Gameloft veut enfin faire des jeux vidéo originaux
Gameloft veut enfin faire des jeux vidéo originaux
Par William Audureau
Le numéro 1 français sur mobile espère profiter de son changement de propriétaire pour s’aventurer sur de nouveaux terrains inconnus.
Gameloft, connu pour ses reprises de succès d’autres éditeurs, veut gagner en originalité à l’horizon 2017. | Gameloft
Et si le géant français du jeu vidéo mobile, réputé pour ses décalques de franchises célèbres, se mettait enfin à produire des titres originaux ? C’est le pari avancé mercredi 12 octobre par Vivendi, qui a pris les rennes de Gameloft en juin. Le groupe de Vincent Bolloré, dans son bras de fer médiatique avec sa grande sœur Ubisoft, veut montrer l’attention qu’il porte à la créativité des équipes de développement.
« Les gens de Gameloft manquaient de temps pour innover : ils n’avaient pas assez de ressources humaines et financières pour faire le jeu qui ferait la différence », souligne le nouveau PDG de l’éditeur, Stéphane Roussel, par ailleurs directeur exécutif de Vivendi, qui a largement mis l’argument de sa dodue trésorerie en avant.
« L’arrivée de Vivendi nous permet de placer l’originalité parmi nos priorités », confirme Alexandre de Forestier, vice-président administratif, financier et vétéran de Gameloft. Sa volonté : tourner la page de la stratégie du play safe (jouer la sécurité) qui avait marqué les dix-sept premières années de l’entreprise. Celle-ci avait bâti son catalogue sur une approche simple : l’identification de marchés à succès et le lancement de jeux inspirés du numéro 1 mondial. A l’image de la série Modern Combat, déclinaison du Call of Duty : Modern Warfare d’Activision, ou des Gangster, émules à peine cachés des Grand Theft Auto de Rockstar.
Pas de Cyril Hanouna
Le changement mettra du temps à être perceptible. Les quatre jeux annoncés ce 12 octobre, comme Zombie Anarchy (un jeu de stratégie inspiré du leader du genre sur mobile, Clash of Clans), et les suites Modern Combat Versus et Asphalt Extreme, inspiré de la série Motorstorm de Sony, n’illustrent pas vraiment le virage annoncé par Vivendi et Gameloft. Normal : ces jeux étaient en développement depuis plus d’un an, bien avant ce revirement.
C’est surtout à partir de la fin 2017 que l’éditeur français présentera les fruits de sa nouvelle réflexion. Afin de rompre avec le suivisme de son catalogue, la nouvelle équipe dirigeante a lancé un concours à idées en interne. Soixante-dix projets de jeux « qui pourraient faire la différence » ont été envoyés, un premier vote des employés permettra de réduire la liste à une vingtaine, avant que la direction valide le développement de quelques-uns parmi les sept ou huit sélectionnés par les directeurs créatifs.
« On veut des équipes plus autonomes et que la créativité ne soit plus centralisée. C’est ce que j’ai demandé. Nous [Vivendi] apportons juste les moyens. Mais on n’imposera rien aux équipes », assure au Monde Stéphane Roussel, qui a par ailleurs écarté la rumeur d’un jeu Cyril Hanouna.
« Cela n’aurait financièrement aucun sens de faire un titre de genre, spécifiquement pour un marché français qui ne représente que 3 % de nos ventes, alors qu’une production coûte un ou deux millions et que nous vendons dans le monde entier », détaille Alexandre de Forestier.
La piste du jeu musical
Vers quoi s’orientera alors Gameloft ? Les 70 projets n’ont pas encore passé la grille du vote. Parmi ceux-ci, certains tablent sur la réalité virtuelle. Stéphane Roussel croit de son côté à des aventures scénaristiques basées sur des séries ou des films de la galaxie Vivendi, comme le groupe Canal, désormais représenté au directoire de l’éditeur.
Certains auraient manifesté leur envie de donner plus d’importance aux gammes de l’éditeur comme Modern Combat, en cherchant à les développer en parallèle au cinéma. Alexandre de Forestier rêve, lui, d’un jeu musical. « Avant, ce n’était pas envisageable, car les droits étaient trop chers et Gameloft n’avait pas les moyens. Maintenant, avec Universal Music dans le groupe, les portes se sont à nouveau ouvertes. »
Cette nouvelle politique n’est pas non plus anodine. « L’effet bénéfique de la bonne intégration de Gameloft rassure les collaborateurs d’Ubisoft, à qui on a promis les pires effets si Vivendi se montrait un peu plus présent, notamment en termes de créativité, souligne Stéphane Roussel. En vérité, c’est tout à fait l’inverse qui se produit. » Preuve de cette nouvelle orientation, Gameloft a promis d’importantes primes aux employés ayant eu l’idée féconde du fameux « jeu qui ferait la différence ». Ils sont 70 à attendre et espérer.