Après la Tunisie, l’université Paris-Dauphine a inauguré le 18 octobre une implantation au Maroc, à Casablanca. Dans un entretien au Monde Afrique, Laurent Batsch, président de l’Université depuis 2007, explique qu’il est important « de faire vivre la notoriété de [son] université à l’étranger » et de « capter l’intérêt et la candidature de très bons étudiants qui sinon se tourneront vers d’autres alternatives ».

Pourquoi ouvrir une nouvelle antenne au Maroc ?

Paris-Dauphine a traditionnellement un flux important d’étudiants marocains. Ils viennent souvent dès la sortie des lycées Lyautey de Casablanca ou Descartes de Rabat. Au Maroc, il existe aussi un groupe de diplômés très important et très dynamique dont la plupart des membres occupent des responsabilités économiques éminentes. On a donc un lien fort avec ce pays.

Il faut savoir que Paris-Dauphine a une vraie présence africaine, puisqu’on délivre un MBA international non seulement à Casablanca mais aussi à Alger, Tunis, Dakar, l’île Maurice et autour de la Méditerranée. Enfin, on raisonne, un peu comme tout le monde, en voyant la dynamique de croissance du continent, la demande croissante d’éducation des classes moyennes. Même si elles restent embryonnaires, elles commencent à émerger et on a envie d’aller chercher les bons étudiants africains. S’ajoute à cela la francophonie qui simplifie beaucoup de choses et crée une communauté de cultures.

S’ouvrir à l’international est donc indispensable ?

On a ouvert à Londres, il y a deux ans, à Madrid cette année, à Tunis depuis 2009 et avons un portefeuille de diplômes délocalisés à travers le monde comme un Master de finances à Hanoï, un EDBA [Executive Doctorate in Business Administration] à Pékin ou une double licence à Montréal. Notre premier intérêt est de faire vivre notre notoriété à l’étranger et d’entretenir l’attrait pour notre maison, y compris pour des étudiants qui seraient susceptibles de venir directement à Paris. Cela signifie être capable de capter l’intérêt et la candidature de très bons étudiants qui, sinon, se tourneront vers d’autres alternatives, y compris francophones.

Le second intérêt, c’est de mettre Dauphine en tension vers le monde, de toujours rappeler que ça serait une attitude paresseuse d’attendre que les gens viennent à nous et que nos formations doivent toujours intégrer la mondialisation. Il y a donc à la fois la volonté d’aller chercher les bons internationaux là où ils sont et, en même temps, de stimuler les étudiants qui font leurs études à Paris.

Combien d’étudiants attendez-vous à Casablanca ?

On démarre avec des masters II en formation continue. Ce sont des groupes qui dépassent rarement une trentaine d’étudiants. On en aura sans doute un peu moins au début parce qu’il faut le temps d’installer les diplômes. Entre maintenant et la rentrée 2017, on va proposer sept diplômes : principe et pratique de la finance islamique ; management de l’immobilier ; management de la santé ; système d’information de l’entreprise étendue ; juriste financier ; conseil en gestion de patrimoine et ingénierie financière. Ils sont tous des masters de Paris-Dauphine, également délivrés à Paris. On devrait donc avoir autour de 200 étudiants grâce à ces masters spécialisés.

Comment se fait le financement ?

Tout est autofinancé. Nous ne percevons pas de subventions des Etats français et marocain. D’un certain point de vue, on pourrait dire que c’est une garantie de notre indépendance, mais en même temps, il faut qu’on soit très réalistes sur la gestion financière. Dauphine a avancé une petite somme pour créer une société de droit marocain qui va gérer ses intérêts sur place. Les diplômés de Casablanca ont avancé un peu de fonds aussi.

Tout le modèle repose donc sur l’autofinancement et sur les droits d’inscription, qui seront compris entre 7 000 et 8 000 euros et pourront être pris en charge par des entreprises. On n’y va pas pour gagner de l’argent, mais on se doit de ne pas en perdre si on souhaite durer, comme n’importe quelle société. C’est un modèle qui est viable puisqu’on l’a expérimenté à Londres.

Comment les professeurs ont-ils été choisis ?

Nous établissons la maquette des cours puis sélectionnons les professeurs et les étudiants. Les professeurs de Paris n’assureront pas 100 % des cours à Casablanca puisque, même en France, il y a beaucoup de vacataires professionnels. On a donc des recrues locales et on va se donner les moyens d’étoffer progressivement le corps enseignant avec des intervenants locaux, des grands professionnels et pourquoi pas des académiques ou des universitaires.

Pourquoi suivre son cursus à l’université Dauphine de Casablanca plutôt qu’à la faculté ?

Je ne veux pas débaucher des étudiants qui sont susceptibles d’aller à l’université et, vu le nombre que nous accueillerons, on n’est une menace pour personne. Je ne pourrais d’ailleurs pas tous les accueillir si cela était possible…

On va proposer la sécurité de la qualité de Paris-Dauphine, avec une formation qui a été reconnue ailleurs sur le marché du travail. Si on vient l’apporter à Casablanca, c’est parce qu’elle est demandée par les entreprises ou les professions marocaines. Derrière la marque Paris-Dauphine, il y a des fondamentaux et de la consistance.

Dauphine s’était implanté à Tunis en 2009. Quel bilan faites-vous après ces sept années ?

Vous remarquerez d’abord qu’on a traversé la révolution de 2011, qu’on l’a fait en institution indépendante… Il n’empêche que nous avons traversé une période difficile au cours de laquelle, on a monté notre campus au Belvédère avec des salles, une bibliothèque, un espace de restauration, des salles numériques… On compte environ 320 étudiants.

Nous avons toujours souhaité que Tunis soit une porte ouverte, comme Casablanca, sur l’Afrique subsaharienne. La conjoncture politique de la région, et notamment la situation en Libye, n’a pas permis de le faire. Mais la stabilité de la Tunisie est en marche. On s’est installé sur du long terme et on va se servir de cette expérience tunisienne pour la réinvestir à Casablanca.

L'enseignement supérieur en Afrique : les vrais chiffres
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Le Monde Afrique organise les 27 et 28 octobre, à Dakar, la troisième édition de ses Débats avec pour thème, cette année, les défis de l’éducation supérieure en Afrique. Il y sera question des universités, de l’adéquation des filières actuelles avec les besoins des entreprises, de l’innovation technologique au service de l’éducation et de la formation des leaders africains. L’entrée est libre, sur inscription. Cliquez ici pour consulter le programme et vous inscrire.