Pochette du disque « Something like now ». | DR

« Le feu prit feu/Tout prit feu… » (Ionesco). Putain ! Et voilà tout à trac ce qui carambole le ciboulot à l’écoute du Moutin Factory Quintet (Sunside, Paris 1er, 14 octobre). On ne peut donc pas tout contrôler. Les neurones n’en font qu’à leur tête.

Brève méditation sur la métaphore pratique (« mettre le feu »), aussi bien revendiquée par la poésie la plus haute, que par Johnny (futur Prix Nobel). Quand on entend les frères Moutin (François, le contrebassiste et Louis, le batteur) en leur Fat’s Medley, on sait qu’ils mettent le feu. La transe en danse (Prévert, maintenant), c’est leur truc. Adolescence retrouvée. François Moutin est né le 24 décembre 1961.

« Comme c’est curieux, quel hasard et quelle coïncidence ! » (Ionesco, toujours), Louis Moutin aussi !

À New York comme à Paris, depuis plus de vingt ans, les Moutin sont les jumeaux les plus célèbres du jazz. Des frères en jazz, on en connaît. Mais des jumeaux qui se sont répartis basse et batterie un soir de Noël, pour former la rythmique de l’orchestre, son pouls, on ne connaît que les Moutin. Glissons sur leur physique de cinéma – James Dean ou Clementi – et cette façon assez agaçante de ne pas vieillir. S’il s’agissait de filles, on aurait les très vertueux réseaux sociaux sur le dos, merci !

La liberté de la scène

Deep, leur dernier album est, comme on dit maintenant, « très bien produit ». Beau déroulé, casting de rêve : un Jean-Michel Pilc étincelant (piano), Christophe Monniot au sommet (alto et sopranino sax), tous deux également capables de ballades sur tempo medium, le tempo des dieux (Bliss), et de ces points d’incandescence que seul le club permet.

Il y faut des musiciens de haut vol, c’est le cas. Plus un magicien discret, Manu Codjia : guitariste poète ingénieur d’effets électroniques. Fête de l’instant, rythmique d’enfer. Vous doutez du « jazz » ? Moi aussi. Remède de cheval au galop : écoutez Deep et filez entendre la liberté que leur donne la scène. Entendre la liberté, ce n’est pas seulement voir, ni savoir, c’est une chance.