Donald Trump, le « candidat des djihadistes » ?
Donald Trump, le « candidat des djihadistes » ?
Par Madjid Zerrouky
Passé les manifestations d’« indignation » de façade, des figures djihadistes n’ont pas caché une certaine satisfaction sitôt le résultat de la présidentielle américaine connu.
Et si Donald Trump était un tract de propagande djihadiste ? La thèse, relayée avant la présidentielle par des analystes américains défavorables au milliardaire, continue de faire son chemin, le scrutin passé : l’élection du candidat républicain offrirait ainsi un boulevard à Al-Qaida, notamment.
En cause, la sympathie manifestée par le vainqueur de la présidentielle américaine pour les autocrates du monde arabe. « Si la politique étrangère de Trump priorise ces hommes forts comme alliés, Al-Qaida va bénéficier d’un coup de pouce inimaginable », s’alarme ainsi Charles Lister, chercheur au Middle East Institute, dépité par le triomphe de Trump.
Les djihadistes en question n’ont rien fait pour la démentir. Surtout les « al-qaidistes » ou proches de la mouvance salafiste-djihadiste, hors organisation Etat islamique, l’EI s’étant globalement désintéressé de l’élection américaine. Après les premières manifestations d’« indignation » de façade et de sympathie intéressée exprimée envers les Noirs et musulmans américains, des figures djihadistes n’ont pas caché une certaine satisfaction sitôt le résultat de la présidentielle américaine connu.
« La guerre devient publique »
« Une étape importante vers la victoire des sunnites », pérore le cheikh saoudien Abdallah Al-Mouhaysni, aujourd’hui en pleine ascension médiatique en Syrie et qui, lors de la scission entre le Front Al-Nosra et l’EI, a pris le parti d’Ayman Al-Zawahiri, le chef d’Al-Qaida. « La politique américaine n’a pas beaucoup changé, ce qui change, c’est que la guerre [qu’ils nous mènent] devient publique », ajoute celui qui vient d’être placé sur la liste des personnalités terroristes par Washington, qui le considère comme le conseiller religieux et un financier des dirigeants de l’ex-Front Al-Nosra, devenu Front Fatah Al-Cham. Pour le compte duquel il a levé des fonds en provenance des pays du Golfe.
« La victoire de Trump est susceptible d’ouvrir la voie à des batailles sanglantes et un chaos encore plus grand, et les sunnites ne seront pas le grand perdant », veut ainsi croire le Saoudien, qui aime se mettre en scène sur les lignes de front syriennes.
Mercredi 9 novembre, ce sont deux de ses aînés, Abou Mohammed Al-Maqdissi – ami du chef d’Al-Qaida, Ayman Al-Zawahiri –, et Abou Qatada Al-Filistini, l’ancien représentant en Europe d’Oussama Ben Laden, de vieux routiers et théoriciens du djihadisme, qui ont donné le ton, pas mécontents de remettre un visage quasi familier sur leur vieil ennemi américain : une sorte de retour aux années Bush, celles du choc frontal entre le réseau terroriste et la Maison Blanche. « Avez-vous vu à quel point cette société [américaine] est bienveillante ? » faisait mine de s’interroger Abou Qatada.
« Trump révèle la vraie mentalité des Américains, leur racisme et leur haine contre l’islam et les Arabes. Tout ceci ne fait qu’exposer au grand jour ce que ses prédécesseurs ne faisaient que masquer », ajoutait Abou Mohammed Al-Maqdissi. L’idéologue palestino-jordanien, qui qualifie M. Trump d’« idiot », déterre au passage une vieille prophétie d’Oussama Ben Laden, celle d’un empire américain qui finira par s’effondrer de l’intérieur, victime de sa décadence et de ses contradictions. « Puisse le mandat de Trump être le début d’une division de l’Amérique et le temps de la désintégration », conclut Maqdissi.
En Syrie, le Front Fatah Al-Cham a vite trouvé, le 9 novembre, une vertu à l’élection du nouveau président américain, celle, visiblement, de lui alléger la tâche : « A partir d’aujourd’hui, nous n’aurons plus besoin de diffuser des communiqués exposant les machinations de l’Occident, il nous suffira de retweeter les déclarations de Trump », ironisait Hamza Al-Karibi, un responsable du groupe.
Changement de ton
Passé le trait d’humour, l’ex-branche officielle d’Al-Qaida en Syrie a changé de ton dès le lendemain pour dénoncer le raid aérien, mené par « l’Amérique de l’injustice et de l’incroyance », qui a tué deux de ses cadres le 2 novembre dans la région d’Idlib. Les Etats-Unis ont d’ailleurs réintroduit le 10 novembre le Front Fatah Al-Cham dans leur liste des organisations terroristes, le Front Al-Nosra ayant changé de nom en juillet.
L’annonce, par le groupe djihadiste, de la rupture formelle de ses liens avec le réseau Al-Qaida n’a d’évidence pas convaincu Washington. Selon le Wahington Post, le président américain, Barack Obama, vient d’ordonner au Pentagone une accélération des frappes contre les leaders du groupe en Syrie alors que priorité avait été jusque-là donnée à la lutte contre l’EI.
Depuis des mois, la communauté du renseignement américain ne cache pas son inquiétude face aux allées et venues de cadres d’Al-Qaida de la zone afghano-pakistanaise en Syrie, où le Pentagone craint que les zones sous contrôle du Front Fatah Al-Cham et de ses alliés deviennent un nouveau sanctuaire. Le tout sur fond d’un regain de menaces proférées à l’encontre de Washington.
Au Yémen, l’émir d’Al-Qaida dans la péninsule Arabique se félicitait il y a quelques jours « du retour, du Machrek au Maghreb, des armées de moudjahidin qui dévoreront l’Amérique ». Autre source d’inquiétude américaine, le Front Fatah Al-Cham pourrait également combler le vide laissé par son rival, l’Etat islamique, qui perd de plus en plus du terrain. Trump ou pas, la guerre continue.