« Graduate programs » : L’ascension programmée de jeunes à « haut potentiel »
« Graduate programs » : L’ascension programmée de jeunes à « haut potentiel »
Par Gaëlle Picut
De grandes entreprises dispensent des formations prestigieuses pour attirer les meilleurs diplômés et les fidéliser.
Derrière l’anglicisme « graduate program » se cache un dispositif de sélection et de formation de « hauts potentiels » destinés à constituer le futur « top management ».
« Comment attirer les meilleures compétences et les garder ? » C’est le mantra qui rythme les discours des directions des ressources humaines depuis des années. Pour y répondre, la Marine nationale vient de se lancer dans une méthode qui a fait ses preuves au cours des quinze dernières années dans les entreprises anglo-saxonnes : le « graduate program ». Pour les militaires, ce programme s’accompagne d’un demi-tour du monde à bord de la mission Jeanne-d’Arc.
Derrière l’anglicisme « graduate program » se cache un dispositif de sélection et de formation de « hauts potentiels » destinés à constituer le futur « top management » : diversité des missions et des rencontres, ouverture à l’international, apprentissage continu à travers des formations et accompagnement personnalisé. Ces programmes durent en général de deux à quatre ans. Ils sont destinés aux jeunes diplômés d’écoles d’ingénieurs ou de commerce. Orange, Coca-Cola, Auchan, Carrefour, Crédit agricole, Total, PSA, Société générale ou encore General Electric en proposent.
Première étape du « graduate program » pour le candidat : réussir un processus de recrutement exigeant qui mélange tests de personnalité et d’anglais, entretien individuel et assessment center (centre d’évaluation où les candidats passent des tests psychologiques et de mise en situation individuels et collectifs).
« Une sélection rassurante »
La sélection est forte ! Par exemple chez Orange, seuls 4 % des candidats sont recrutés. « Cette sélection poussée m’a plutôt rassuré. Je me suis dit que le programme devait être à la hauteur de la sélection et la promesse de devenir directeur de magasin tenue », estime Gaëtan de Lamberterie, polytechnicien et ancien « graduate » de Carrefour.
Ensuite, le parcours du « graduate program » consiste à alterner missions au siège et postes opérationnels, dont une partie à l’étranger. Louise Degeorges, diplômée de Télécom Bretagne, a ainsi intégré le « graduate program » d’Orange en 2010. « En quatre ans, j’ai fait trois rotations. Alors que j’avais 22 ans, j’ai occupé un poste de chef de projet technique, réservé habituellement à de jeunes trentenaires. Puis j’ai enchaîné avec un poste opérationnel au sein d’une unité de pilotage réseaux. Pour mon troisième poste, j’ai fait le choix de manager une équipe technique et de rester dans l’opérationnel. Le “graduate program” m’a clairement fait sauter des étapes. »
Changement régulier de poste
C’est aussi le fait de changer régulièrement de poste qui a séduit Gaëtan. « J’ai passé la première année à la direction des achats au siège, puis six mois dans une filiale. La dernière partie du programme était opérationnelle, d’abord en supermarché puis en hypermarché où je gérais en direct la partie produits frais transformés (boulangerie, boucherie). Cette expérience m’a permis d’acquérir des compétences managériales et de me former pour devenir directeur. » A l’issue du programme, comme promis, à 26 ans, Gaëtan est devenu directeur d’un hypermarché à Aubervilliers (6 200 m2 de vente, 200 salariés).
Durant tout le programme, les jeunes bénéficient de formations régulières et de rencontres privilégiées avec des dirigeants de haut niveau. « J’ai vraiment eu l’impression d’être choyé, témoigne Gaëtan. Notre promotion de “graduate” rencontrait le DG France tous les trimestres. Rien de tel pour découvrir l’entreprise de façon globale et panoramique en un temps record ! » Afin de ne pas susciter de jalousies, Gaëtan et Louise recommandent de se positionner intelligemment et de faire preuve d’humilité.
Tous deux ont apprécié d’être accompagnés et suivis durant leur cursus. « J’ai bénéficié d’une marraine, une femme manageur qui avait un vrai vécu professionnel et qui a su me donner des conseils précieux et me challenger », témoigne Louise.
Autre avantage de ces programmes, la possibilité de se tisser un large réseau. « En temps normal, j’aurais mis des années à le constituer, estime la jeune femme. De plus, le “graduate program” nous apporte un capital sympathie qui aide à ouvrir des portes. » « Quand j’ai un problème de logistique ou de prix à résoudre, je sais tout de suite vers qui me tourner. Cela fait gagner un temps précieux », confirme Gaëtan.
Accélérateur de carrière
Une étude menée en mars 2015 par le NewGen Talent Centre de l’Edhec auprès de 205 jeunes diplômés qui avaient bénéficié d’un « graduate program » indique que 80 % d’entre eux considéraient que leur parcours avait été un accélérateur de carrière et 90 % le conseillaient aux jeunes diplômés. L’effet accélérateur joue également sur le niveau de rémunération : dès l’entrée, le « graduate program » a un effet bonus sur le salaire.
Attention toutefois à ce que les promesses du programme soient tenues, sinon les heureux élus n’hésiteront pas à aller voir ailleurs. Un quart des participants de l’enquête Edhec ne sont pas restés dans l’entreprise, pour diverses raisons.