L’ode à la France du (presque) candidat Hollande
L’ode à la France du (presque) candidat Hollande
Par Bastien Bonnefous
Le président de la République a profité d’un déplacement dans le sud-ouest pour poser les jalons de son éventuelle candidature.
Le président François Hollande à Ayguesvives (Haute-Garonne), le 19 novembre. | GUILLAUME HORCAJUELPO / AFP
C’est une première pierre posée, un premier signal. Selon nos informations, doit paraître dimanche 20 novembre, dans le Journal du Dimanche, un appel de personnalités de la société civile, pour dénoncer le « Hollande bashing » trop souvent installé selon elles contre le chef de l’État.
Parmi les signataires de cet appel figurent la créatrice de mode Agnès B. et le médecin urgentiste Patrick Pelloux, ami de François Hollande, qui l’avait alerté en personne quelques minutes après le massacre de la rédaction de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015.
Si l’Elysée assure n’avoir rien à voir avec cet appel, dont l’initiative relèverait exclusivement de ses signataires, le château ne cache pas pour autant sa satisfaction. Les bonnes nouvelles sont rares en effet pour le chef de l’État, alors qu’Emmanuel Macron a annoncé mercredi sa candidature à l’élection présidentielle, et que son premier ministre Manuel Valls ne débranche toujours pas ses velléités pour 2017. Surtout, les doutes persistent, y compris parmi ses soutiens, sur la capacité de François Hollande à pouvoir être candidat à un nouveau mandat.
Le chef de l’État, lui, ne laisse rien paraître et continue son chemin comme si de rien n’était. Samedi 19 novembre, il a passé sa journée dans le sud-ouest, entre l’Aude et la Haute-Garonne. Célébration des 350 ans du canal du Midi et passage en revue du 4e régiment de la légion étrangère à Castelnaudary, visite d’une start-up leader mondial des objets connectés à Labège, en périphérie toulousaine, pour terminer par un détour dans une école élémentaire et une réunion publique dans la petite commune d’Ayguesvives…
Un discours de pré-campagne
En quelques heures, François Hollande a coché toutes les cases d’un président tout terrain : défense du patrimoine et de la culture, soutien aux forces armées et à l’innovation industrielle, célébration de l’éducation nationale et de la démocratie locale. Le tout enrobé dans un discours à la France qui, dans la petite salle polyvalente de l’Orangerie, à Ayguesvives, résonne comme un discours de pré-campagne.
« C’est le président de la République qui s’est exprimé ce soir », prend soin plus tard de préciser à la presse François Hollande. Trop tôt encore pour dévoiler ses intentions, lui qui se laisse jusqu’à la mi-décembre pour donner sa décision pour 2017. Mais devant les quelque 200 personnes réunies à Ayguesvives, « cette petite commune comme beaucoup d’autres », c’est une véritable ode à la France que François Hollande a livrée.
« Aujourd’hui, j’ai voulu montrer le beau visage de notre pays », explique-t-il vantant son « génie », sa « capacité de création permanente », et ses « territoires et leur énergie positive ». A la tribune, accoudé au pupitre, le chef de l’État retrouve la gestuelle et la voix de sa campagne de 2012. « Depuis 2012, la France a fait de nombreuses réformes, je sais que des efforts ont été demandés et il reste encore beaucoup d’attente, d’impatience, parfois même de colère », précise-t-il.
Pour le président pas encore candidat, « les résultats arrivent », mais « il y a encore tant de changements qui doivent se réaliser dans la vie réelle des Français ». Le voilà qui liste « quatre enjeux majeurs » pour les années qui viennent – il n’ose dire le prochain quinquennat. Il y a l’investissement public et privé, qui permet de « voir loin » ; l’éducation avec pour objectif « l’excellence pour tous » ; la formation tout au long de la vie, qui « fera la différence dans la mondialisation » ; et la transition énergétique qui, avec l’accord de Paris à la COP21, devient « irréversible ».
Hollande l’optimiste vient parler à la France qui doute. Il refuse « la culture du dénigrement » qui « finirait par nous faire oublier nos forces et nos atouts ». « Nous sommes un peuple contradictoire, à la fois très critique et très fier de lui-même, à la fois très individualiste et très attaché au collectif, à la fois très défiant à l’égard de l’Etat et demandant toujours que l’Etat soit là », explique-t-il.
Contre le « tout-autoritaire » et le « tout-national »
Sans les nommer, le chef de l’État cible chacun de ses adversaires ou concurrents, à droite et à l’extrême droite, mais aussi à gauche. Il dénonce « le tout libéral » qui sacre « la liberté des uns contre celle des autres ». Il fustige « le tout-autoritaire » qui nourrir « l’arbitraire, le déni des diversités, le risque des conflits alors que notre pays a besoin plus que jamais de cohésion ». Il rejette « le tout-national » car « le repli, le protectionnisme, l’isolationnisme ne sont jamais la réponse ».
A l’heure du Brexit et après l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, François Hollande estime au contraire que l’Europe est la seule chance possible pour la France. « L’Europe sans la France, ou la France sans l’Europe, quelles seraient-elles ? », s’inquiète-t-il.
La veille du premier tour de la primaire de la droite, le chef de l’État refuse d’entrer dans un affrontement personnel avec l’opposition, Front national compris. Lui veut se placer au dessus de la mêlée, président en fonction qui n’a qu’un objectif à la bouche : « rassembler la France et les Français ». « Dans quelques mois, il y aura des élections, précise-t-il. Il y aura des débats, des projets, mais ce qui doit compter, c’est la vision de l’avenir, pas le retour vers le passé ni l’enfermement dans les frontières. Ce qui nous unit doit être plus fort que ce qui nous divise. »
Il n’hésite pas à dramatiser l’enjeu de la future présidentielle : « Nous allons être regardés dans le monde entier, cette élection aura des conséquences majeures sur l’Europe et sur le monde », prévient-il. Et à son ancien ministre, Emmanuel Macron, qui critique le « système » et griffe la démocratie des partis, François Hollande répond en disant sa « fierté pour les élus » qui « se sont engagés » et « ont été choisis par les citoyens ».
Après son discours d’une trentaine de minutes, le président de la République passe près d’une heure à serrer une par une toutes les mains dans la foule, pose pour des selfies, distribue bises et accolades. Entouré d’enfants, il s’exclame : « Voilà la France de demain ! », avant d’ajouter, dans un sourire : « Je parle d’eux, bien sûr ».