Avec ExoMars, l’Europe se rapproche de la Planète rouge
Avec ExoMars, l’Europe se rapproche de la Planète rouge
Par David Larousserie
Plus que quelques heures avant que, pour la première fois, un engin de l’Agence spatiale européenne ne se pose sur Mars.
Vue d’artiste de la sonde TGO et son module atterrisseur, Schiaparelli, au moment de la séparation le 16 octobre | D. DUCROS / AFP
Suspense pour l’Agence spatiale européenne, l’ESA, et son homologue russe, Roscosmos. Leur bébé, Schiaparelli, est en route pour se poser sur la planète Mars, ce qui serait une première pour elles. Seuls les Américains ont, pour l’instant, réussi à « amarsir ».
Les enjeux de la mission ExoMars résumés en 3 minutes
Durée : 02:39
Peu après 16 h 30 cet après-midi, le module en forme de tajine conique de 600 kilogrammes entrera dans l’atmosphère martienne à 120 kilomètres d’altitude. Six minutes plus tard, à 16 h 48, après l’éjection de son bouclier thermique, le déploiement de son parachute et le déclenchement de ses rétrofusées, il touchera le sol martien, sur un vaste plateau d’altitude près de l’équateur.
La confirmation du bon déroulement de ces phases risquées n’interviendra que plus tard. Des radiotélescopes installés en Inde pourraient capter des signaux faibles dix minutes après, comme ils l’ont fait dimanche lors de la séparation de Schiaparelli de son cargo-sonde, Trace Gas Orbiter (TGO). Plus vraisemblablement, cette confirmation pourrait venir vers 18 heures de deux autres sondes en orbite autour de Mars, Mars Express et Mars Reconnaissance Orbiter. TGO devrait aussi renvoyer les données enregistrées lors de la descente et de l’atterrissage durant la nuit de mercredi à jeudi.
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Cette sonde aura elle-même effectué, à partir de 15 heures, une manœuvre délicate pour se positionner sur une trajectoire en orbite autour de Mars. Un freinage de plus de deux heures doit la placer sur des ellipses très allongées, sur lesquelles elle fera le tour de Mars en quatre jours. Frôlant le haut de l’atmosphère martienne, elle freinera à chaque passage, ce qui, sans consommer de carburant, lui permettra de s’installer en orbite plus circulaire à environ 400 kilomètres d’altitude dans… un an.
Les deux phases de cet après-midi sont risquées. L’Europe en 2003 avait, par exemple, perdu le contact avec son rover Beagle 2, posé sur le sol mais inactif. Les insertions en orbite ne se sont également pas toujours bien passées, avec trois échecs depuis 1993 pour le Japon et les Etats-Unis et cinq succès (pour l’Inde, les Etats-Unis et l’Europe).
Cette mission ExoMars 2016 en précédera une autre, plus ambitieuse en 2020 : poser un véhicule capable de forer jusqu’à 2 mètres de profondeur le sol martien et analyser des échantillons préservés de toute destruction photochimique. Avec l’espoir de mettre en évidence des traces de matières organiques inaccessibles jusqu’à présent. La même année, les Chinois ont aussi prévu de se poser, tout comme les Américains avec un nouveau rover, identique à Curiosity, qui explore depuis 2012 la Planète rouge. Auparavant, en 2018, la Nasa aura déposé des instruments destinés à sonder l’intérieur de la planète avec la mission Insight.
Schiaparelli a avant tout une mission technologique, ayant pour but prouver le savoir-faire européen en matière de rentrée atmosphérique. Des données scientifiques seront néanmoins enregistrées durant la descente et les deux jours et demi d’autonomie énergétique au sol. Il s’agira de données météorologiques, comme la température, la pression, la densité de l’atmosphère ou la vitesse des vents. Au sol, pour la première fois, des mesures originales du champ électrique environnant seront faites. Comme dans un désert terrestre, le frottement des grains de sable entre eux arrache des charges électriques, qui se répartissent graduellement en altitude et créent un champ de plusieurs milliers de volts par mètre. Ce champ, accélérant des électrons, pourrait expliquer la destruction en surface d’une éventuelle matière organique.
A partir de la fin 2017, TGO essaiera elle aussi d’apporter des éléments sur l’histoire de Mars, qui a priori a eu la même enfance que la Terre. Des détecteurs permettront notamment de trancher le débat sur la présence ou non de traces de méthane dans l’atmosphère. Comme ce gaz peut être d’origine biologique, le sujet échauffe les esprits. Sa présence sur Mars semble rare, en tout cas, et discontinue, ce qui pourrait aussi s’expliquer par des phénomènes physico-chimiques. TGO, par la détection d’autres hydrocarbures, aidera à trancher entre les deux hypothèses.