A Nice, avec la fin de l’ère Sarkozy, une page se tourne
A Nice, avec la fin de l’ère Sarkozy, une page se tourne
Par Marie-Béatrice Baudet (Nice - envoyée spéciale)
L’ancien président arrive en deuxième position dans la préfecture des Alpes-Maritimes, où il a souvent réalisé ses meilleurs scores électoraux.
A l’école de la Gairautine, à Nice, le 20 novembre. | ARNOLD JEROCKI/DIVERGENCE POUR "LE MONDE"
Il y eut d’abord cette confidence chuchotée par un assesseur : « La pile de bulletins qu’on a déjà réapprovisionnée trois fois depuis ce matin, c’est pas celle de Sarkozy, vous savez… » Puis, au fil de ce dimanche 20 novembre, d’autres indices ont conduit à l’hypothèse que personne, à Nice, n’aurait osé soulever il y a encore quelques jours : la défaite de Nicolas Sarkozy dans la capitale des Alpes-Maritimes, fief où il a souvent réalisé ses meilleurs scores nationaux.
« On n’en peut plus de ses méthodes : pousser tout devant sans rien bâtir derrière », confiait ainsi sans se cacher une jeune élégante venue voter en famille après le déjeuner. Sans oublier cette phrase plusieurs fois entendue dans la bouche de seniors bien élevés, mais visiblement agacés : « Le vote utile et discipliné, maintenant, ça suffit… »
A 22 heures, le résultat de la primaire est tombé : François Fillon emportait le département mais aussi Nice, avec 38,61 % des suffrages contre 35,55 % pour Nicolas Sarkozy. Alain Juppé, assez loin derrière, engrangeait seulement 19,99 % des voix. Dans les quartiers populaires, l’ancien président de la République a fait mieux que son ancien premier ministre, plutôt porté par le vote des classes moyennes traditionnelles.
« Il existe des hommes libres désormais »
A Nice, la fin de l’ère Sarkozy est une page qui se tourne. Pour l’ancien président, mais aussi pour ses deux chevaliers qui veillaient sur le château fort local : Eric Ciotti, député (LR) des Alpes-Maritimes et président du conseil départemental ; et Christian Estrosi, fidèle parmi les fidèles, président (LR) du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur.
L’échec de leur champion ne signe-t-il pas le leur ? C’est ce que veut croire Jean-Pierre Leleux, 69 ans, sénateur (LR) des Alpes-Maritimes, seul parlementaire du département à avoir soutenu ouvertement François Fillon : « J’ai cru en lui dès le départ, mais j’étais bien isolé car très peu d’élus ont accepté de s’engager à mes côtés, de peur de représailles. » Il n’a pas oublié comment il avait été écarté en 2014 de la liste UMP des sénatoriales pour que la femme de Christian Estrosi (remarié depuis) puisse s’y glisser. Jean-Pierre Leleux sera toutefois élu sur une liste qu’il montera lui-même : « Dans le département, en principe, il ne faut voir qu’une seule tête, mais il existe des hommes libres désormais… »
Le sexagénaire s’est déplacé dimanche soir à Cannes dans la permanence du maire (LR) de la ville, David Lisnard. Ce dernier a été chargé de veiller au bon déroulement des deux tours du scrutin dans le département. Pas d’incident notoire, quelques noms mal aiguillés sur les listes, mais « ni fraude ni contestation majeure », s’est félicité l’élu. Jean-Pierre Leleux fut, lui, assailli de questions par les journalistes : « Nicolas Sarkozy, battu à Nice, c’est un raz-de-marée, non ? » Songeant déjà au second tour, le filloniste répondit, diplomate : « Disons que son retour sur la scène politique n’a pas été perçu de façon positive. »