Les Egyptiens, pharaons du squash
Les Egyptiens, pharaons du squash
Par Boris Teillet
Les championnats du monde de squash masculin se déroulent au Caire. Sept des treize dernières éditions ont été remportées par un Egyptien.
L’Egyptien Mohamed El Shorbagy, au premier rang, le 27 mai 2016. | MARWAN NAAMANI / AFP
La France et l’Angleterre tentent bien de faire de la résistance, mais cela semble peine perdue. Six des huit joueurs encore en lice aux championnats du monde de squash qui se déroulent en ce moment au Caire sont égyptiens.
Deux exceptions confirment cette règle. Le tenant du titre est français. En 2015, Grégory Gaultier était parvenu à accrocher son nom au palmarès et rejoignait ainsi son compatriote Thierry Lincou, champion du monde en 2004. Nick Matthew aussi s’évertue à contrecarrer la domination des Egyptiens, le Britannique a remporté la compétition en 2010, 2011 et 2013. Tous deux se sont qualifiés pour les quarts de finale. Un copier-coller du classement mondial, où sept Egyptiens figurent dans le top 10. On retrouve le même ascendant chez les femmes, où cinq des dix premières mondiales sont égyptiennes.
« Ça fait quinze ans que je me rends en stage en Egypte pour essayer de comprendre ce qu’il s’y passe », témoigne Philippe Signoret, entraîneur de l’équipe de France féminine de squash. Chez les Pharaons, le squash est le deuxième sport national, derrière le football. Importée d’Angleterre au XIXe siècle, c’est surtout dans les années 1990 que la discipline a conquis le pays. Plus particulièrement en 1996, avec l’organisation du premier Open Al-Ahram, au pied des pyramides de Gizeh. Le jeune Ahmed Barada, 19 ans, atteint alors la finale du tournoi et s’érige en exemple pour les jeunes générations. « Barada est considéré par les Egyptiens comme un héros national, confirme l’Egyptienne Nouran Gohar, 19 ans et quatrième joueuse mondiale. Pour moi, il est l’icône du squash égyptien et l’une des principales raisons de sa domination. »
Un « sport phare »
Bien que réservé aux familles aisées, le squash attire énormément de joueurs en Egypte. Et des jeunes : « J’ai commencé à l’âge de 8 ans, et c’était considéré comme tard », illustre Nouran Gohar. De jeunes joueurs ambitieux qui pullulent sur les courts du Caire ou d’Alexandrie, voilà ce qui fait aussi la force du squash égyptien selon Philippe Signoret : « Contrairement à ce qu’il se passe en France, les courts sont principalement occupés par des jeunes qui sont là pour apprendre ou qui ont déjà un haut niveau, pas par des pratiquants loisirs. Forcément, ça crée de l’émulation ». « Les juniors s’entraînent à côté des champions du monde, précise Nouran Gohar. Ça leur permet d’avoir toujours des exemples à suivre. »
Camille Serme accompagne régulièrement Philippe Signoret en Egypte. La Française de 27 ans vient de remporter son deuxième tournoi majeur, l’US Open, en battant la numéro 1 mondiale en finale, l’Egyptienne Nour El Sherbini. Elle préférerait parler du squash français, mais elle comprend : « Ici, en France, on a 46 000 champions qui sont plus médiatisés que nous. Là-bas, c’est un sport phare, donc oui, les enfants veulent jouer au squash et ressembler à leurs champions ». Et à écouter la numéro 7 mondiale, ils y arrivent plutôt bien. « Il y a un mois, nous étions en Egypte avec une famille franco-égyptienne, raconte Camille. Je regardais une petite fille de 8 ans s’entraîner, elle rentrait plus de nicks que moi… J’ai voulu savoir ce que lui disait son entraîneur pour qu’elle prenne autant de risques. Elle m’a répondu : “Il m’a dit qu’il fallait que je marque le point.” ». Le « nick » est le seul coup irrattrapable en squash. Pour le réussir, il faut frapper la balle de manière à ce qu’elle rebondisse sur le mur frontal puis vienne mourir pile dans l’arrête entre le sol et un des murs latéraux.
Plusieurs longueurs d’avance sur la concurrence
« Ils sont connus pour tenter énormément ce genre de coup, poursuit Camille Serme. Ils ne font pas dans la dentelle à essayer de fatiguer l’autre, ils tentent de marquer le point dans n’importe quelle position, à n’importe quel endroit du court ». Pour la Française, la différence se fait au niveau de l’apprentissage. « Ils développent leur soif de gagner en jouant énormément, ils apprennent en jouant. Nous, on se focalise plus sur la technique, sur comment faire les choses correctement ». « Ils sont plus pragmatiques que nous, ajoute Philippe Signoret. Ils ont une très grande liberté dans la manière de faire, dans la technique. »
Comme l’illustre le championnat du monde au Caire, l’Egypte semble posséder encore plusieurs longueurs d’avance sur la concurrence. Mais depuis quelques années, elle doit faire face à la montée en puissance des Etats-Unis, qui attirent de plus en plus les meilleurs joueurs. « Ces dernières années, l’Egypte n’est pas stable économiquement et politiquement, argumente Nouran Gohar. De nombreux joueurs ont l’occasion d’aller étudier aux Etats-Unis. Moi j’ai décidé de rester en Egypte, mais de plus en plus de top joueurs et de coachs partent aux Etats-Unis pour avoir une meilleure vie. C’est une menace pour le squash égyptien. »
Nouran Gohar tentera quand même de faire perdurer sa domination lors des championnats du monde féminin qui auront lieu à Paris du 27 novembre au 3 décembre. Pour savoir si l’Egypte remportera un huitième championnat du monde masculin en quatorze ans, il faudra attendre vendredi, jour de la finale au Caire.