Corée du Sud : quand le Viagra s’invite dans le scandale présidentiel
Corée du Sud : quand le Viagra s’invite dans le scandale présidentiel
Par Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance)
La présidence sud-coréenne aurait commandé plus de 360 pilules aphrodisiaques pour le seul mois de décembre 2015.
Manifestation contre la présidente sud-coréenne à Séoul en novembre. | AHN YOUNG-JOON / AP
La présidence sud-coréenne, c’est aussi un peu amour, gloire et beauté. Alors que l’enquête se poursuit sur le « Choigate », ce scandale qui pourrait se traduire par la destitution de la présidente Park Geun-hye et la condamnation pour corruption et abus de pouvoir de sa confidente Choi Soon-sil et de plusieurs de ses proches, Kim Sang-hee, parlementaire du parti Minjoo (opposition), a fait une découverte étonnante.
En épluchant un rapport du très officiel service d’évaluation des dépenses de santé, il a pu constater que la Maison Bleue, la présidence sud-coréenne, avait commandé en décembre 2015 60 pilules de Viagra et 304 de Pal-Pal, équivalent générique local de la pilule du plaisir prolongé.
Très vite, et sans doute pour couper court aux sarcasmes qu’une telle découverte pourrait susciter, le porte-parole de la présidence, Jung Youn-kuk, a tenté de rassurer les intrigués, soulignant « l’innocence » de la démarche. De fait, a-t-il expliqué, le Viagra permet également de prévenir le mal d’altitude. Il aurait été prescrit pour le personnel présidentiel devant accompagner Mme Park lors d’une tournée en Afrique, plus précisément au Kenya, en Ethiopie et en Ouganda, dont les capitales se situent à des altitudes relativement élevées.
Le corps médical ne nie pas cette spécificité du Viagra mais s’étonne que de vrais médicaments pour la prévention du mal d’altitude n’aient pas été choisis.
764 commandes de produits médicaux en trois ans
Mme Park étant célibataire, l’affaire n’a pas manqué de soulever des interrogations. Sa « disparition » pendant sept heures le jour du naufrage en avril 2014 du ferry Sewol – qui avait fait 304 morts – a de nouveau été évoquée. A l’époque, certains avaient suggéré que la présidente était avec Chung Yoon-hoi, l’ex-mari de Choi Soon-sil qui fut son directeur de cabinet quand elle était simple députée. Ces allégations avaient notamment valu au correspondant à Séoul du quotidien ultraconservateur nippon Sankei de subir les foudres présidentielles au travers de poursuites pour diffamation. Il avait par la suite été innocenté.
Les interrogations sont d’autant plus vives que Kim Sung-hee a également constaté dans le rapport 764 commandes entre janvier 2014 et septembre 2016 de produits médicaux tels que des vitamines ou des soins pour la peau similaires au Botox, très prisés des riches Coréennes du Sud.
De même la Maison Bleue a acheté 450 pilules de Proscar, un médicament de type finastéride destiné à prévenir l’hypertrophie de la prostate et la calvitie, et 600 de Circadin contre les insomnies. Toujours selon la présidence, tout cela ne devait servir qu’au personnel.
Quoi qu’il en soit, cette affaire n’a guère de chance d’améliorer l’image de la présidente Park. Au plus bas dans les sondages depuis l’éclatement fin octobre du Choigate, la voilà vilipendée pour un usage discutable des deniers publics.