Pologne : le choix de l’isolement
Pologne : le choix de l’isolement
Editorial. Qu’il s’agisse de la question des réfugiés, de l’avenir de l’Union, de la défense européenne, de l’Etat de droit ou des valeurs, tout sépare aujourd’hui Varsovie de Paris et Berlin, ses deux plus importants partenaires au sein de l’Union européenne.
Jaroslaw Kaczynskin, président du parti nationaliste Droit et justice (PiS), et Andrzej Duda, président de la Pologne, en novembre 2015, à Varsovie. | JANEK SKARZYNSKI / AFP
Editorial. Un froid glacial s’est installé dans les relations entre la Pologne et ses deux plus importants partenaires au sein de l’Union européenne, l’Allemagne et la France. La décision française d’annuler le sommet du Triangle de Weimar prévu début novembre à Paris, annoncée vendredi 28 octobre par le président polonais, Andrzej Duda, a officialisé la détérioration des relations entre les trois pays. Elle consacre aussi l’inversion de la dynamique qui aurait pu faire de la Pologne un des pays moteurs de l’Europe.
Créé en 1991, alors que ce pays sortait du communisme, le Triangle de Weimar visait à favoriser l’intégration de Varsovie dans la famille européenne avec l’aide de Berlin et de Paris. Après l’adhésion de la Pologne à l’UE en 2004, les réunions de ce groupe informel se sont espacées, en même temps que la nouvelle diplomatie polonaise montait en puissance et jouait son rôle au sein de l’UE. Le climat, cependant, s’est gravement assombri entre Varsovie d’une part, Paris et Berlin de l’autre, depuis l’arrivée au pouvoir en Pologne du parti nationaliste Droit et justice (PiS) en octobre 2015 ; en août, à l’initiative de l’Allemagne et de la France, les ministres des affaires étrangères des trois pays se sont réunis à Weimar pour tenter de relancer la coopération.
Mépris des conventions commerciales
Mais depuis, la relation franco-polonaise s’est brisée sur le contrat des 50 hélicoptères militaires remporté par Airbus à la suite d’un appel d’offres, signé par le gouvernement polonais antérieur et rompu par le gouvernement actuel en octobre. Cette rupture s’est faite au mépris de toutes les conventions commerciales et des usages diplomatiques, à neuf jours d’une visite du président François Hollande pour des consultations intergouvernementales régulières. L’Elysée a, à juste titre, annulé cette visite. Varsovie a ensuite annoncé l’achat direct, sans appel d’offres, de 21 appareils américains.
Mais les divergences avec la Pologne vont bien au-delà de ce camouflet. Qu’il s’agisse de la question des réfugiés, de l’avenir de l’Union, de la défense européenne, de l’Etat de droit ou des valeurs, tout la sépare aujourd’hui du couple franco-allemand. La réalité, c’est que Paris ne voit pas à l’heure actuelle de points sur lesquels le président Hollande, la chancelière Angela Merkel et le président Duda pourraient, à l’issue d’un sommet, afficher une position commune. Une telle réunion ne servirait a rien, sinon à permettre au gouvernement PiS de légitimer ses positions anti-européennes.
En conflit ouvert avec Bruxelles
La Pologne de Jaroslaw Kaczynski, le président du PiS, qui est, en réalité, celui qui tire les ficelles à Varsovie, a tout à perdre à ce jeu. En rompant le contrat des hélicoptères, dont elle aurait assuré une partie de la production, elle a renoncé à la possibilité de devenir l’un des piliers d’Airbus et de l’industrie de défense européenne. En délicatesse avec l’Allemagne et la France, elle ne peut plus compter sur son allié britannique, trop occupé à négocier son retrait de l’UE. Elle est en conflit ouvert avec Bruxelles, dont elle vient de rejeter les recommandations sur le conflit du gouvernement du PiS avec le Tribunal constitutionnel polonais. Son seul véritable allié au sein de l’UE est la Hongrie de Viktor Orban.
Au lendemain de la chute du communisme, la Pologne, sixième pays de l’UE par sa population et pionnière dans les réformes économiques, était promise à un statut de puissance de poids au sein de l’Europe. Le PiS a choisi l’isolement dans le camp occidental. C’est dommage.