : une question d’âge et d’ancienneté dans le mandat ».

« Tradition d’inspiration brejnévienne »

Dans son texte, le maire se garde bien de nommer la personne qui occupera son fauteuil en décembre. Philippe Caro, conseiller municipal PCF de la ville, a son idée. Mardi, dans un post de blog intitulé « pourquoi je ne suis pas favorable au remplacement du maire par Laurent Russier », l’ex-adjoint au logement, qui s’est vu retirer sa délégation pour avoir refusé en mars de voter une hausse des impôts locaux, tire à boulet rouge sur la démarche du maire de Saint-Denis. C’est même la publication de son texte qui a accéléré l’annonce de Didier Paillard.

Il est pourtant assez courant que les maires communistes passent la main en cours de mandat pour mieux préparer leur succession. Didier Paillard en sait quelque chose : c’est ainsi qu’il a remplacé Patrick Braouezec en 2004. Mais pour Philippe Caro, ces méthodes devraient appartenir au passé : il s’agit selon lui d’une « tradition d’inspiration brejnévienne ». Il demande plus de transparence et dénonce « des petits arrangements entre amis » et « un entre-soi en cercle fermé avec les mêmes depuis dix, vingt ou trente ans ».

Le départ de Didier Paillard n’entraînera pas de nouvelles élections. Son successeur sera désigné au sein de la majorité par le conseil municipal. Comme l’indique le titre de son post de blog, M. Caro ne voit pas Laurent Russier, adjoint PCF au maire, chargé de la démocratie locale, vice-président de Plaine commune habitat et président du groupe Front de gauche au conseil municipal, s’installer aux manettes de Saint-Denis. M. Caro juge que depuis le début du mandat, ce dernier « s’est révélé incapable d’imprimer un travail collectif à notre groupe (…) et de maintenir son unité » - cinq élus d’Ensemble, troisième force du Front de gauche, ayant récemment claqué la porte. L’ex-adjoint, qui fait toujours partie de la majorité, menace de se présenter au poste de maire mais aussi aux législatives « si la sagesse ne l’emportait pas ».

« Majorité balkanisée »

Depuis juillet, le maire mène des entretiens avec les élus de sa majorité pour leur annoncer la nouvelle et leur soumettre le nom de celui qu’il verrait bien lui succéder. L’un d’eux confirme au Monde qu’il s’agit bien de Laurent Russier, 43 ans. « Son nom fait consensus, assure-t-il. Il incarne une rupture générationnelle et c’est le seul à avoir les épaules et l’expérience. » L’enjeu est grand : en 2014, les communistes n’avaient sauvé ce bastion historique du PCF qu’avec 180 voix d’avance. Face à lui, Didier Paillard avait trouvé le socialiste Mathieu Hanotin, qui avait alors 35 ans, et qui, deux ans plus tôt, s’était imposé aux législatives face à Patrick Braouezec, également député sortant.

Le PS s’est empressé de pointer dans un communiqué que « l’émergence d’un successeur faisant l’unanimité dans cette majorité balkanisée sera loin d’être aisée ». Adrien Delacroix, chef de file de l’opposition socialiste, indique ainsi avoir entendu plusieurs autres noms d’élus circuler. « Florence Haye, Stéphane Peu, David Proult ou encore Bally Bagayoko, égraine-t-il. Il risque d’y avoir de petites difficultés, d’autant que je ne sais pas comment ça va se passer jusqu’en décembre avec un maire qui est encore là, mais qui est démissionnaire. » Les socialistes doivent être reçus, jeudi, par Didier Paillard avant le conseil municipal qui doit se tenir dans la soirée. Ils espèrent bien ressortir de ce rendez-vous avec le nom de leur futur maire.