Primaire de la droite : un premier débat sous haute tension
Primaire de la droite : un premier débat sous haute tension
Par Matthieu Goar, Alexandre Lemarié
Alors que le duel Juppé-Sarkozy domine la campagne, les sept candidats se préparent à l’affrontement, jeudi 13 octobre sur TF1.
Les candidats aux primaires de la droite, de gauche à droite : Jen-François Copé, François Fillon, Alain Juppé, Nathalie Kosciusko-Morizet, Bruno Le Maire, Jean-Frédéric Poisson, Nicolas Sarkozy. | KENZO TRIBOUILLARD, LIONEL BONAVENTURE, MARTIN BUREAU, JOEL SAGE / AFP
Sept candidats prêts à en découdre, des attaques quotidiennes, des sondages inquiétants pour les uns, enthousiasmants pour les autres… Le premier débat télévisé de la primaire à droite, jeudi 13 octobre, sur TF1 à 21 heures, en partenariat avec RTL et Le Figaro, aura lieu dans un contexte extrêmement tendu. Avant ce grand oral, les principaux prétendants ont donné le ton en s’invectivant sur leurs démêlés judiciaires.
Alors que les sarkozystes tentent d’affaiblir Alain Juppé en rappelant qu’il a été condamné en 2004 dans l’affaire des emplois fictifs de la Mairie de Paris, le maire de Bordeaux a riposté lourdement, lundi soir sur BFM-TV : « En matière judiciaire, il vaut mieux avoir un passé qu’un avenir. » Une pierre dans le jardin de Nicolas Sarkozy, mis en examen dans l’affaire Bygmalion pour financement illégal de sa campagne présidentielle de 2012 et sous la menace d’un procès. Ce dernier avait lancé, le 5 octobre, sur Radio Classique : « Je fais de la politique depuis trente-cinq ans je n’ai jamais été une seule fois condamné. »
Pour se démarquer, Bruno Le Maire et François Fillon ont, eux, fait valoir qu’ils n’avaient jamais été concernés par une procédure judiciaire. De son côté, Jean-François Copé multiplie les accusations contre l’ex-chef de l’Etat sur le dossier Bygmalion… A six semaines du scrutin, tous les coups semblent permis.
La bande-annonce du débat diffusée trente-six fois
Dans ce climat houleux, les sept candidats vont se retrouver pour la première fois depuis le début de la campagne sur le même plateau. L’enjeu est important. D’abord parce que ces joutes télévisées sont souvent très suivies.
En 2011, le premier débat de la primaire du Parti socialiste (PS) avait réuni 4,9 millions de téléspectateurs. Cette fois, afin d’assurer la promotion de l’émission, TF1 et les organisateurs de la primaire ont été jusqu’à se mettre d’accord pour que la bande-annonce du débat soit diffusée… trente-six fois.
L’audience sera un premier indicateur de l’attrait pour cette élection. L’image dégagée par les candidats de la droite sera cruciale devant des millions de téléspectateurs. Les organisateurs veulent éviter deux écueils : un débat lénifiant ou une foire d’empoigne incompréhensible.
« C’est la première grande vitrine de la primaire, observe Thierry Solère, président du comité d’organisation. Il faut éviter un pugilat comme aux Etats-Unis entre [le candidat républicain] Donald Trump et [son adversaire démocrate] Hillary Clinton mais avoir un vrai débat démocratique, pas aseptisé, où chacun défend ses propositions. »
L’économie et le régalien en majesté
Les deux grands thèmes abordés seront l’économie et le régalien. Le débat devrait porter sur le chômage, la sécurité et l’immigration. Afin de dynamiser les échanges, chaque candidat ne pourra parler plus d’une minute et les concurrents auront le droit de s’interpeller et de répondre.
