Une manifestation de lycéens, en octobre 2010, à Lyon. | R. QUADRINI / KR Images Presse / ¬© Rolland QUADRINI

Pas question de « désarmer les forces de l’ordre ». C’est ce qu’a répondu le ministère de l’intérieur, mercredi 22 juillet, au Défenseur des droits, qui avait réclamé un moratoire sur l’usage du Flash-Ball et recommandé son interdiction lors des manifestations dans une recommandation publiée mardi.

Dans la nuit du 13 au 14 juillet, un adolescent de 14 ans avait été blessé à Argenteuil (Val-d’Oise) par un tir de Flash-Ball au niveau des testicules par la police. Deux autres adolescents, l’un aux Mureaux (Yvelines), l’autre aux Ulis (Essonne), ont été blessés par la même arme. Trois enquêtes ont été ouvertes et confiées à l’IGPN (inspection générale de la police nationale). Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, s’était saisi d’office trois jours plus tard. « Au vu du risque de blessures graves induit par cette arme, comme de troubles à l’ordre public susceptibles de survenir suite à son usage, le Défenseur des droits ne peut qu’appeler à un retrait rapide », peut-on lire dans cet avis.

Aujourd’hui, les armes non létales peuvent être utilisées dans n’importe quelle situation d’« attroupement »

Utilisées par les policiers, y compris municipaux, des gendarmes et l’administration pénitentiaire, les armes dites « de force intermédiaire », Flash-Ball Super Pro, lanceur de balles 40/46 et Taser X26, sont régulièrement critiquées. Dans sa recommandation, l’ancien ministre de la justice fait état de plusieurs problèmes qui touchent à l’encadrement et à l’usage de ces armes. « C’est le fruit d’une longue réflexion sur les droits fondamentaux », dit-il.

Un premier avis avait été publié en mai 2013 sur l’utilisation des armes non létales par la police et la gendarmerie. La réponse apportée alors par le gouvernement, au travers de l’instruction du 2 septembre 2014, apparaît insuffisante au Défenseur des droits. Parmi les griefs : le retrait des caméras vidéo installées sur les Taser. « Cette caméra était le seul garde-fou qui encadrait l’usage de cette arme », indique Salomé Linglet, responsable de la privation des libertés et des violences policières à l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture).

Toutefois, le principal problème demeure l’utilisation des Flash-Ball. « Le fabricant reconnaît lui-même l’imprécision de cette arme », assure Jacques Toubon. Arme de poing, elle peut tirer une balle à 360 km/h, mais ne possède pas de viseur électronique et n’a qu’une portée limitée. Jugé obsolète par l’IGPN, le Flash-Ball s’avère particulièrement dangereux. L’IGPN vante aujourd’hui les mérites du LBD 40/46, une arme d’épaule et de précision qui possède une plus longue portée et un viseur optique. Le Défenseur des droits plaide lui aussi pour le LBD 40/46, « qui a vocation à être une arme de neutralisation », au contraire du Flash-Ball, qui permet de riposter instantanément à une agression.

« Banalisation »

Au sein de la police, la décision a été prise il y a deux ans de remplacer tous les Flash-Ball par des LBD 40/46. « Le fait que cette résolution ne soit toujours pas mise en place nous a poussés à proposer le moratoire », insiste M. Toubon.

L’ACAT va plus loin et demande l’interdiction systématique de ces deux armes. Selon Salomé Linglet, « le problème ne provient pas d’une simple imprécision de tir mais bien d’une banalisation de l’usage de ces armes ». Surtout, il est indispensable, selon elle, de mieux sensibiliser les forces de l’ordre à la dangerosité de ces armes, car « les policiers n’ont parfois pas conscience qu’elles peuvent être dévastatrices ».

Le Défenseur des droits recommande une formation intensifiée et un meilleur encadrement de ces armes, pour lutter contre les excès de zèle. Le Flash-Ball, introduit en 1995, était au départ réservé à des situations bien précises. Aujourd’hui, les armes non létales peuvent être utilisées dans n’importe quelle situation « d’attroupement ». Pour Salomé Linglet, il est impératif de renforcer le cadre juridique qui entoure ces armes.

Parmi les demandes formulées au gouvernement, le retrait pur et simple du Flash-Ball lors des manifestations. « On se rappelle tous de Sivens, au lendemain du drame [la mort du militant écologiste Rémi Fraisse], le ministre de l’intérieur avait décidé de retirer les grenades offensives des mains de la police, c’est donc possible », note Jacques Toubon – un moratoire « contre-productif qui pourrait avoir des conséquences dangereuses », estime-t-on au contraire dans l’entourage du ministre de l’intérieur.