Des étudiants manifestent pour l’organisation d’un référendum révocatoire de Nicolas Maduro, à Caracas, le 21 octobre. | FEDERICO PARRA/AFP

Coup de force ou aveu de faiblesse ? Les autorités vénézuéliennes ont annoncé, vendredi 21 octobre, le report sine die du référendum révocatoire demandé par l’opposition pour écourter le mandat du président chaviste Nicolas Maduro. Dans un communiqué, le Conseil national électoral (CNE) dit « appliquer les mesures ordonnées par les tribunaux » et ordonne « la suspension du processus de collecte des signatures jusqu’à nouvel ordre judiciaire ». Etape nécessaire pour l’organisation d’un référendum révocatoire, la collecte des signatures de 20 % des électeurs devait avoir lieu du 26 au 28 octobre.

Dans l’après-midi, l’ex-candidat présidentiel Henrique Capriles a dénoncé « un coup d’Etat contre tous les Vénézuéliens ». « Le CNE a fermé la soupape d’une sortie pacifique à la crise », se désolent à l’unisson les opposants. « Seules les dictatures privent les citoyens de leurs droits », a renchéri Luis Amalgro, secrétaire général de l’Organisation des Etats américains. A Washington, le porte-parole du département d’Etat a condamné la décision du CNE.

A l’occasion de la collecte des signatures, la coalition d’opposition, la Table de l’unité démocratique (MUD), espérait une mobilisation massive des électeurs, exaspérés par la récession et la dégradation de leurs conditions de vie. Selon le Fonds monétaire international, la chute du PIB vénézuélien pourrait cette année atteindre 10 %, et l’inflation 500 %. Selon l’institut de sondage Datanalisis, 76 % des Vénézuéliens souhaitent le départ de M. Maduro. « Le gouvernement a tué la seule issue démocratique », a déclaré le chaviste dissident Nicmer Evans.

« Pas de référendum »

M. Capriles qui, au sein de la MUD, défend la voie de la légalité et du référendum contre l’aile la plus radicale, qui rêve de voir le pays se soulever, s’est exprimé sur un ton particulièrement énergique. « Il appartient aux démocrates de défendre la démocratie, a-t-il martelé. Et de souhaiter que les militaires fassent respecter la Constitution. » Il a appelé ses compatriotes à se mobiliser massivement à partir de mercredi. « Nous allons occuper le Venezuela de bout en bout, a-t-il annoncé. Etre pacifique ne veut pas dire être idiot. S’ils veulent nous mettre en prison, qu’ils essayent. »

La veille, le tribunal pénal de première instance de la ville de Valencia, dans l’Etat du Carabobo, avait interdit la sortie du territoire de M. Capriles, ainsi que celle de Jesus « Chuo » Torrealba, secrétaire général de la MUD, et de six autres responsables de l’opposition. Pour sa part, Lilian Tintori, épouse de Leopoldo Lopez, le dirigeant d’opposition condamné à 14 ans de prison, a appelé les Vénézuéliennes à manifester samedi, en invoquant « l’article 350 de la Constitution qui reconnaît le droit à la désobéissance civile ».

Les dirigeants chavistes se sont, eux, réjouis de la décision de justice qui a conduit à la suspension du référendum révocatoire. « La contre-attaque du chavisme ne fait que commencer, a prévenu publiquement le député et vice-président du Parti socialiste, Diosdado Cabello. Les opposants peuvent pleurnicher tout ce qu’ils veulent, mais il n’y aura pas de référendum. »

Pour que le CNE accepte de mettre en œuvre la procédure susceptible de déboucher sur l’organisation d’un référendum, la loi exige que 1 % des électeurs se manifeste. Le 2 mai, la MUD avait donc présenté quelque 2 millions de signatures au CNE, soit dix fois plus que nécessaire. Après plusieurs semaines d’examen, le CNE en a finalement validé 399 412, un chiffre suffisant pour mettre en œuvre la procédure d’organisation du référendum.

Mais plusieurs dirigeants chavistes ont alors accusé en justice la MUD de « fraude électorale ». Jeudi, cinq tribunaux de première instance de province leur ont donné raison et ont simultanément invalidé cette première collecte de signatures. C’est sur la base de ces décisions de justice que le CNE a décidé de suspendre la procédure d’organisation du référendum. Selon des chavistes, plusieurs milliers de signatures sont celles de personnes mortes, de mineurs ou de citoyens condamnés pour crimes graves.

Le président Maduro a quitté jeudi son pays pour une courte tournée, durant laquelle il espère obtenir des pays pétroliers qu’ils acceptent de réduire leur production pour faire remonter le cours du baril. D’Azerbaïdjan, il a appelé ses compatriotes « au calme et au dialogue ». M. Capriles a accusé le chef de l’Etat d’avoir abandonné « le pays et son poste ».