Pour organiser l’émission, les équipes des candidats ont dû se mettre d’accord sur les moindres détails (placement sur le plateau, temps de parole, thématiques abordées…) lors de multiples réunions. Mercredi après-midi, ils devaient visiter le plateau une ultime fois pour vérifier que leurs desiderata ont été respectés : des pupitres opaques, pas de caméras filmant les fiches des candidats… Une façon de rassurer des états-majors sous pression.
M. Sarkozy, en grande difficulté depuis une dizaine de jours, jouera gros. Entre des sondages le donnant largement battu par M. Juppé, la parution du réquisitoire de Patrick Buisson ou les nouveaux éléments sur l’affaire Bygmalion, l’ex-chef de l’Etat est contraint de réussir sa prestation pour maintenir ses chances de s’imposer les 20 et 27 novembre.
L’ex-président a un plan pour tenter de mettre M. Juppé en difficulté : d’après ses proches, il entend « cliver sur le fond », en réaffirmant sa ligne à droite toute, dans l’espoir de faire apparaître le maire de Bordeaux comme plus modéré.
Un rendez-vous soigneusement préparé
« Il faut continuer à suivre son cap et ne pas changer de tactique », souligne Eric Woerth, un partisan de l’ancien chef de l’Etat. M. Sarkozy devrait donc de nouveau se poser comme le candidat du peuple face aux « élites », en défendant notamment son idée de deux référendums, sur le regroupement familial et les fichés « S ».
Des propositions qui ne sont « pas à la hauteur des enjeux », a déjà tranché M. Juppé, lundi, sur son blog, accusant son rival de vouloir « faire la courte échelle au Front national ». En position de force, le favori des sondages s’apprête à jouer une tout autre partition que M. Sarkozy. S’il semble prêt à riposter à la moindre attaque, l’ex-premier ministre sait aussi que ce n’est pas à lui de prendre des risques.
« Celui qui doit changer la donne, ce n’est pas Alain Juppé, remarque Gilles Boyer, son directeur de campagne. Si c’est un match nul, c’est lui qui gagne ! »
« Alain Juppé doit dérouler ses propres thèmes, juge son porte-parole, Benoist Apparu. La posture du chicaya, il doit la laisser aux autres pour apparaître comme celui qui prend de la hauteur. »
Les sept participants préparent soigneusement ce rendez-vous. Depuis le début de la semaine, ils sont abreuvés de fiches et multiplient les réunions avec leurs proches conseillers. Chacun promet de mettre en avant ses propositions sans attaquer ses rivaux.
Chambouler le duel Juppé-Sarkozy
En réalité, tous se préparent à un affrontement. Mardi matin, Bruno Le Maire a organisé dans son QG un débat fictif avec de vrais pupitres, où chaque candidat était joué par un de ses proches : Sébastien Lecornu a endossé le rôle d’un Sarkozy offensif, tandis que Damien Abad incarnait un Juppé au-dessus de la mêlée.
« Nous travaillons beaucoup ce débat. Il faut dégager une ou deux propositions précises sur chaque thème pour faire valoir notre différence », explique Jérôme Grand d’Esnon, directeur de campagne du député de l’Eure.
En tant que challenger, M. Le Maire a tout intérêt à marquer des points pour espérer chambouler le duel annoncé entre M. Sarkozy et M. Juppé. C’est aussi le cas pour M. Fillon, qui entend mettre en avant son projet de « rupture » et sa droiture. « Il fait le pari que les Français vont récompenser une certaine forme de cohérence politique et morale », confie son entourage.
Nathalie Kosciusko-Morizet, elle, compte profiter de la tribune pour défendre son concept de « nouvelle France » révolutionnée par le numérique, alors que le candidat du Parti démocrate chrétien, Jean-Frédéric Poisson, peut espérer faire décoller sa notoriété.
Le rendez-vous de jeudi ne sera que le premier round : deux autres débats télévisés auront lieu avant le premier tour – les 3 et 17 novembre – avant celui d’entre deux tours le 24 novembre.