Sylvain Kalache, créateur de la Holberton School : « La capacité d’adaptation est la compétence-clé »
Sylvain Kalache, créateur de la Holberton School : « La capacité d’adaptation est la compétence-clé »
LE MONDE ECONOMIE
Créée par trois jeunes ingénieurs français, la Holberton School propose un modèle de formation innovant dans la Silicon Valley.
Sylvain Kalache, 27 ans, diplômé de Sup Info et ancoen de LinkedIn, fondateur de la Holberton School
La pédagogie française s’exporte dans la Silicon Valley, où trois ingénieurs en informatique viennent de créer la Holberton School. Elle formera en deux ans des ingénieurs système selon des méthodes proches de celles que l’on rencontre à Sup Info, à l’Epitech ou à l’école 42 : pédagogie de projet, travail en équipe, pas d’enseignants mais des mentors, etc. La scolarité y est gratuite, mais une fois qu’ils ont trouvé un emploi, les anciens étudiants s’engagent à reverser 17 % de leur salaire pendant trois ans. Les explications d’un des trois fondateurs, Sylvain Kalache, 27 ans, qui a quitté LinkedIn pour lancer cette école, qui a notamment reçu le soutien financier de Jerry Yang, cofondateur de Yahoo!, et de Jonathan Boutelle, cofondateur de SlideShare.
Comment est née la Holberton School ?
Lorsque je me suis fixé à San Francisco, il y a sept ans, j’ai travaillé aussi bien pour des petites start-up que chez LinkedIn, qui comptait 10 000 employés. Pourtant, dans les deux cas, la problématique était la même : la croissance était ralentie parce qu’on ne trouvait pas suffisamment de personnes qualifiées. C’est un problème considérable aux Etats-Unis, où l’on estime que, d’ici dix ans, 1,4 million d’emplois requérant un haut niveau technologique seront créés ; au rythme actuel, seules 400 000 personnes seront correctement formées.
Les technologies évoluent extrêmement vite. Comment choisir son champ de spécialité ?
En évitant, justement, de se spécialiser à outrance. De plus en plus de métiers se créent, et la compétence-clé tient à la capacité d’adaptation. Plus que jamais, il faut aller à l’école pour « apprendre à apprendre ». L’autre urgence est d’augmenter le nombre de personnes qui suivent une formation de bon niveau. Aux Etats-Unis, une étude du gouvernement fédéral affirme que 83 % des personnes qui exercent des métiers pas ou peu qualifiés sont susceptibles d’être remplacées par des robots d’ici dix ans.
Votre première promotion compte 40 % de femmes, alors qu’elles sont très minoritaires dans l’informatique. Est-ce un choix ?
Nous n’avons pas raisonné en ces termes, bien que nous soyons sensibles à la question : le nom de l’école est un hommage à Frances Elizabeth « Betty » Holberton (1917-2001), une des six femmes qui programma l’Eniac, le premier ordinateur, en 1943. Aujourd’hui, le manque de femmes est criant dans la Silicon Valley – elles sont environ 12 %. Mais il y a aussi un manque de diversité sociale ou ethnique. Pour autant, si vous appliquez une politique de quotas, vous risquez de faire peser le soupçon sur les candidats – avoir été retenus en raison de leurs origines et pas sur leur motivation ou leurs compétences. Raison pour laquelle nous ne demandons aucune information aux candidats lors du processus de sélection, qui s’effectue en passant des tests en ligne. Finalement, cela nous a permis d’assurer la diversité : outre les 40 % de femmes, nous avons 44 % d’étudiants issus des minorités ethniques, et une fourchette d’âge qui s’étend de 17 à 51 ans. Simplement en laissant faire l’ordinateur.
Voyez-vous la Holberton School comme un modèle pour l’école du futur ?
La réponse n’est pas univoque. L’école du futur consistera sûrement en un mélange entre contenus en ligne, projets collectifs, accompagnement par des enseignants ou des coachs… Avec, sans doute, deux clés : apprendre à apprendre, et travailler en équipe. Je ne prétends pas que c’est la meilleure méthode pour tout le monde, mais je pense que c’est celle qui va former la force de travail dont on aura besoin pour les décennies à venir.
Afin de comprendre le monde de demain pour faire les bons choix aujourd’hui, Le Monde vous donne rendez-vous à O21/s’orienter au XXIe siècle, à Lille (6 et 7 janvier 2017), Cenon (10 et 11 février), Villeurbanne (15 et 16 février) et Paris (4 et 5 mars).