TV: « Coups sur coups », montrer pour briser le silence
TV: « Coups sur coups », montrer pour briser le silence
Par Josyane Savigneau
Notre choix du soir. En Guadeloupe, des femmes victimes de violences conjugales témoignent de leur calvaire (sur France Ô à 20 h 50).
Myriam | ©Une production/ Chasseurs d'etoiles/ FTV
On parle souvent des violences faites aux femmes en termes de statistiques. On va plus rarement à la rencontre des victimes, comme le fait Anne Gintzburger, avec beaucoup de délicatesse, dans ce documentaire sur les femmes guadeloupéennes. Les premières images en disent long : une main palpe un corps meurtri, avec de nombreuses cicatrices. « Il y a ici beaucoup de femmes battues, dit l’une d’elles, mais pour leur réputation, elles n’osent pas parler. » La plupart ne travaillent pas et dépendent de leurs maris, infidèles, possessifs, sûrs « de la toute-puissance des hommes ». Quand elles osent enfin porter plainte, elles disent leur soulagement : « J’ai eu envie de me dégager. »« Je me suis libérée. » Mais l’avenir ? « L’incertitude de demain, ce n’est pas si grave. » C’est pourtant ce qui retient tant de femmes de commencer le combat.
Myriam parle à visage découvert. Elle vit dans un petit appartement avec ses deux enfants. Elle a subi plusieurs opérations du bras et ne peut plus travailler. La commission d’indemnisation des victimes tarde à statuer sur son cas. Alice, sa sœur, lui vient en aide. Myriam savait, quand elle a décidé de ne plus accepter les coups, que le chemin serait difficile. Désormais elle parvient à dire : « J’ai appris à m’accepter. » A se respecter, à aimer son corps blessé.
« Je l’aime »
Anne Gintzburger a filmé, sans montrer son visage, l’interpellation d’un homme. Il est agent de sécurité. Il livre le discours habituel des hommes violents. Il n’a rien fait. « Je n’avais pas bu. On a un enfant ensemble. J’ai tout fait de mon mieux. Je l’aime. »
Quand on ose demander du secours, c’est parfois d’abord par téléphone. Ainsi de cette jeune de 21 ans, désemparée. Elle a porté plainte. A l’hôpital, elle raconte. Son ex-compagnon était très jaloux, lui interdisait de sortir, ne perdait pas une occasion de lui rappeler son infériorité, celle de son sexe. « On aurait dit qu’il voulait me tuer. »« Je voulais me séparer de lui. Ma mère était contre. » Et l’on apprend que cet homme a 45 ans, qu’il est riche et offrait à la famille de l’aisance. La mère préférait donc que sa fille subisse et se taise. Il faudra beaucoup de ténacité, et des soutiens, pour rompre avec cet homme, mais aussi avec sa mère. Et pour comprendre que devenir une femme libre est un rude et constant combat.
Coups sur coups, d’Anne Gintzburger (Fr., 2016, 110 min).