La Cour suprême des Etats-Unis, à Washington, le 8 novembre. | Zach Gibson / AFP

Merrick Garland s’était montré particulièrement ému, en mars, dans le Rose Garden de la Maison Blanche, lorsque le président Barack Obama l’avait nommé officiellement à la Cour suprême pour remplacer le conservateur Antonin Scalia, décédé brutalement un mois plus tôt. Cette effusion était prématurée parce que le juge Garland devait obtenir une confirmation du Sénat que le chef de la majorité républicaine, Mitch McConnell, n’était pas décidé à lui accorder.

Des mois durant, le juge de la prestigieuse Cour d’appel des Etats-Unis pour le circuit du district de Columbia avait tenté de faire fléchir les sénateurs du Grand Old Party. En pure perte. M. McConnell, selon une interprétation toute politique et toute personnelle des institutions, avait décidé que le neuvième juge de la plus haute instance judiciaire américaine serait nommé par la personne qui succéderait à M. Obama, misant sur une victoire républicaine.

Le sénateur du Kentucky a visé juste. Il reviendra au président Donald Trump, qui prendra ses fonctions le 20 janvier, de faire en sorte que le Grand Old Party puisse non seulement maintenir une majorité conservatrice à la Cour suprême, mais vraisemblablement l’élargir. Parmi les quatre juges qui y siègent et qui ont été nommés par des présidents démocrates, deux ont en effet atteint ou dépassé l’âge ordinairement choisi pour prendre sa retraite. Il s’agit de Stephen Breyer (78 ans, l’âge auquel est décédé Antonin Scalia) et de Ruth Bader Ginsburg (83 ans), nommés l’une comme l’autre par Bill Clinton. Anthony Kennedy est également d’un âge avancé (80 ans). Nommé par Ronald Reagan en 1988, ce juge rangé parmi les conservateurs a souvent rompu les rangs pour se rapprocher des progressistes sur des sujets de société.

Hostiles à l’avortement

M. Trump, lors du troisième débat présidentiel, le 19 octobre, s’était montré particulièrement clair sur ses objectifs. « Les juges que je vais nommer », dans l’hypothèse d’une victoire, « seront provie », donc hostiles à l’avortement. « Ils seront conservateurs. Ils protégeront le deuxième amendement », qui garantit la liberté de posséder une arme à feu, et « ils interpréteront la Constitution de la manière dont les fondateurs voulaient qu’elle soit interprétée ». Une référence à l’école juridique « originaliste » incarnée jusqu’à sa mort par le juge Scalia.

La nomination d’un nouveau juge constituera un banc d’essai pour le nouvel équilibre du pouvoir à Washington. Compte tenu de leurs maigres gains enregistrés mardi 8 novembre – deux sièges seulement malgré un renouvellement favorable et alors qu’ils en comptaient quatre de retard par rapport aux républicains –, les démocrates resteront minoritaires au Sénat. Ils disposent cependant de l’arme du filibuster (obstruction), qui permet de bloquer une procédure tant que la majorité ne dispose pas des soixante voix (sur cent) nécessaires pour passer outre. Il faudra désormais huit voix démocrates aux républicains pour avancer.

A moins que le Grand Old Party ne se décide à recourir à l’équivalent parlementaire de l’arme atomique : la suppression du filibuster. Une profonde entaille dans la tradition du Sénat dont l’éventuel coût politique est encore délicat à évaluer.