La gestion de l’AP-HP sévèrement critiquée par la chambre régionale des comptes
La gestion de l’AP-HP sévèrement critiquée par la chambre régionale des comptes
Par François Béguin
Le groupe hospitalier, qui a perdu 80 millions d’euros de créances en raison d’un bug, se démarque aujourd’hui de la gestion de la directrice précédente, partie en 2013.
Les conclusions du rapport de la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France dévoilées mercredi 5 octobre par Le Canard Enchaîné seront sans doute accueillies avec une certaine amertume par les 75 000 salariés administratifs et paramédicaux de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) qui viennent de renoncer à plusieurs jours de RTT dans le cadre d’un plan d’économie de 20 à 25 millions d’euros par an.
Dans son rapport, adopté le 17 mai, la chambre régionale des comptes révèle en effet qu’un bug informatique lors du changement du logiciel de gestion financière en 2011 a empêché l’AP-HP de récupérer 80 millions d’euros de factures non acquittées, les informations nécessaires pour facturer et relancer les patients ayant été perdues. Sur un montant total de 138,5 millions d’euros, une partie était « juridiquement éteinte ». Le reste, soit 80 millions d’euros, « peut être considéré comme une perte réelle et définitive par l’établissement », souligne la chambre.
Cette somme, correspondant à des créances constituées entre 2001 et 2010, a été « inscrite de manière transparente dans les comptes 2014 adoptés par le conseil de surveillance en 2015 », fait-on valoir à la direction de l’AP-HP. « Elle doit s’apprécier au regard du volume de recettes annuelles de l’AP-HP de 7,3 milliards d’euros », ajoute-t-on.
« Beaucoup d’amertume »
La chambre régionale des comptes critique également la rémunération de l’ancienne dirigeante de l’AP-HP, Mireille Faugère –trente ans de carrière à la SNCF–, débarquée en novembre 2013 pour sa gestion controversée du dossier de l’Hôtel-Dieu, sur l’île de la Cité, à Paris. Sur autorisation ministérielle, son salaire aurait été porté « à 300 000 euros bruts par an, contre 200 000 pour son prédécesseur », relève la chambre. Ce « traitement différencié n’était pas fondé sur une base réglementaire », estime l’institution administrative qui ajoute que, lors de son départ, Mme Faugère a touché une prime de 125 000 euros brut. Pendant ses trois années à la tête de l’AP-HP, elle aurait également eu recours pour 3,7 millions d’euros à des coachs et des consultants extérieurs.
« J’ai mis fin dès mon arrivée en novembre 2013 à tous les contrats avec les consultants », explique au Monde Martin Hirsch, le directeur général de l’AP-HP, disant regretter les « comportements, même passés, qui peuvent venir ternir le rapport de confiance avec les patients et les personnels. » « Ce que j’ai lu dans ce rapport est aux antipodes de la stratégie que nous menons à l’AP-HP depuis deux ans », ajoute-t-il. Pour bien se démarquer de la précédente équipe, la direction de l’AP-HP indique d’ailleurs n’avoir « pas souhaité répondre à la chambre régionale des comptes » sur la question des rémunérations de Mme Faugère, « laissant l’intéressée (…) émettre les observations qui lui semblaient utiles ». Contactée par Le Monde, Mireille Faugère n’a pas souhaité commenter le rapport.
Les montants dévoilés mercredi ont été accueillis fraîchement par les principaux syndicats de l’AP-HP. « Dans un contexte ultra-tendu avec la nouvelle organisation du temps de travail, la montée du mécontentement ainsi que du FN dans notre institution, un gouvernement aux abonnés absents, un directeur général sur Mars, c’est l’écœurement général », note Jean-Marc Devauchelle, le secrétaire général de Sud Santé à l’AP-HP. « En plein plan d’économie de 150 millions d’euros, il y a beaucoup d’amertume », ajoute Rose-May Rousseau, la secrétaire générale de la CGT à l’AP-HP. La chambre régionale des comptes doit désormais annoncer si elle entend poursuive en justice certains actes relevés dans le rapport.