Au siège du FMI à Washington, le 30 septembre. | ZACH GIBSON / AFP

Une croissance forte, durable, équilibrée… Ce retour à meilleure fortune que les dirigeants de la planète ne cessent d’appeler de leurs vœux « nous échappe toujours ». Présenté mardi 4 octobre, le dernier cru des Perspectives économiques mondiales du Fonds monétaire international (FMI) esquisse une reprise en dents de scie sur laquelle pèsent des risques toujours prononcés. « La croissance est trop faible depuis trop longtemps, et dans de nombreux pays, ses bénéfices touchent trop peu de monde », a résumé le chef économiste de l’institution, Maurice Obstfeld, devant la fine fleur de la finance mondiale réunie cette semaine à Washington pour les assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale.

  • Une activité languissante et une reprise progressive

Le FMI table sur une croissance du produit intérieur brut (PIB) mondial de 3,1 % en 2016 et 3,4 % en 2017. Ces prévisions sont en ligne avec la réévaluation effectuée à l’été après le référendum sur le Brexit (la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne). Néanmoins depuis janvier, elles ont été ramenées à la baisse de 0,3 point de pourcentage pour cette année et de 0,2 point pour 2017. Un exercice de révision devenu coutumier depuis la crise financière.

Le Fonds se préoccupe particulièrement du sort des économies avancées. Chez elles, « les cicatrices de la crise sont encore assez visibles », souligne le rapport. La demande intérieure et l’investissement y restent insuffisants, des facteurs auxquels s’ajoutent le vieillissement démographique et l’affaiblissement de la croissance de la productivité.

Les dernières prévisions de croissance du FMI
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Source : FMI

Ses projections pour les Etats-Unis sont plus mauvaises que prévu, avec une croissance attendue à 1,6 % en 2016 et 2,2 % l’an prochain (-0,6 et -0,3 point par rapport aux prévisions de juillet). La zone euro devrait elle aussi connaître un fléchissement (+1,7 % en 2016 et +1,5 % en 2017) avec une France en dessous de la moyenne (+1,3 % les deux années).

Le Fonds reste aussi prudent lorsqu’il prédit un léger mieux aux pays émergents et en développement. Oui, le Brésil et la Russie se rapprochent d’une sortie de la récession. Oui, les prix des produits de base semblent amorcer une remontée modeste. Oui, enfin, les inquiétudes à court terme sur la croissance chinoise se sont dissipées (celle-ci devrait s’établir à +6,6 % en 2016 et 6,2 % en 2017). Après cinq années consécutives de ralentissement, ce groupe de pays devrait enfin voir sa croissance s’accélérer (+4,2 % en 2016), représentant les trois-quart de la croissance mondiale. Pourtant, souligne le rapport « les perspectives de ces pays sont inégales et généralement plus maussades que par le passé ». Plusieurs facteurs créent de l’incertitude, à commencer par le rééquilibrage de l’économie chinoise (de l’exportation et l’investissement vers la consommation et les services).

  • Incertitudes en pagaille et risques « baissiers »

Parfois raillé pour sa tendance à revoir à la baisse ses prévisions – ce fut systématiquement le cas ces huit dernières années –, le FMI prend les devants. A mesure que l’on s’éloigne de la crise financière, « les facteurs qui influent sur les résultats économiques à l’échelle mondiale deviennent plus complexes », écrivent ses économistes. Autrement dit, bien malin qui pourra prévoir avec certitude l’impact de tel ou tel mouvement en cours sur le scénario de croissance à moyen terme. En la matière, « les risques de dégradation continuent de l’emporter sur les chances d’amélioration », précisent-ils.

Les conséquences du Brexit figurent en bonne place dans ce tableau des incertitudes. Les retombées de l’événement sont difficiles à mesurer tant que planent les doutes sur le futur statut du pays. Plus généralement, le référendum est un « symptôme du consensus chancelant en ce qui concerne les avantages d’une intégration économique internationale », note le rapport. Ces craintes qui s’expriment face à la mondialisation se traduisent en politiques de repli, au risque de porter un coup supplémentaire à un commerce mondial déjà en très petite forme.

La Chine est un autre point d’interrogation. Le repositionnement de son modèle est salué par le FMI mais cette transition n’est pas sans effet sur le volume des échanges mondiaux. En sus, l’empire du Milieu est confronté à des défis porteurs de risques considérables. Au premier plan : l’augmentation effrénée de la dette des entreprises, avec dans le rôle de l’intermédiaire un système financier complexe et opaque.

Ces grandes tendances ne sont pas les seules à peser sur les perspectives de croissance. Le FMI se livre à un inventaire effrayant des risques existants. Pêle-mêle, il cite les sécheresses en Afrique, la multiplication des actes terroristes, les conflits au Proche-Orient ou la propagation du virus Zika…

  • Relance budgétaire, réformes structurelles et action multilatérale

Une fois encore, l’institution appelle les Etats à réagir pour relancer l’activité, et à ne pas se reposer sur la seule action des banques centrales. Longtemps apôtre de l’austérité, le FMI juge désormais que « le soutien de l’activité par la voie budgétaire » est indispensable quand les marges de manœuvre existent. Réforme des politiques de l’emploi, mise en place d’incitations fiscales en faveur de l’investissement dans la recherche et développement, investissements dans les infrastructures sont quelques-unes des pistes évoquées.

Le FMI exhorte aussi les gouvernements à s’attaquer à la réparation des bilans des banques et aux réformes structurelles trop longtemps différées. Un effort qui, pour être plus efficace, doit être coordonné entre les grands pays.

Si les états agissent trop peu et trop tard, le danger est celui d’un enlisement dans une « stagnation séculaire ». « Cette perspective devient de plus en plus tangible, en particulier dans certains pays avancés », met en garde le FMI.